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samedi 30 mai 2009

Réflexion d'un pigeon d'argile!


On parle encore d'anonymat dans la blogosphère de l'éducation.

Bon, je ne vais pas revenir sur les raisons de vouloir demeurer anonyme, elles me paraissent évidentes.

Que les vendeurs de TIC, les compagnies d'informatique qui ont intérêt à nous compliquer la vie pour grossir leur portefeuille, aient pignon sur rue, personne n'est surpris.

Évidemment, notre grogne enseignante qui devrait encaisser dans l'enthousiasme leur improvisation doit leur être chiante pas mal. Surtout que la grogne parentale commence à faire écho et que, peu à peu, la réforme se réforme...

On recule un peu. Les illuminés qui ont tout investi chialent, les ambitieux nagent entre deux eaux opportunistes, les vendeurs de machines doivent être inquiets...

En plus, les anonymes jasent entre eux, les «découverts» aussi. De toute façon, le débat est stérile. Il y a les intéressés (vendeurs, ambitieux, idéalistes qui vendent de la conférence ou qui justifient leur job à 100000$) et les exécutants perplexes, critiques, pris dans leur quotidien essayant de se représenter l'ensemble et de comprendre ce qui leur tombe dessus comme une catastrophe envoyée par les dieux... Il y a les apôtres du pouvoir et les employés qui n'ont pas le temps ni la capacité réaliste de s'organiser contre ce pouvoir. De toute façon, le pouvoir ne discute pas, il vomit mur à mur son idéologie de langue de bois difficile à comprendre qui est là pour appuyer ses promoteurs sans effort. Le système leur a fourni les arguments. Monsieur Tout de go est cynique quand il écrit qu'il voudrait avoir des représailles pour que ça fasse avancer les choses... Il fait penser à ces gourous du management. Son job doit bien payer. Il y a tellement d'ouailles désemparées (en fait des ambitieuses bien souvent) à remplir de solutions ou d'apparentes solutions.

Désolé, je n'ai même pas le goût d'être diplomate avec ce genre de farceurs,... car j'ai perdu espoir de la discussion véritable. Je n'ai pas le goût de discuter avec les défenseurs de l'utopie qui m'écrase... Pour dire les choses vraiment, parce que je préfère la vérité à la langue de bois et que, sans rapport de force, je n'ai pas de pouvoir de négociation. On discute depuis des années, on est dedans quand même jusqu'au cou...

Et donc je ne discute pas avec les patrons, je prépare un pouvoir de négociation et oui, c'est une guérilla. Évidemment, subtile, de mots, d'idées, de réflexions pour aider les gens à se sortir des raccourcis de l'esprit que le milieu nous sert pour nous bourrer. Bref, j'influence les miens... et si les politiques nous lisent pour savoir comment améliorer les choses ou rétablir des ponts ou du bon sens, ben nous n'aurons pas perdu tout à fait notre temps... Je suis juste une manifestation du retour du refoulé! C'est fatigant, je sais...

Le dialogue en est donc un de sourds de toute façon. Et l'appel des gens du pouvoir à la transparence est un bon vieux stratagème. Le truc est simple, on met un peu de fromage sur la clenche... Ou on enfume le trou, les lapins sortent et on tire... Car ceux qui publiquement interviennent sont encore assez rare mais, avec les blogues, on commence à se multiplier et on montre un peu les dessous pas trop propres et parfois ridicules de nos administrations.

Bref, on aimerait bien tirer un peu sur les moineaux comme moi et les autres qui sont donc négatifs, qui sapent l'esprit d'équipe, qui brassent les enthousiastes en religion. Ou tirer les ficelles pour nous faire taire subtilement.

Leur courage de s'affirmer, leur belle invitation au débat public, leur carnet du 27 juin, pour vanter notre société libre et démocratique ne va pas me faire brailler. Allez intervenir sur leur blogue, vous vous retrouverez sous le feu nourri de 10 intervenants féru de langue de bois et idéologues convaincus. Ces gens ne discutent pas, ils dominent. Encore.

Monsieur Tout de go n'a pas trop pris la peine de réfléchir à la position du prof qui donne des exemples vécus en camouflant le nom des élèves et de la direction ou de parents tout en mettant son nom... ou si, il y a très bien réfléchi et il fait un peu l'innocent.

L'esprit critique a beau être au programme, au quotidien, c'est une autre histoire... Monsieur Tout de go fréquente seulement les ambitieux, celles et les quelques ceux qui épousent la philosophie au pouvoir et dépense beaucoup d'énergie pour acquérir la langue de bois pour avoir de l'avancement... Ces gens comme lui avec un plan de carrière: enseignant, directeur, consultant privé dans un monde dans un monde mue par le progrès...

Ces forces de la nature qui arriveront quelque part en avançant à visage découvert, «à visière baissée» comme l'un d'entre eux aime à dire, oublie souvent que la vie n'est pas juste un plan de carrière. On peut aussi vouloir avancer à une autre rythme. Le rythme de l'évolution technologique dans l'école est une tornade qui au quotidien n'a plus de bon sens.

Pourtant, j'aime bien l'ordinateur, je m'en sers tous les jours... Les jeunes aussi. Chez eux. Je suis prof de français, j'aime aussi l'idée de prendre le temps de travailler la maîtrise de la langue calmement et d'avoir le temps de le faire. J'aimerais qu'on cesse de répéter qu'il est ennuyant de travailler la maîtrise de sa langue. J'aimerais aussi qu'on cesse de me faire prendre des vessies pour des lanternes, de me faire gérer de grosses situations d'évaluation qui en bout de ligne permettent une perte de temps monumentale ou une tricherie qui ne veut plus rien dire. Au secondaire, les portefolios et les bilans ne sont pas praticables avec ses volumes d'élèves sans virer fou. Je n'ai pas de clé usb intégré pour me greffer un peu plus de cerveau ou deux pour la tâche ni le don d'ubiquité.

