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mercredi 2 décembre 2009

Bobby et les tics de notre temps

Et si la relation pédagogique était le nerf...

Vous suivez Virginie ces jours-ci? Chu pas un fan assidu, mais bon avec le «une heure plus tard dans les maritimes», notre «prime time» ici tombe sur l'heure de Virginie.

Ces jours-ci, on voit le jeune prof Bobby, qui est expert de la manipulation qui se casse l'ego avec son projet d'enseignement par ordi. Son truc est assez complet, projet structuré, contrôle des élèves constants. A la limite, les élèves n'ont même pas à se pointer en classe... Il est l'avenir.

Il se prend pour un génie, le Bobby, et fait la morale à tout le monde, embrigade ses collègues avec des t'es avec moi ou contre moi. Il prend le contrôle du syndicat en bavant sur les plus vieux qu'il trouve orgueilleux et passéiste. Il est de son temps finalement.

Mais bon, il n'avait pas prévu deux choses: qu'un smat a compris en moins de 2 minutes, que finalement, il n'avait qu'à refiler un mot de passe et le nom d'utilisateur à un bollé qu'on a qu'à payer pour faire son cheminement et comme il dit: « Tout le monde a 100 %!». Malgré toute son artillerie, Bobby a oublié une feuille importante à son bureau de prof, comme quoi la technologie ne résout pas tout, et laisse aux jeunes la chance de se communiquer l'arnaque possible.

Et l'autre, c'est que finalement tous ces élèves ont rejeté son projet. Les jeunes sont-ils conservateurs? Bobby est-il un incompris de son temps?

Et le débat en sourdine posé par l'auteur au travers ses personnages: la relation pédagogique est-elle importante ou accessoire pour l'apprentissage? Pour certains, c'est tout ce qui compte...

Curieusement, je me remets aussi à penser à ce thème en ce moment constatant que les difficultés relationnelles de notre temps ont un impact sur notre capacité de transmettre. On n'éduque plus à l'écoute, on plonge les jeunes dans des environnements surstimulants en perdant peu à peu la capacité de les accompagner dans cette jungle d'artifices et, en bout de ligne, l'apprentissage est pauvre, sans solidité...

Comme si on avait oublié la force de cette aspect de l'enseignement: un jeune veut plaire à un humain, se dépasser pour se sentir valorisé par l'autre, pas par une machine ni par un accompagnateur gna gnan.

La technologie offre un beau show de boucane, une apparence trompeuse de la subtilité derrière l'enjeu d'éducation.

Combien de fois n'ai-je pas joué le rôle de celui qui permet à l'élève d'entrer en relation avec la démarche d'apprentissage qu'un manuel exprime de façon fort limitée? Un ordi n'est pas bien mieux, s'il peut permettre parfois une interactivité stimulante, il y aura toujours un moment donné un exposé de notions qui restera difficile à discerner pour l'élève. Dans ce tas de détails, quelle est la chose à comprendre, à saisir? Déjà  nos manuels touffus, trop, pêchent à bien extraire la connaissance à maîtriser en l'isolant de son contexte pour en apprécier le mécanisme, n'arrivent pas à permettre aux élèves de percevoir l'essentiel de l'accessoire. Mon rôle est souvent de faire voir, de schématiser, de passer l'essentiel, de le renforcer en le répétant, en le montrant, en le faisant mâcher par l'élève, pour permettre bien après la contextualisation, la résolution de problème, l'usage en situation de la connaissance nouvellement acquise. Tous les profs que j'ai eu ont essentiellement répondu à ce besoin du primaire à l'université, extraire l'essentiel de l'accessoire pour intégrer ce qui a une structure et se mémorise et pourra ainsi être utilisable plus tard. Avec le temps, je me suis peu à peu passé d'eux. J'ai appris à discerner.

Sans la relation, où l'enseignant écoute, entend et voit ou même sent, l'incompréhension de l'élève et formule une réponse adaptée à son niveau et à la personnalité du jeune; sans la relation où un élève ose faire des erreurs, se tromper, exprimer, poser une question et écouter, se force pour répondre à des exigences pour contenter l'autre humain qui voit plus loin que lui et qui est devenu significatif; sans tout cela, comment peut-on y arriver un peu? A-t-on oublié l'humain?

A côté de cet humain relationnel habile et perspicace, la machine qui se braque à la moindre lettre oubliée et qui malheureusement ne peut pas tout prévoir, encore moins sentir l'émotion à exprimer qui bloque la concentration de l'apprenant, ni apprécier le détail accessoire que l'apprenant a surinvesti erronément, la machine fait figure d'autiste génial mais rigide et indifférent. Je ne crois pas qu'elle va faire mieux.

Vous avez vu vous une méthode complète interactive, l'équivalent de nos méthodes et manuels en version électronique? Pour le moment, je n'ai vu que des gadgets dont il faut gérer l'agencement dans une démarche sensée. Même les efforts dispersés de soumettre du matériel demeurent fort limités pour construire un cours entièremement informatisé ... Je croyais qu'on verrait apparaître une didactique nouvelle, des méthodes intégrées d'apprentissage, il semble que la création de ce genre d'environnement éducatif interactif rencontre encore des problèmes ...

J'ai hâte de voir le miracle qu'on nous promet...

Je ne crois pas à ce miracle, mais je vois par contre l'univers de la Matrice tisser sa toile, celle des artifices qui comptent plus que la réalité: nous sommes de plus en plus de gros bébés plogués sur des joujous-machines qui s'entretiennent de notre énergie... Quand on sort de la matrice et de son illusion, le réel est gris et dévasté... La société humaine réelle à dimension humaine, la santé psychologique est atone, presque morte...

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