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vendredi 30 avril 2010

Malades du Web (Envoyé spécial hier sur TV5): chez les «enfants empereurs» de Chine!

Juste intéressant de voir que les Chinois qu'on croirait si disciplinés de par leur culture asiatique sont atteints des maux modernes avec ses «enfants empereurs» et ses cyberdépendants. Des enfants uniques mènent leurs parents par le bout du nez... Bon, on comprend aussi que ce sont les enfants de riches là-bas qui semblent plus exposés au dérive du respect des parents, une valeur qui a l'air très importante là-bas. En tout cas, on s'inquiète là-bas des jeunes qui ne s'occupent pas de se développer ou de leur avenir, mais se perdent dans les jeux en ligne sans pourvoir en décoller.

Bon, il est aussi intéressant de voir comment on peut s'y prendre avec des méthodes fortes encore de nos jours qui ressemblent à la bonhommie des années 1950 d'ici. On ne peut pas dire que les Chinois font dans la dentelle en matière de thérapie! Bon, j'aurais été intéressé par des statistiques de résultats. On se contente d'une opinion comme évaluation du «traitement» d'un jeune passé par là...

mercredi 28 avril 2010

T'es pas de ma gang... De l'intégration vu comme un trouble envahissant du développement

Dans les journaux, on y revient ces jours-ci. La politique d'intégration des élèves EHDAA en classe ordinaire est loin d'être un petit détail dans la donne du «bordel» qui anime le réseau scolaire.

On commence à se mobiliser, on dirait, pour faire un portrait de la situation et ce qu'on trouve est à peine concevable. La classe Méli-Mélo est une aberration. Lisez attentivement cet article.  Vous avez vu ces descriptions de classes multi-niveaux de 6e et de secondaire 3. Quelle folie! J'ai claqué la porte de l'éducation pour 3 ans après avoir eu une classe de ce genre, impossible à gérer, complètement inefficace avec un conseiller pédagogique (lire ce petit article) qui veut te faire prendre des vessies pour des lanternes et une direction qui s'en lave les mains. Quand tu te rebiffes, on te parle de t'aider professionnellement, comme si ces gens savaient franchement te trouver des ressources pour t'aider. Mais c'est de la frime, ils n'en savent rien, ils ne connaissent rien à rien. Je supporte très mal la stupidité.

On apprend aussi qu'il ne reste que des classes spéciales pour 120 élèves sur 10 000 dans cette CS. Que 120! Au début des années 90, on calculait encore une norme d'environ 15% d'élèves en difficulté et on développait donc des services adaptés pour au moins 1500 enfants. Double enveloppe par élève pour des classes à ratio prof/élève deux fois plus bas. Au secondaire, cela faisait des groupes d'au maximum 15 élèves pour un prof. Avec un bon nombre de classes spéciales, on peut aussi faire des regroupements stratégiques d'élèves. Les gens qui y travaillaient avaient une formation en adaptation scolaire. C'était une autre époque. Pas parfaite, plus coûteuse certes, mais on allait quelque part. Ce quelque part, je l'ai vu en plus dans une école spéciale. Là, on avait trouvé une équipe multidisciplinaire, des profs du régulier avec des profs d'adaptation scolaire, avec des spécialistes qui se parlaient et trouvaient un modèle de réussite pour une clientèle ciblée. Ça fait 15 ans qu'on rame en arrière dans le domaine des difficultés d'apprentissage, qu'on balaie sous le tapis le problème avec des idées de gogologues qui n'y connaissent rien.

On a beau dire que les parents ne sont pas assez présents, que les enfants ne sont plus ce qu'ils étaient, ici, on est évidemment, complètement, sans conteste dans une difficulté dont le système scolaire, pas la société, le système scolaire, ses décideurs et leurs sous-fifres et leurs conseillers incompétents sont responsables. C'est l'organisation fonctionnelle de l'école qui est déficiente.

La difficulté d'apprentissage et les retards dans des classes à 32 élèves...

Touche-à-tout, j'en connais un rayon sur les difficultés d'apprentissage. Intervenir avec un jeune en difficulté demande pas mal de temps, pas des petites interventions de 30 secondes à 1 minute 30 secondes comme on peut le faire dans le cadre d'une classe à 30.