Ces gens qui vendent des machines ont décidé de nous vendre leur monde rose bonbon. Nos supérieurs nous l'imposent sans discussion tranquillement comme un rouleau compresseur. Leur monde rose bonbon au quotidien est plein de bogues informatiques et humains...

Voilà pourquoi je me permets souvent anonymenent, quand j'en ai le temps, de remettre en question leur philosophie du progrès et leur mécanique digne d'un roman de Kafka.

Je sais, ça fait manichéen de décrire les choses comme ça, mais disons que malheureusement de ce temps-là, dans les milieux, c'est comme ça, on te reproche assez vite ton manque d'enthousiasme... Changer les mots-clés et on est en plein communisme... jusqu'on nous met pas en prison, ou on ne nous déporte pas en Sibérie. On est plus subtile que ça... C'est l'évolution, parait-il...

samedi 23 mai 2009

Des dates par coeur... Qui est vraiment l'abruti? (avec quelques ajouts)


Je l'ai encore entendu d'une prof qui a mis toute son âme dans la réforme: « A .... (école privée de la région), ils font encore apprendre des dates par cœur en histoire (sur un ton de dédain).»


Le par-cœur (je prends la liberté d'en faire un substantif comme au Québec on le fait régulièrement en parlant et je propose cette graphie), en aurons-nous fait des affirmations gratuites sur son dos? Calamité du passé, la réforme décrète depuis des années qu'il faut faire du sens, développer des compétences dans des contextes signifiants. Le par-cœur a perdu sa cote: il est devenu le reliquat d'un behaviorisme associationniste lointain et décadent. Apprendre par cœur, c'est bêtement répéter des informations sans les comprendre. Ça sert pour l'examen et on oublie tout... On a tous entendu cela...

Mais bon, j'ai vécu l'époque du par-cœur, enfin celle où l'on ne devait pas se cacher pour faire apprendre des notions par cœur. Oui, on en est là... On dit que j'aurais tout oublié de mon histoire.

1534, 1608, 1755, 1760, 1763, 1838-39, 1867 sont les années jalons d'histoire du Québec qui sans effort me reviennent en tête. Allez demander à un jeune de nos jours d'aligner au moins ces dates et un minimum de contenu... Dois-je me souvenir dans le menu du détail des aléas de la vie parlementaire dominé par les Anglais depuis 1763, les différents actes et jalons de ce parcours? Question d'intérêt...

Comme pour le reste de mon secondaire, j'ai oublié les nombreux détails qui ne m'ont pas servi, ce que je n'ai pas recroisé et j'ai gardé ces quelques repères de l'histoire du Québec . Mais j'ai encore en mémoire, bien des concepts appris ces années-là dans mes cours de sciences, d'histoire, de français, de maths, etc. si bien que j'ai pu des années plus tard me rendre utile et enseigner dans des domaines que je n'avais pas approfondis à l'université.

Dans tous mes cours, j'ai dû apprendre des connaissances par cœur. Je me souviens d'exercices de mémoire au primaire: mémoriser un poème par exemple. On y arrivait en répétant beaucoup et un moment donné, magie, on le savait sans effort. C'était un fabuleux exercice.

Si je n'avais pas appris par cœur mes mots dans mes cours de sciences, dans mes cours d'anglais, mes tableaux en français, et tant d'autres choses, je ne crois pas que j'aurais cette capacité polyvalente me permettant de m'intéresser à différents domaines de la vie humaine.

Malheureusement, je n'ai pas la mémoire «eidétique», celle des détails, comme je l'ai vu chez de nombreux surdoués. Mon frère l'avait et de nombreux amis aux études l'avaient. Cette espèce rare de chanceux pouvaient se taper un bouquin la veille de l'examen et s'en sortir haut la main. Ils avaient beaucoup moins besoin de faire des exercices de mémorisation ou d'organisation de l'information pour intégrer les notions. Moi, je devais travailler un peu. Activer ma mémoire avec ce que j'avais appris au primaire et au secondaire: en répétant, en écrivant et en organisant... Pire, je perds plus rapidement que ces surdoués ma mémoire, il me faut passer du temps parfois pour réapprendre, resolidifier des connaissances que je n'ai pas utilisées depuis longtemps...

D'avoir appris la valeur, le sens d'un concept, des notions de base d'un domaine, n'empêchera jamais par la suite de réfléchir avec ses concepts. Mais réfléchir avec des concepts incertains, approximatifs ne mène pas bien loin. Tout ce qu'on apprend, c'est à répéter des formules creuses ou à trouver les adultes donc intelligents de manier des idées aussi compliquées... Et ce procédé fabrique à la tonne du décrochage en prime...

Bref, l'idée que le par-cœur est une activité bête n'a aucun fondement. Mais on la répète comme des ânes dans nos milieux de l'éducation.

Le programme de formation actuel n'accorde à mon sens pas assez d'attention à cette capacité fondamentale, préalable à toute activité intellectuelle qui est celle de mémoriser. Mémoriser des concepts-clés, des classements, des cartes, des structures dans le temps ou dans l'espace, des dates donc, qui permettent d'intérioriser souvent une base pour les représentations futures. On intègre les nouvelles connaissances à des réseaux organisés d'associations d'idées vus et revus qu'il a bien fallu apprendre un peu par cœur. Construire en apprentissage m'a toujours paru semblable à la construction d'une maison: il faut solidifier des bases. L'art pédagogique, au départ, me semble plus l'art de faire répéter sans qu'on s'en rende compte... Après oui, on passe l'art de la subtilité, de l'analyse, de l'examen attentif des choses... Mais c'est vraiment plus tard dans le cheminement d'apprentissage. Car la réflexion demande du vécu de toute façon... ce que les jeunes n'ont pas.... Par contre, ce qu'ils ont c'est une facilité de mémoriser... Mais on ne l'active plus de nos jours trop occupé à essayer de leur faire comprendre le monde...

