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mercredi 5 mars 2008

Dressage, éducation, leadership et socio-constructivisme

Prof masqué,

Je réponds à votre commentaire dans ce texte.

Évidemment parler de dressage pour les enfants ou les humains répugnent à l'homme. C'est un terme qui s'applique à l'éducation des animaux. Mais substituons le terme éducation justement et souvenons-nous que nous fonctionnons aussi à un niveau inconscient très souvent comme les animaux.

En allant suivre un cours de dressage de chiens, on apprend à jouer adéquatement son rôle de maître, de dominant, de leader de la meute quoi. On apprend à passer des commandes claires, à adopter un ton de voix ferme quand on le fait, à se tenir à ce qu'on dit, à faire faire sans discussion (c'est stupide de discuter avec un animal et tout aussi stupide de discuter avec un enfant à propos de nos directives), à aussi féliciter son animal constamment quand il se comporte bien (récompense, harmonie). Je n'ai pas fait ce genre de cours, mais bon j'ai dressé un chien à la marche sans laisse, qui m'obéissait par commandes verbales, et ce chien que j'ai donné un jour est maintenant un très bon chien de zoothérapie, qui a été évalué comme un chien très équilibré pour ce genre de tâche. Bon, c'est un résultat que j'ai obtenu malgré bien des maladresses, puisque je suis autodydacte en ce domaine.

En classe, j'admets avoir beaucoup de difficulté encore. Dernièrement, cependant j'ai pris conscience d'une chose: discuter et expliquer mes décisions me faisait perdre ma crédibilité. Je discute trop. Biais d'intellectuel, qui a tendance à tout justifier, à vouloir montrer l'intelligence de ce qu'il fait pour se rassurer. Mais la tendance à justifier ce que je fais ne me sers pas comme leader. Dire un nom ferme et convaincu, à une requête inopportune d'un jeune, est cent fois supérieur (je l'ai observé ces dernières semaines) à expliquer que non, on ne sort pas de la classe parce que si ou ça... et de partir des débats sur l'attitude comportementale souhaitable pour le bon fonctionnement de la classe. Un non ferme et je continue ce que je fais et le jeune retournait à sa place sans discuter comme par miracle. Ma Française favorite essayait de m'expliquer cela un peu avant les rencontres de parents: ne pas laisser de prise à la discussion. Affirmer une raison évidente. Répondre brièvement. J'avais beaucoup de mal à faire cela, sans cesse j'entre dans des explications exhaustives encore... C'est un autre prof du PEI qui m'a mis aussi sur la piste qui me disait qu'il ne discutait jamais ses directives. Je comprends que le jeune a moins besoin de se faire expliquer ce qu'il a cent fois entendu d'ailleurs, que d'être encadré par un leader qui a de l'assurance et qui crée un environnement sécurisant ainsi. Dale Carnegie (Comment se faire des amis) explique aussi que la meilleure façon vivre de remporter la victoire dans une discussion, c'est de l'éviter!

Même chose en ce qui concerne les directives d'un travail: brièveté, clarté, fermeté. Trop emballer le truc dans le sens de ce qu'on fait génère du stress de compréhension, de l'inquiétude sur la difficulté, des réflexes de fuites, des prises à la critique. Allez plonge, t'es capable, point barre... C'est tout ce qu'il faut dire dans un premier temps. Et de s'y tenir, de mettre au travail, sans discuter. Le jeune a besoin de se faire dire: fais ce travail. Discutez est une perte de temps pour notre rôle en plus de ne pas plus susciter l'adhésion et de faire exactement le contraire la plupart du temps. Répondre au pourquoi constamment est s'enlever soi-même son statut de leader. "Je ne sais pas pourquoi, tu sais écrire, tu as des idées, allez écris et montre-moi ça tout à l'heure" Le jeune n'a de toute façon pas compétence pour juger de ces choses, lui chargé la tête ne le fera pas progresser, mais stresser, et il se rebiffe. Au pire, il se sert de votre manque de confiance, ou de votre excès de bonne volonté pour fuir la tâche.

Il doit faire confiance à son prof, le leader, et faire son travail. On doit rester dans cette ligne de force. Et son prof doit être un bon prof voilà tout, sûr de lui. S'il est là, il a sûrement quelque chose à montrer.

Dans cette perspective, les élèves tannants sont les mandatés inconscients du groupe pour "challenger" l'autorité pour résoudre le stress du leadership quand celui-ci souffre d'un manque d'assurance. La seule réponse intelligente en ce cas est de cadrer adéquatement par des instructions simples et de s'en tenir.

Quand on débat, on entre en stress de résolution. Il y a des moments pour cela. Mais la plupart du temps, un groupe humain demande une gouverne claire et sensée. On débat quand on a un problème: un stress à résoudre.

Le modèle socioconstructiviste est ainsi aberrant à mettre en place dans une classe parce qu'il place le jeune sur un pied d'égalité avec l'enseignant, il génère le conflit, le stress. Or, même les théoriciens du socio-constructivisme expliquent que nous avons tendance à vouloir éviter le stress, bref à résoudre le problème. La notion de stress est reliée à celle de survie dans nos dispositifs inconscients. On ne dort pas quand on est stressé comme l'animal qui a un abri trop peu sûr dort mal... Dès qu'un groupe animal n'a plus de leader, la priorité inconsciente du groupe est de procéder à l'élection d'un chef. Dès qu'un groupe a un problème, il a besoin de prendre des mesures pour solutionner, il se tourne vers son leader, s'il n'agit pas. Bref, chacun postule et cherche à résoudre le stress du groupe. Sans leader, c'est alors la désorganisation, le chaos.

Si nos leaders en éducation nous donnaient une gouverne claire et censée, je ne serais pas à écrire des contre-thèses, à défier l'autorité qui manque de vision, mais j'enseignerais dans un univers qui fait sens et je dormirais sur mes deux oreilles!

Nous avons beaucoup plus besoin pour notre calme d'une bonne direction, d'un leadership éclairé qui travaille pour le groupe efficacement, que de conflits et de débats stériles, de guéguères de pouvoir.

Le leadership est en mutation dans nos sociétés, il a perdu ses symboles autoritaires visibles et certaines manières frustres de s'imposer. Nous n'avons pas moins besoin de nos jours de bons leaders. Et les principes de gouvernance ont moins changé qu'on ne le pense. Ce changement crée passablement de remous en ce moment...

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