Un jeune, qui se répète sans arrêt qu'il est nul,  a besoin  qu'on lui redonne confiance, qu'on développe avec lui des stratégies pour contrôler sa tâche d'apprentissage. On doit aussi développer une relation assez significative pour arriver à jouer un rôle de quasi-thérapeute qui consiste à déminer ce dialogue intérieur noir qui empêche toute progression du jeune. Même dans une classe à 15 dans une école spéciale conçue pour favoriser au max le développement de relations permettant le recherche de moyens individualisés pour dépasser la difficulté, cette intervention demandait des enseignants une grande énergie, beaucoup d'implication. Pour mobiliser les élèves à faire des efforts pour surmonter leurs difficultés, on doit sans relâche motiver les troupes, être présent à ce qu'ils font, les accompagner dans cet inconnu terrifiant pour lever avec eux les obstacles, défaire les peurs une à une. Avec le temps, ces jeunes développent des compétences et deviendront plus autonomes. Mais au départ, ils ont besoin de notre support, de notre créativité, de notre accompagnement perspicace dans les errances de leur difficulté. Évidemment, avec l'expérience des difficultés d'apprentissage et un contexte favorable pour les travailler, on devient plus aguerri pour faire ce genre d'accompagnement. On a exploré justement avec beaucoup d'élèves ce qui crée les blocages et on sait les anticiper. On trouve aussi des formules ou moyens pour favoriser la mise en place des apprentissages dans la tête du jeune lors de passages délicats. Voilà ce que peut la spécialisation qui requiert un regard polyvalent avec un esprit de recherche.

Un exemple

Ça a l'air abstrait comme ça, mais voici un exemple. Je travaille avec une adulte qui raccroche.  J'ai un espace exceptionnel pour prendre le temps de travailler les difficultés. Son discours intérieur la condamne en math où elle a toujours eu des difficultés. Pourtant, elle a des forces, ses tables  et le calcul mental sont assez solides par exemple. Bref, on travaille les opérations dans Z, avec des nombres négatifs. Il m'a fallu plusieurs interventions pour arriver à développer avec elle un moyen de lui permettre de gérer cette entrée dans le monde des additions avec des nombres négatifs qui vient un peu révolutionner les lois auxquelles elle était habituée d'obéir. Effectivement, il arrive qu'on doivent faire une soustraction quand on a une addition de deux nombres à faire et ça s'est assez déroutant. On doit apprendre à distinguer deux situations assez abstraites, une où les signes sont pareils (-4 + -9) et où on doit additionner et, l'autre, où les signes sont différents (-9 +5) et  où l'on doit soustraire et donner à la réponse le signe du plus gros des deux. Les petits dessins, la compréhension, les métaphores de dette, de creusages-remplissages de trous, les arbres de décision schématiques, tout y a passé. Elle n'arrivait pas à fixer de façon stable en elle le procédé, ce qui alimentait son discours intérieur négatif (quel hasard!). Jusqu'à cette trouvaille: une métaphore de combat. Quand on est de la même gang, on se met ensemble (addition), quand on est de la gang des négatifs et de la gangs des positifs, on ne peut pas se sentir, on fait combat, on perd des plumes, on soustrait, le plus fort l'emporte. Je venais de trouver avec elle ce qui culturellement faisait un pont de compréhension avec cette difficulté en math.

Même gang, pas de la même gang. Maintenant elle reconnait les situations avec l'idée du combat entre gangs différentes qui a une réalité dans sa vie, elle peut entrer en relation avec cet univers abstrait, la fixer en elle et stabiliser sa performance, la maîtriser.

Pour trouver l'évidence, ça prend souvent du temps

On ne peut pas arriver à trouver ce genre de «trucs» ou de ponts d'apprentissage sans un certain suivi, une certaine connaissance du sujet, sans gérer en plus le discours intérieur dévalorisant de l'apprenant en difficulté. Il faut aussi savoir ce qu'on fait là avec cette élève: on cherche une représentation adéquate, adaptée, qui parle pour se représenter plus concrètement l'abstrait de la mathématique. Et comme un chercheur qui cherche une représentation de la réalité qu'il étudie, on sait qu'on va devoir passer du temps à réfléchir à ce problème, à chercher des solutions, à tenter des solutions par essais et erreurs,  à examiner attentivement  la nature des erreurs, à dialoguer avec l'apprenant pour tenter de comprendre ce qui est perçu par lui de la situation. Bref, il faut mettre son cerveau  de pédagogue en stress de trouver. Et arrive un moment: la magie de la créativité va donner une clé adaptée.