Le programme manque de vision à ce sujet. Ce qui est central pour le moment, c'est un faire significatif, le reste est accessoire. Ainsi, en français, écrire est l'acte central à pratiquer. On apprends par la pratique. Certes, mais sans faire ses gammes et développer le doigté, il est difficile de devenir un bon musicien, précis... Évidemment, connaître le nom par cœur des notes n'est pas indispensable, mais c'est préférable si l'on vise de lire la musique et de l'interpréter...

Aujourd'hui, on a toutes les peines du monde à faire retranscrire des phrases dans un exercice parce qu'il est notoire que ça ne sert à rien. Pourtant, écrire des mots avec attention a toujours été un acte utile depuis que l'on connait l'écriture. Il n'y a qu'à faire une liste d'épicerie et de l'oublier pour s'en rendre compte...

Il est aussi impossible de faire faire une activité aussi répétitive et structurante que l'analyse grammaticale classique dans la mémorisation des connaissances utiles en grammaire, car ça ne sert à rien au premier abord... Et pourtant... c'était un mur porteur du développement de l'intelligence analytique à mon sens... Non, aujourd'hui, faut que tout aille vite, vite, vite et soit cool...

En écrivant, on a besoin pour corriger la forme, de référer aux connaissances sur la langue. C'est beau les outils, mais c'est long aussi. Sans un peu de par-cœur, on n'y arrivera pas... Faire des calculs avec des fractions sans connaître ses tables, c'est un peu comme vouloir travailler le bois avec des gants de boxe... Pourtant, mes deux jeunes, réussissant tout deux leurs maths aisément, en sixième, se trompaient régulièrement dans leurs tables de multiplication... Après, on s'étonne qu'en 1ère secondaire, les jeunes ne maîtrisent pas leurs fractions. Mais combien de temps perdu dans des résolutions de problème qui, sur le plan de la demande cognitive, dépassent la capacité normale d'un enfant du primaire?

Peu importe le domaine nouveau que l'on tente de comprendre, il faudra tranquillement se faire une base de connaissance de concepts-clés permettant ensuite de montrer les relations entre la réalité et ces concepts et, éventuellement, d'apprécier les interprétations ou théories intéressantes dans ce domaine ou de développer son propre point de vue. Le par-cœur est souvent une étape...

D'ailleurs constamment, le programme de formation met la charrue devant les bœufs en visant bien davantage des intégrations complexes avant d'asseoir le réseau de connaissances préalable. Les manuels présentent depuis des années des lacunes à ce sujet. On passe trop rapidement au niveau de complexité sans prendre le temps de bien fixer les bases dans des séries d'exercices. L'évaluation ne s'occupe plus des connaissances en tant que réseau de connaissances qu'on peut apprendre, souvent dans une certaine mémorisation. Non, on évalue l'application sans se soucier de la qualité du réseau de connaissances acquis en amont. Du coup, ce genre d'activité qui teste la mise en mémoire des concepts utiles a perdu toute valeur et la plupart des jeunes n'en ont plus l'habitude. Je dirais même plus, il y a comme un interdit tacite sur ce genre de pratique dans le milieu. Ce n'est pas réforme... C'est un peu comme si on interdisait à des athlètes d'aller travailler leur musculature parce que idéologiquement l'entraineur est convaincu que c'est en pratiquant son sport qu'on améliore sa performance... A mon sens, toute cette vision superstitieuse est inadmissible dans nos écoles.

Aussi, on fait faire des textes et des textes et des textes, longs, longs, longs et nos jeunes ne connaissent pas plus leur tableau de conjugaison. Mais nous continuons le refrain ministériel: c'est inutile d'apprendre par cœur, pourvu qu'ils appliquent... Il ne font pas le transfert... car ça ne fait pas de sens! En fait, quand on n'a pas appris à apprendre, quand on n'est pas forcé par évaluation de faire du par-cœur, on fait de l'à-peu-près... Vous aurez noté: parfois apprendre signifie pour tous apprendre par cœur.

Voilà pourquoi j'observe que globalement dans un groupe moyen, il y a quelques talents et une masse de jeunes en plus ou moins grande difficulté, peu capables d'utiliser des stratégies rentables, car ils n'ont jamais appris à faire l'effort de les utiliser en y étant un peu forcé.

Quand on observe la performance des jeunes, on voit plus souvent une double cloche qu'une distribution normale dans une classe...Et quand c'est le cas, à mon sens, c'est que notre stratégie globale d'enseignement est dans le champ.

Il est temps qu'on se pose des questions: pourquoi la tradition éducative, millénaire, bonne pour l'élite, depuis que l'éducation se démocratise, semble devenu tout d'un cou désuète, passéiste, illogique?

Une bonne façon de garder le contrôle, tout patron le sait, c'est de ne pas donner toute l'information. Enfin, les gens trop intelligents, trop capables de réfléchir par eux-mêmes font de bons gestionnaires, rarement de bons employés, car ils sont capables de critiquer le fonctionnement de l'organisation... Dans bien des tests et entrevues de sélection, on les écarte.

Évidemment, un système ne peut admettre qu'il vise à abrutir sa population, il a besoin d'une couverture... La réforme actuelle, idéologie non scientifique, tissus d'âneries répétées, est la forme la plus évoluée de la mystification éducative moderne.

vendredi 22 mai 2009

Journée pédalogique et Réunion de matantes...


Pour discuter de quoi?

Surtout de cette réforme, encore et toujours. D'abord, réajuster nos notes: nos 4 (compétence assurée) à 76% sont trop bas pour la région. Ailleurs, on a mis 80 %. Du coup, 3+ a été discuté longuement, exigences minimalement satisfaites à 69, 70 ou 71%? La problématique se situerait dans le fait que nos élèves se retrouveraient déclassés par rapport aux exigences pour les entrées au Cégep...

Je ne veux rien insinuer, mais bon, je note le tiers de gars présent soupirent, mais les femmes discutent à fond la chose... «Ouin, faudrait peut-être mettre acceptable au lieu de minimalement...»; «ouin, pis dire que 70% c'est répondre minimalement aux exigences, c'est un peu étrange, non?»; etc. Faut dire qu'il manquait le gars pour sauver la face des hommes, celui qui prend tout cela aussi au sérieux que ces dames, il était occupé ailleurs ce matin...

En fait, l'échelle proposée par une comité de femme avait l'allure suivante: 52 (2+); 62 (3); 69 (3+); 80 (4); 87 (4+); 94 (5); 100 (5+). Prenez la peine de regarder cette échelle de près, les barreaux ne sont pas équidistants... Je ne sais pas, mais en plus parait qu'on parle de s'aligner sur ce qui se fait ailleurs cette année, alors qu'on faisait l'échelle de l'an dernier proposée par le MELS équidistante (de 8% entre les degrés) avec le 4 à 76%.

Je ne veux pas faire de polémique, mais je crois qu'un homme a du mal à accepter ce manque de logique flagrant... En tout cas, personne ne va noter la chose... Mais on va discuter une grosse demi-heure où mettre ce 3+ étrange qui délimite le minimalement satisfaisant de nos exigences... Oui, il y avait des profs de maths et de sciences autour de cette table...

Et en fait, comme trop souvent, les gars assez désabusés, pour ne pas dire écoeurés de discuter des niaiseries se sont permis quelques commentaires: «Heu, de toute façon est-ce bien important de perdre du temps là-dessus, si de toute façon on attends de nouvelles directives du MELS, qui consulte en ce moment, pour bientôt?»; «Je note qu'entre 60 et 80, il y a trois classements (3, 3+ et 4), et entre 80 et 100 (4, 4+, 5, 5+), il y en a 4. 4 sortes de fort et seulement 3 pour répartir l'essentiel de la courbe normale...»; etc.

D'ailleurs, un homme ne parle pas longtemps, il discute autour de la tâche, les femmes sont dedans, dans les détails, et nos observations extérieures agacent.

On a survolé ainsi les compétences transversales qui finissent par être quelques commentaires sur les méthodes de travail d'un élève qu'un titulaire finit par pondre pour satisfaire aux exigences de l'idéologie en place. Aucune méthode, aucun enseignement particulier, aucune mesure faite, mais une sorte de portrait d'inspiration et d'observation professionnelles bien balisé, nous verrons, par des énoncés types. Autant d'encre pour arriver à cette mascarade... Ah oui, nous avons été inspecté par les MELseux, une modame qui connaissait son affaire, qui n'en laissait pas passer, pointilleuse, qui savait tout, combien de prof avait fait les formations du MELS, etc. La Modame est en vue probablement comme prochaine sous-ministre, a-t-on commenté autour de la table. Femme impressionnée, sarcasme masculin: «Big Brother s'est installé au MELS. Ça me décourage...» ; «Compétente, dictatrice plutôt oui!»

Je veux pas passer pour sexiste ou quoi que ce soit, mais c'est juste pour illustrer une réalité sous-jacente, vraiment là, mais la plupart du temps invisible. Les femmes font le déni de notre présence. Et essaient de contrôler nos débordements masculins et nous, on se cache comme des enfants à ruminer ce qu'on pense vraiment, parce que si on ouvre 5 secondes la trappe, la tempête va pogner... On le sait. Les matantes vont se fâcher...

Pour la plupart des gars, c'est assez simple:dites-nous ce que vous voulez qu'on fasse, on va le faire, mais venez pas nous demander de trouver cela intelligent et de discuter les détails de l'absurde en plus. On ferme nos yeules, de toute façon, les directrices et les femmes ne nous laissent pas parler longtemps: le plus souvent, elles te ramassent le début de ta phrase, te coupent et enchaînent comme si elles étaient sûres de ce que tu voulais dire et hop, au suivant!

Entre gars, on parle de l'évaluation de la tradition statistique qui n'a jamais cessé d'être la seule intelligente, malgré 10 ans d'entêtements à des échelles descriptives où l'on n'en est pas à une simagrée près... Et quel gaspillage de temps toutes ses discussions sur des prémisses complètement farfelues que jamais personne ne peut discuter puisque nous sommes sous le joug du diktat ministériel et que ces dames prennent tout cela au sérieux et ce majoritairement. En fait, c'est plus complexe que cela, car, par moment, elles admettent: oui le ministère ne consulte pas vraiment, il expose ce qui va se passer. Ouin, c'est le chaos depuis des années. Mais ce n'est pas grave, elles jouent le jeu de prendre tout cela au sérieux et elles ont même du fun...

Les femmes, en sortant de la salle, se féliciteront de la réunion. Je vous le jure.

Les gars se sont tous poussés muets.

Je ne dis pas le dixième de ce que je pense vraiment de tout ce que l'on nous fait penser et dire dans ce milieu... Je suis constamment confronté à des dames qui donnent une allure raisonnable à des trucs absurdes et je n'y peux rien...

Et d'un milieu à l'autre, l'histoire se répète...

jeudi 7 mai 2009

Humeur évaluative

Aujourd'hui, l'évaluation est devenue une chose des plus sérieuse. On a tout changé les règles. Et on doit surtout avoir l'allure réforme avec les échelles critériées, sauf que...

Cibole que c'est chiant et connard!

Par exemple, je fais une petite évaluation de lecture d'un roman au programme de l'étape. On s'assied deux profs de français pour pondre des questions. Une, au clavier, moi j'ai mes notes de lecture, et plusieurs idées de questions. Bref, on arrive rapidement à un nombre raisonnable de questions pour un examen de lecture d'une heure.