Psychologie de groupe 101

Qu'on puisse arriver à quelque chose dans une classe de 32 avec 4-5 clientèles différentes tient de l'utopie la plus stupide. Un prof, ça ne peut pas se séparer en 3 ou 4 ou 5 personnes. Et même si c'était possible, trop de sous-groupes aux buts différents dans un groupe ne peuvent pas cohabiter sereinement comme ça. Nos gogologues férus de connaissances psychopédagogiques oublient juste un petit détail de la psychologie de groupe. Pour faire un groupe efficace, il faut avoir un but convergeant, autrement l'association d'individus n'a aucun sens et le chaos s'installe. On crée justement des gangs différentes qui combattent et où, au final, on soustrait, on annule l'effet groupe. On essaie d'ailleurs, avec la réforme, de faire collaborer de force des gens. Il faut comprendre que la collaboration, ce n'est pas un élan naturel, mais ce qui s'impose d'une nécessité adaptative réelle ou perçue comme tel. Il y a des limites aussi à faire travailler ensemble des gens. Il y a des conditions à respecter minimales pour que la dynamique de groupe fonctionne.

Bref, en laissant entrer dans une classe ordinaire n'importe quel cas en ne changeant rien des conditions de base comme un nombre d'élèves et un certain souci de gérer l'hétérogénéité des groupes, on a créé littéralement l'équivalent d'un  TED ou trouble envahissant du développement à l'échelle de la classe caractérisé par une difficulté marquée, voire une incapacité de s'adapter. D'ailleurs, la prolifération de ce trouble n'est-il pas symptomatique d'un monde qui respecte de moins en moins les frontières et limites naturelles des humains, la psychologie élémentaire du fonctionnement en groupe des humains? Le public dans l'intime, l'intime dans le public, voilà notre monde de facebook, de twitts dans le vent, de blogues pleurnichards, de films pris par des cellulaires, la folie de l'exposition aux autres et du vol violent de l'intimité de l'autre pour l'exposer à la face du monde. Dans un monde obsédé par une capacité sans limite de s'adapter et du paraître sans défaut, le TED détonne et nous rappelle par son opposé le nécessaire équilibre vital qui caractérise la vie, la nécessité des coulisses, de la préparation, de la formation de base. Trop de pressions adaptatives créent du sur-stress improductif, voire destructeur. Dans ce monde si ordinairement normatif, comment travailler le défaut devant les autres? Comment dépasser ses difficultés en ouvrant son jeu pour permettre l'aide de l'autre accompagnant avec une bienveillance? Il est si facile de voir la colère et la honte qu'on peut éprouver de ne pas correspondre aux standards normatifs de la société envahissante.

Quand on comprend un tant soit peu la psychologie  de l'élève en difficulté, il est franchement incroyable encore qu'aujourd'hui on croit que la classe ordinaire ait quelque vertu que ce soit pour aider les élèves en difficulté et ne pas nuire en plus à l'élève qui a un parcours plus normal.

Enfin, si, quelque part, dans nos lois, l'école a le mandat d'offrir aux jeunes des services adaptés à leur condition, il est clair, évident, nette et précis que le réseau est en faute. Il est grandement temps d'y voir.

dimanche 25 avril 2010

Disperser l'attention et fixer des objectifs de réussite (air du temps)

La vie sociale et politique est complexe et c'est facile de s'y disperser. Mais bon, heureusement, qu'il y a des analystes pour nous rappeler l'essence de la politique: faire un bon show.

Je lisais donc ce matin Jean-Simon Gagné et ces derniers billets ont le don de me rappeler combien la politique peut être assez insidieuse. On a la mémoire courte. Faut dire qu'avec la culture Web, on a de quoi se perdre dans les «gazouillis», dans les «bruits» et les «écosystèmes» nouveaux (twitters, y en a qui ne manque pas de munition en matière de métaphores) de l'information-désinformation ou déformation.