Bon, il reste une pondération à faire. Récemment encore, on ne se cassait pas la tête. Question facile: peu de points; questions difficiles: plus de points. On met la réponse attendue en corrigé. On propose de mettre des points par élèments dans certaines questions... On s'arrange pour un total qui donne un beau chiffre, histoire de faciliter les calculs. On regarde comment les élèves s'en sortent. Et on ajuste le tir. Comme dans n'importe qu'elle «mauzusse» de processus de mesures par questionnaire. Je le sais, j'ai fait psycho. La psychométrie est une science assez sérieuse, il me semble, dans les sciences humaines. Ensuite, je ne vais pas évaluer la province, juste 3 groupes dans une petite école. Même si l'instrument n'est pas parfait, il fait une mesure de compréhension de leur lecture selon l'intelligence de deux professionnels de l'enseignement qui ont bâti un questionnaire et mis une pondération raisonnable. Et même là, en regardant comment les élèves se comportent, on ajuste l'évaluation un peu si on se rend compte, par exemple, qu'une question était mal formulée ou créait de la confusion ou si une question n'est vraiment pas réussie par personne. La mesure d'un apprentissage ne se mesure pas à la règle, mais bon le questionnaire bâti avec intelligence fournit depuis belle lurette des indices intéressants. Allez vérifier chez Statistique Canada et les maisons de sondage... Ben, à l'école, ce n'est pas assez de nos jours.

Depuis qu'on m'a fait de gros yeux quand j'ai sorti une grille de correction que j'ai utilisée, l'an dernier, dans une autre école pour un texte explicatif qui, au lieu de faire dans le descriptif gaga à la mode, y allait de pointage sur des critères assez communs pour ce genre d'évaluation, je ne sais plus trop à quel saint me vouer en fait.

Va-t-il falloir que je détaille d'avance tous les cas de réponse et de partie de réponses? Que j'analyse si ma question révèle la lecture d'éléments explicites ou implicites que je fasse un regroupement de questions et une échelle descriptive, etc. Ou un raccourci presque réforme que j'ai vu l'an dernier aussi du genre R=3/5 pour dire qu'une question est réussie si on a 3/5. Oui, c'est beau la rigueur, mais si je dois mettre trop d'heure à peaufiner ma mesure, je me vais pas m'en sortir... Et pour donner quoi de plus, franchement...

Le pire dans tout ça, c'est d'essayer de comprendre tout cela à partir de leur bride d'information et de leur jargon d'expert à la noix et de leurs modèles donnés au compte-goutte. Pour finir par se rendre compte qu'on va finir par revenir au bon vieille façon.

mardi 5 mai 2009

La crise: une déréglementation délirante et coûteuse

Les banquiers ont pillé les coffres publics, par David Leonhardt à lire sur Contre-info.

Article intéressant pour comprendre le merdier mondial qui ressemble à un énorme paquebot qui lentement s'échoue interminablement et ce n'est pas que beau! C'est le genre d'analyse qui nous fait comprendre pourquoi les miracles n'existent pas... On va tous payer quelque part. On peut comprendre aussi que ce contexte n'annonce pas d'amélioration des conditions de travail en enseignement.

dimanche 3 mai 2009

Échelle d'incompétence (Commentaire chez PM)

Tiens, je mets en entrée ici un commentaire que je fais chez Prof masqué qui nous entretenait à nouveau sur la difficulté de mettre un 0 à un élève de nos jours qui ne se présente pas à l'évaluation. Mon commentaire déborde sur les échelles de compétence. C'est d'ailleurs le sujet de ma réflexion de ce matin que je viens de publier. Le commentaire présent me permet de compléter mes observations récentes à ce sujet. J'en profite pour corriger les coquilles et certains passages. Mea culpa, maxima mea culpa!

L'évaluation est un sujet compliqué qu'il me semble primordial de soulever en ce moment. C'est à mon sens le nerf de la guerre. C'est, en tout cas, un gros irritant chez bien des enseignants. En même temps, même si l'esprit tordu de la réforme persiste, on sent doucement un vent de changement à venir...

Décidément, l'évaluation est dans l'air. J'ai un texte sur les échelles de compétence sur le feu!

J'ai l'impression Prof, que vous n'avez pas encore pris toute la mesure de la voltige de haut niveau qu'on tente de nous faire faire. Le 0 est un détail...

J'ai réussi pour ma part haut la main deux baccalauréats avec des moyennes de qualité et j'avoue que l'entendement pour faire face à la musique en évaluation me fait défaut et je me sens souvent impuissant (j'ai corrigé la faute de sens de ce passage). J'aurais besoin de 2 ou 3 greffons de cerveau pour arriver à computer leur marmite de concepts, si j'en avais le temps d'ailleurs...

Ce qui est étrange, c'est que les esprits simples s'en arrangent à merveille: on a des traces, on remplit la grille. On peut même éviter de grosses évaluations longues à corriger si on a des traces... Je dois avouer que si je me mets en tête de me foutre de la rigueur et de faire passer tous mes élèves pour m'éviter le trouble des contestations, c'est un système merveilleux! Son opacité est fabuleuse! Enfin, pour ramasser quelqu'un de trop pointilleux, la logique est tellement tordue, qu'on a forcément des incertitudes dans notre jugement. Bref, tout nous encourage à ne pas trop juger sévèrement le jeune même s'il est nul...

Il faut savoir que, au sujet des performances, on n'utilise pas trop ce terme dans les bilans de fin de cycle. Non, on évalue la compétence dans une échelle descriptive à 5 niveaux en fonction de «traces» récentes (production, travaux, performance en somme). Je rappelle que le bilan est un jugement professionnel que l'on pose sur le niveau de compétence d'un jeune pour chaque compétence disciplinaire, en sus des évaluations de l'année aux 3 ou 4 étapes de bulletin... sauf en secondaire 1... (j'imagine que pour pouvoir contrer le décrochage faut l'alimenter quelque part!)

L'échelle est à mon sens un fouillis pire que des grilles d'évaluation classique en écriture, par exemple, qui avait au moins l'avantage de donner une idée de l'importance relative des aspects à considérer et de définir des seuils attendus en terme de minimum de fautes là où c'était quantifiable. Là, chaque niveau combine pêle-mêle des sous-aspects qui vont du contenu à l'orthographe en passant par la syntaxe et la structuration dans un court texte descriptif sans précision, où l'on manie les adverbes d'intensité et les subtilités descriptives pour nous passer la patate chaude du jugement sans nous donner de normes claires. Combien de fautes représentent «peu de fautes dans les termes courants»?

En lecture, l'évaluation représente un défi aussi. On ne parle pas beaucoup d'outils qui permettent de faciliter notre jugement. Savoir répondre à des questions de repérage (éléments explicites), d'autres qui demandent de l'inférence (implicites, subtilité), d'autres des connaissances de vocabulaire est une chose, savoir distinguer un niveau de compréhension acceptable dans tout cela n'est pas aussi simple à mon sens... On nous demande d'évaluer aussi la qualité du jugement critique, la capacité de recueillir de l'information variée et crédible et le recours à des stratégies de lecture... Je ne vois pas ce qu'avait de si dramatique l'évaluation à partir de compréhensions de texte bâties avec soin par des gens compétents avec un corrigé standardisé. La démarche avait au moins l'avantage d'objectiver le jugement. Là, on nage dans un flou artistique de haut niveau... qui est en plus difficile à gérer cognitivement pour les évaluateurs parce que avoir une image claire de chacun de nos 90 élèves et plus dépassent probablement notre entendement! Évaluer la qualité de la stratégie de lecture utilisée de 90 jeunes directement, vous y pensez? Je peux juste l'assumer si le jeune fait bien son travail et soupçonner son absence si le jeune connait une contre-performance ...

Pour des références officielles, je trouve que ça fait dur...

Là, nos conseillères reviennent avec toutes sortes d'indications fascinantes. Il faut tenir compte de traces récentes, pas des anciens bulletins; si on a manifesté la compétence, on ne peut logiquement l'avoir perdue! Cependant, on peut justifier une baisse par le fait que nos critères et exigences ont augmenté en cours d'année (fiou!). Vous aurez remarqué, en passant, que nous n'avons le droit de regarder le passé que pour s'assurer que le présent n'a pas baissé... Surtout s'éloigner de la pratique du calcul de moyennes qui ne peuvent décrire la compétence actuelle...

On nous conseille de sortir nos marqueurs fluo de toutes les couleurs pour nous aider à comprendre les échelles du ministère, d'en discuter entre collègues, de nous faire des corrections ensemble pour discuter de nos visions de l'évaluation... On n'est pas sortis de l'auberge!

Ah oui, j'entends de ma conseillère que si tout est beau dans le respect du critère, on mets + (ex.: 4+), alors que s'il manque un sous-aspect, on ne le met pas. C'est différent de la prescription du document ministériel qui affirme plutôt que le plus (+) indique le dépassement de cette description sans atteindre la suivante... Enfin, je crois que le ministère a peur que nous soyons trop sévères. Imaginez: la compétence acceptable à l'écrit en 2e année du secondaire est de laisser peu d'erreurs dans les accords les plus simples. Si elle est interprétée rigoureusement disons aux accords sujet-verbe et adjectif-nom, ce qui me semble raisonnable, je prévois une hécatombe structurelle d'ici peu! Mais si justement la nuance du plus est inversée pour tirer vers le haut, ça réduit les risques d'échecs massifs!

En somme, l'évaluation est devenue un fouillis irritant parce qu'on nous demande des exploits d'évaluation quasi impossibles à réaliser en s'abstenant de nous fournir des outils d'évaluation clairs et simples d'utilisation et en réduisant la lisibilité des normes et des seuils clairs de réussite.

Nos moyennes d'étape d'antan, nos % attribués à chaque évaluation en commun, nos sommatifs à 50% discutés entre collègues et choisis dans des banques d'instruments d'évaluation ne faisaient-ils pas la job cibole? Me semble qu'on faisait moins compliqué et plus objectif en fait pour moins de prises de tête.Mais évidemment que pouvait un directeur contre la froide machine à calcul de l'équipe disciplinaire bien appuyée sur les outils standardisés... Il ne pouvait que majorer de manière gênante... Là, on entre dans les salmigondis et l'arbitraire ... Le népotisme a le vent dans les voiles...

Pour moi, on nous file la patate chaude de fixer l'acceptable et on nous dit en prime de s'attendre à des procès (gardez des traces) si quelqu'un n'est pas content! Où sont nos syndicats? Dorment-ils au gaz? calvince!

Échelles de compétence: on lance la patate chaude aux profs...

Puisque j'ai quitté l'enseignement de fin 2004 à début 2008, trois grosses années, il m'a manqué des bouts que je rattrape de temps en temps au gré des réunions, des communications et des discussions entre collègues. Ainsi, l'évaluation des apprentissages connait de grands bouleversements, parait-il, ces années-ci. On a eu droit pour le secondaire à un document préliminaire de 150 pages il y a 2-3 ans assez soporifiques qui annonçait une approche plus critériée, descriptive et individualisée de l'évaluation des compétences. Je n'ai pas vu la copie achevée de ce document pour le moins vague en passant... Je dois donc dire, d'entrée de jeu, que les choses ne vont pas mieux dans ce domaine devenu hautement complexe pour ne pas dire chaotique de notre profession.