Je remarque que Mme Courchesne découvre  que la politique d'intégration des élèves en difficulté est «inhumaine» pour les enseignants juste au moment d'entamer le dernier droit de la négociation collective avec les enseignants. Était-ce l'an dernier ou il y a deux ans, que la ministre lançait en grande pompe l'annonce d'une politique en matière d'intervention auprès des élèves en difficulté? Avec son message: un milliard, c'est de l'argent! Mais bon, à l'époque, on savait déjà que les profs du primaire en arrachaient avec l'intégration sauvage des élèves en difficulté, mais on n'en parlait pas trop au niveau politique. Là, madame Courchesne fait dans la compassion ou l'empathie subite.

Son bulletin unique arrive aussi à point pour laisser une impression favorable dans l'esprit excédé de nombreux enseignants. Mais bon, ces concessions peuvent s'avérer provisoires. Ne parle-t-on pas, ces derniers temps, d'un départ imminent de la ministre pour d'autres horizons politiques? Juste après qu'on aura bouclé la convention collective pour 5 ans, je parie.

En passant, le bulletin unique, ça coûte presque rien à mettre en place. Changer la politique d'intégration des élèves EHDAA pour soulager ces enseignantes aux conditions quasi «inhumaines», c'est un peu plus coûteux et aussi un peu plus long puisqu'il faut reconstruire des classes spéciales, trouver une manière de les renommer pour prêter moins flanc à la critique. Je propose classe de revalorisation du potentiel, tiens ça pourrait faire «cute».  Bref, on est loin de la coupe à la lèvre. De toute façon, l'histoire traîne depuis des années. L'espoir que suscitent les promesses de la ministre est à modérer de l'expérience de la politique récente.

Et l'histoire du calendrier scolaire là-dedans? De la belle diversion, on dirait qu'il est bon d'avoir un sujet de critique évident à offrir à tout le monde comme un bon pushing-bag pour offrir de l'autre des bonbons ou pour faire oublier les autres sujets délicats. Tiens, l'affaire Bellemare tout à fait improuvable offre une belle occasion de faire tourner tout le monde à vide et distiller l'attention au moment même où on nous passe un budget qui remet en question les acquis de la révolution tranquille.

L'histoire des juges et autres collusions du pouvoir, on est tellement habitué d'en entendre qu'on ne s'étonne même plus. Ce printemps, on haït tous les libéraux à cause des scandales Bellemare, de ceux de la construction. Mais comme Goldman Sachs accusé de fraude au USA, on va se défendre en disant qu'il n'y a rien d'illégal et que tout le monde fait comme eux. On est tellement noyé dans les histoires à dormir debout des puissants qui fourrent le monde et l'État et ses fonds publics qu'on en arrive tous à ne plus savoir où donner de la tête pour faire triompher la justice.

On dirait que partout chez les dirigeants on s'est donné le mot: plus on est nombreux à être «croches», plus on a l'air droit.

Pendant ce temps, des commissaires votent des seuils de réussite de 90% pour stimuler la réussite scolaire des garçons selon le bon vieux principe dans les affaires qu'il faut se fixer des objectifs pour les atteindre. Même si certains profs montrent de l'indignation, je fais le pari que ce qui s'en vient va ressembler à l'atmosphère qu'on peut trouver dans les centres de télémarketing-service à la clientèle sous-contractants de Bell. On va montrer aux profs à chaque bulletin l'objectif et discuter de sa performance pour le mettre en stress un peu d'atteindre l'objectif de réussite. Les directions vont se transformer en petits cadres qui surveillent de près ses employés, tableaux de statistique en main et sourires à la figure, avec des slogans de motivation en bouche. Ça promet!

Et plus que jamais on nous balancera du «faire autrement». Je vous donne un truc infaillible pour donner à ces gens ce qu'ils veulent. Monter un blog, un journal, un film, sites web, n'importe quoi qui se diffuse. Organiser une activité dans l'air du temps, c'est-à-dire qui met en scène un domaine général de formation: environnement, expo-sciences, etc. Faites des photos, c'est important les photos, des entrevues avec des enfants souriants qui jouent aux petits adultes, dans un rôle de petits policiers des moeurs, avec un uniforme est un «must». Diffuser. Puis faites passer 90% des élèves pour leur collaboration. Le reste personne ne le voit. Et on s'en fout. Ce qui compte, c'est l'image de l'école. Que les enfants aient l'air d'apprendre dans de belles mises en scène...