Les échelles de compétence:

Cette semaine, on nous a communiqué les échelles de compétence pour les bilans de fin de cycle dans le cas du premier cycle et celui qui doit être fait en fin de chaque année au deuxième cycle. Notez bien que, dans cette logique, un seul niveau n'est pas évalué: le secondaire un. Commode pour ne pas donner de services là où c'est justement un besoin criant dans le système. On veut éviter le décrochage et on le prépare par ce genre de vide coupable...

Bon, ce n'est pas sorcier, même si le principe est fortement discutable, l'échelle de compétence est une échelle critériée de 5 niveaux de compétence. Cela aurait pu être A, B, C, D, E traditionnel, c'est 5,4,3,2,1 avec un + pour des nuances. Ce qui est confondant, c'est que l'habitude de traduire les résultats des pourcentages critériés (oui, la connerie qu'on a depuis quelques années: 92, 84,76, 68, 60,52, 44...) pour les présenter en 5,4,3,2,1 avec le + pour nuancer, se faisaient depuis quelques temps.

Or, le bilan est censé être une évaluation finale de l'enseignant à partir des traces récentes en fonction de l'échelle descriptive des niveaux de compétences attendues. Bref, ce n'est pas une moyenne des bulletins, ni une traduction des pourcentages, mais une appréciation basée sur notre jugement professionnel qui est attendue. On doit situer chaque élève dans l'échelle officielle du ministère.

Voici le niveau 4, celui de la compétence assurée attendue en écriture qu'on peut lire dans l'échelle pour le bilan de fin de 1er cycle:

Écrit des textes dont le contenu est suffisamment développé et est organisé de façon cohérente. Adapte ses textes à la situation d’écriture et exploite des informations pertinentes. Fait progresser ses idées et maintient le point de vue adopté. Construit des phrases présentant une certaine complexité et les ponctue de façon généralement appropriée. Utilise des substituts variés, un vocabulaire évocateur et des termes justes en fonction de la situation. Rédige la version finale de ses textes en laissant peu d’erreurs dans les termes courants et dans les accords grammaticaux. Dans certaines situations d’écriture, intègre des informations pertinentes tirées d’une documentation ou d’autres sources. Améliore ses textes en y apportant des modifications de différents ordres.

Bref, une échelle présente, de 5 à 1, cinq portraits types d'élèves censés décrire le niveau atteint dans la compétence. Si on observe bien phrase par phrase, chaque sous-aspect est repris avec des nuances pour chaque niveau. Ainsi, pour apprécier par vous-mêmes, au niveau 3, on a:

Écrit des textes dont le contenu et l’organisation sont adaptés à la situation d’écriture. Structure ses textes en différentes parties et les ordonne de façon logique. Emploie adéquatement un vocabulaire courant et évite les répétitions abusives en ayant surtout recours au pronom personnel. Rédige la version finale de ses textes en laissant peu d’erreurs dans les accords les plus simples. Dans certaines situations d’écriture, utilise des informations tirées de sa documentation ou d’autres sources. Améliore ses textes en ajoutant, en retranchant ou en modifiant des éléments selon les suggestions reçues.

Vous notez qu'on passe de la cohérence à la simple adaptation au contexte qui peut être moins cohérente, je présume.

Commentaire

Je ne doute manifestement pas du sérieux (on aurait, en concertation avec des enseignants, trouvé des formulations jugées satisfaisantes pour décrire les niveaux de compétence, nous dit-on dans la partie élaboration des échelles dans le document; cela ressemble à la stratégie courante depuis une dizaine d'année des changements au ministère, des enseignants ont été consultés, comment? Ici, en répondant à des questionnaires, apprend-on) qu'on a mis à tenter de faire une description la plus claire qui soit pour bien évaluer les élèves et fournir un portrait utile et clair du niveau atteint de l'élève, reste que je me pose beaucoup de questions.

1- N'est-ce pas un peu compliqué pour une petite tête de prof pourtant bien éduquée de tenir compte de toutes ses petites nuances fines que délimitent des intensités fort vagues non quantifiées quand elles le pourraient? Ainsi sur le sous-aspect orthographe, en fouillant entre les lignes , on trouve: 5: pas ou peu d'erreur; 4: peu d'erreurs dans les termes courants et les accords grammaticaux; 3: peu d'erreurs dans les accords les plus simples; 2: rédige en corrigeant certaines erreurs d'orthographes d'usage et d'orthographe grammaticale qu'on lui a déjà signalé et 1: il les corrige avec de l'aide.

Bon, quelle valeur relative faut-il donner à chaque sous-aspect? Imaginons un cas de style assez raffiné dans le contenu avec un orthographe lamentable. Que fait-on? Heu... Ce genre de cas existent plus qu'on ne le pense. Et l'inverse aussi, des idiots sans faute!

2- Pourquoi les échelles demeurent-elles aussi vagues. J'aurais beau faire des discussions avec les collègues, mettre du marqueur jaune sur chaque aspects pour bien voir l'échelle du sous-aspect orthographe que je viens de résumer, participer à des petites séances de comparaison de copies d'élèves pour valider mon jugement comme le suggère notre responsable de français sur les recommandations des formations du ministère, la place laissée à l'interprétation est assez fabuleuse. Les adverbes m'ont toujours paru nuancer moins finement qu'un nombre un niveau attendu. Le document évite de placer des seuils clairs

3- Et j'ose poser la question: combien d'erreurs dans les accords les plus simples doit-on compter? Parce que beaucoup de jeunes pourraient se retrouver à ne pas atteindre le minimum attendu. Pour moi, peu c'est quelques-unes, je dirais un gros maximum de 5 fautes dans les accords les plus simples dans un texte de trois cents mots. J'ai l'impression qu'on lance la patate chaude aux profs, aux départements et aux niveaux de français qui vont trancher avec la direction pédagogique. Que de temps fabuleusement perdu à discutailler de nos valeurs sur ce que peu bien vouloir dire peu d'erreurs dans les accords les plus simples parce que le ministère refuse de mettre ses culottes et d'assumer une norme acceptable et de la proposer comme seuil de réussite.