Les examens? Be, vous n'écoutez pas Virginie! La dernière, jeudi dernier, juste la veille de récompenser nos chers profs avec plein de larmes dans les yeux, on apprenait la recette. L'élève ne se pointe pas à l'examen? Pas de trouble, tu le fais à sa place comme ce prof de français Phaneuf!

Oui, même Phaneuf sait arranger les choses. Bon, Phaneuf a arrangé l'histoire de 2 fugueuses, fille adoptives du travailleur social de la place qui s'était mis à être manipulateur avec la directrice pour obtenir ce genre de faveur la semaine dernière. Le monde est petit à Sainte Jeanne D'Arc. Une prof couche dans la naïveté amoureuse avec le promoteur immobilier qui veut détruire l'école.

Quel écosystème! Échos-école de système? Les renards chantent la pomme. Même Phaneuf participe au plan de réussite scolaire en trichant à l'examen du ministère! Mais soyons heureux le gourou a été arrêté! La psy est sauve.

Y a vraiment de quoi faire une sclérose en plaque! Tilt des nerfs qui perdent leurs gaines de  myéline qui brouillent l'influx nerveux commandé par le cerveau. La Dégénération... Mon arrière-arrière-arrière... Et pis toi mon petit-gars, t'auras pas grand instruction! Tu seras un «petit t'oiseau», un petit toi-seau de toutes les couleurs qui écoutent les gazouillis.

Mais Phaneuf?!!! Tout le monde le fait de toute façon et il n'y a rien d'illégal là-dedans quand c'est pour le bien de l'enfant...

Ah oui, selon les sources bien informées ou bien ob-servantes, il faut s'attendre à une chute, un crash, pour bientôt de la valeur de nos rires!

mardi 20 avril 2010

Bulletin unique: il était temps! Dans une monde de «Bullshitteux»

On en parle depuis des semaines, mais bon j'étais assez content de voir la ministre venir à Radio-Canada expliquer ce bulletin unique.

N'en déplaise à Monsieur Paquet, président de la Fédération des comités de parents, si les derniers bulletins n'étaient pas problématiques encore, je dois faire l'effort de nier tout ce que j'ai vu dans les deux dernières années. Par exemple, j'ai vu une équipe école traficoter la logique d'une échelle de conversion de notes à faire crier n'importe quel  esprit rigoureux l'an dernier juste pour ne pas pénaliser les élèves par rapport aux établissements environnants dans la sélection des cégeps... (C: 60   C+:68   B:80 B+: 86  ...) Du grand n'importe quoi. Les modâmes réformes étaient contentes et comme d'habitude les autres se fermaient la gueule parce que s'opposer à la niaiserie depuis des années étaient devenus un sport périlleux susceptible de froisser les relations de travail. Ce ne devait pas être le seul endroit où on a fait des ajustements pour aménager les parents qui crient que leurs jolies petits chouchous  sont traités injustement.

Hier, on a aussi vu bramer ce Patrice Potvin, prof de la pédagogo des sciences, idéalistes, férocement réforme,  et qui a pondu une plaquette-essai que j'ai eu la chance de parcourir: l'enseignement radical où finalement il faudrait pour être un bon prof n'avoir aucune limite et tout faire pour aider le dernier des élèves en difficulté qu'on place dans notre classe. Pas de notions de survies en grand groupe, ce type. Évidemment, c'est facile à dire quand on n'enseigne pas au secteur jeune ou qu'on est jeune sans enfant et férocement ambitieux. A la télé, on le voyait nous donner du «20 ans en arrière». Pour un prof de sciences, pas fort dans les calculs!