4- Enfin, pour l'autre aspect de l'écriture qui se quantifie assez bien, même si rien n'est parfait, je l'admets, la syntaxe et la ponctuation, je note que dans cette échelle le niveau 5, ne mentionne rien. 4: Construit des phrases présentant une certaine complexité et les ponctue de façon généralement appropriée. 3: néant. 2: Construit et ponctue correctement de courtes phrases. 5: rien.

Désolé, mais pour moi, ces échelles de compétences, c'est du grand n'importe quoi...

Ainsi, on nous dit de situer nos jeunes, un à un dans une échelle globale plein de sous-critères mêlés, sans donner aucun repère sur la valeur relative à donner à chacun. On nous laisse organiser des outils pour y voir clair en suggérant comme pour s'excuser de prendre des marqueurs et de colorer nos échelles pour y voir clair. Pour moi, c'est clair, même s'il a beau claironner dans son document que les échelles fournissent les références officielles sur lesquelles doivent être fondés les jugements portés sur les compétences des élèves à la fin du cycle (Document sur les échelles de compétence du premier cycle, p.10), le ministère ne fait pas son job, soit de nous aider à définir des seuils clairs de compétence. Il n'y arrive pas. Et nous allons le faire?

D'un côté, on nous demande de garder des traces, pour finalement justifier notre jugement, si on nous demande des précisions. De l'autre, de ne pas faire un jugement trop tatillon: «Il faut donc éviter de faire une association point par point entre les traces consignées et chacun des énoncés d’un niveau.» J'ai l'impression qu'on nous place encore dans la situation de ne pouvoir porter finalement un jugement sensé et donc, pour éviter de nous emmerder dans des raisonnements tordus, on va mettre des notes pour faire passer tout le monde.

On nous rappelle que «le bilan des apprentissages ne résulte pas d’un calcul arithmétique réalisé à partir des résultats enregistrés en cours de cycle, mais d’un jugement porté sur le niveau de développement de la compétence atteint par l’élève à la fin du cycle». Je reste toujours stupéfait de cette prétention que nous pourrions avoir à porter un jugement sur la compétence du jeune à un temps t quand tout ce qu'on peut faire, c'est de l'inférer à partir d'un nombre de performances ou de réalisations concrètes. Voilà pourquoi des repères chiffrés nous donnaient une indication certes imparfaites, mais tout de même un résumé commode de nos jugements antérieurs sur des performances antérieures de l'élève.

Pour finir, il est assez clair qu'à vue de nez, on voit le niveau d'un jeune à parcourir une copie d'écriture d'un élève. Ce qu'on attend du ministère, ce sont des repères objectifs simples et pratiques pour faire nos évaluations, pas qu'il nous complique la vie. Les grilles de corrections du passé n'était pas parfaites, mais présentaient l'avantage de nous donner une heure plus juste au sujet des niveaux attendus et de l'importance relative des différents sous-aspects. Là, on nous laisse dans un flou artistique...

Nous ne sommes pas des machines à computer des évaluations justes et parfaites. Apprécier plusieurs productions demandent du temps. Au moins avant, nous gardions une traduction chiffrée des évaluations, que nous intégrions à nos jugements finaux par le procédé statistique de la moyenne. Aujourd'hui, il n'est pas praticable de gérer les portes-folios, ni d'accorder une attention précise à chaque cas dans sa globalité. C'est un travail d'orthopédagogue à mon sens qui travaille le cas par cas.

Un prof ne peut faire qu'un rapport du fonctionnement d'un jeune par rapport à l'ensemble du groupe (écart à la moyenne) et donner un indice du fonctionnement de l'élève face à l'objet des apprentissages qu'on lui présente normalement de façon graduée d'année en année, de simples à toujours plus compliqués. Un 60% de secondaire 5 vaut certainement plus qu'un 60% de 6e année du primaire parce que l'objet à l'étude et les exigences en secondaire 5 sont censés être plus complexes. A chaque production, nous donnions une valeur à la qualité du travail et une valeur relative du travail dans l'ensemble des activités d'apprentissages et nous faisions des moyennes. Les profs d'un niveau matière s'entendaient sur un certain volume d'évaluation commune, souvent basé sur des instruments validés ou qu'ils bâtissaient en se fiant à de tel instrument. Bref, notre note correspondaient à une démarche qu'on tentait d'objectiver sans nous compliquer la vie. Et je crois que, la plupart du temps, nous y arrivions sans nous prendre la tête.

Là, je note simplement que beaucoup de profs interprètent ce jugement global à partir de traces comme une façon de s'éviter de grosses évaluations. On fait passer tout le monde et pas de corrections. Vive la subjectivité efficace! Franchement, ce genre de réflexions et d'interprétations m'horripile tellement elles manquent de sérieux. Pourtant, avec les salmigondis que nous présentent le ministère pour ne pas virer fou, c'est presque un réflexe sain.

L'approche par compétence est certes intéressante, cependant elle repose sur une vue idéalisée de nos capacités d'appréhender la compétence. En psychologie, on voyait en cours de psychologie cognitive la célèbre distinction de Chomsky entre la performance et la compétence, qui en gros soulignait que la compétence ne s'infère qu'à partir de multiples observations, des performances. On semble avoir oublié cela au ministère...

Mais bon, je note en terminant, que dans un document ministériel pour l'examen de 2e secondaire écriture qui vient bientôt, on nous permet d'utiliser le résultat de l'évaluation pour faire 15 à 30 % de la note finale de l'élève. Serait-ce un signe que le balancier revient un peu vers le bon sens! Pour la qualité de notre santé mentale, il est à souhaiter que oui!