«Il ne s'agit même pas d'un sabotage programmé; c'est un sabotage maladroit et le résultat sera ni plus ni moins une perte de sens et une confusion chez les enseignants». Oui, avec les programmes encore sur la table, avec cette potion d'utopies qui manquent de distillation intelligente, on peut être un peu confus, j'en conviens. Mais bon, on l'était toujours, car le défaut de ces programmes étaient de nier à plein de points de vue la prise en compte dans nos évaluations des connaissances fondamentales à l'émergence des compétences disciplinaires. Avant-hier encore, je jasais avec une collègue qui me disait que les directives concernant les maths étaient de ne pas pénaliser les enfants qui ne maîtrisaient pas leurs tables dans un raisonnement mathématiques. Désolé, mais pour en avoir vu de l'élève en difficulté ou plus ou moins fort en maths et pour savoir le gain de savoir calculer mentalement rapidement pour devenir efficace et même en résolutions de problèmes, sous-estimer cette habileté indispensable à l'émergence d'une assurance en calcul, c'est ne rien y comprendre. Remettre les connaissances en avant, c'est s'assurer que ces connaissances seront suffisamment enseignées, pratiquées, acquises pour permettre leur utilisation efficace dans les apprentissages subséquents. On ne peut pas saboter éternellement la rigueur pour la réussite de tous, car on obtient au lieu la déconfiture du plus grand nombre.

Je suggère aux profs qui n'ont jamais développé un regard rigoureux de l'évaluation de faire activer leur réseau et de parler avec un vieux prof à la retraite. Avec cette politique, on remet entre les mains des équipes de profs le moyen  de discuter de pondération, de partager des évaluations de connaissance et de les intégrer dans le cheminement d'évaluation comme cela se faisait avant. On met ainsi en place le moyen de créer un peu plus d'objectivité. Quand chacun dans son coin juge en fonction de traces et d'impressions professionnelles fondées sur des observations en direct, il n'y a plus de possibles objectivations, ni la possibilité de valider ce jugement. Des équipes de profs pourront retrouver le pouvoir de se tenir face à des directions qui profitaient de l'impossibilité de fonder nos évaluations dans des instruments communs et une pondération d'équipe.

Et on aura une lecture plus claire la plupart du temps des connaissances des jeunes et une caution pour les évaluer. Ces dernières années dans certaines écoles, on avait du mal à faire de l'évaluation de connaissances. Pas assez réforme! Même les jeunes ne bougeaient plus trop sauf en situation de SAE ou SE qui comptaient. Là, on va remettre le principe des lectures multiples qui traduisent la constance dans les efforts et la régularité de l'élève dans ses acquisitions. Quand on étaient rendu à dire aux profs  de vérifier une fois la performance de la compétence pour traduire le fonctionnement de l'élève, on était tout près de lui dire de fermer les yeux et de s'imaginer que l'élève est bon.

S'il y a une chose que cette réforme a démolie, c'est l'esprit de rigueur dans l'évaluation et donc dans l'enseignement. La nouvelle politique d'évaluation permet de cheminer vers un retour au bon sens. Intérioriser des connaissances pour pouvoir les mobiliser avec rigueur en situation de pratiques ou de résolutions de problème est un apport important de l'école à la formation de base de l'élève. L'habitude de la rigueur est à faire développer tôt chez l'enfant. Et loin de lui nuire, cette exigence l'aidera à se structurer d'une manière plus consistance et moins «bullshiteuse» comme le modèle actuel le permet. Quand on prend les vraies mesures et qu'on te confronte à ta réalité, difficile de «bullshiter».

Et puis, arrêtant de naviguer dans les abstractions pures pour se fixer davantage des objectifs d'évaluations précis, il y a une maudite gang de tout aussi «bullshitteux», adultes ceux-là qui ne pourront plus faire et dire n'importe quoi dans un jargon imbuvable.  (Ajout: Parlant de bullshitage, Martineau a fait une belle peinture de Voisins sophistiqués  à discours creux ici. Maudit grand ménage de printemps à faire là-dedans.)

Il y a de quoi, pour une fois, retrouver un certain optimisme!

lundi 12 avril 2010

Courroies de transmission de l'information. De l'autonomie superficielle et autres esprits de gadgets

La vision Summerhill de l'apprentissage est un mythe prégnant dans nos sociétés modernes qui ont du mal à accepter de jouer leur rôle de parents structurants. Effectivement, une école sans une claire vision de sa mission de transmission de connaissances structurantes, qui mise sur une sorte de régulation naturelle des apprentissages, procède de la pensée magique. Toute la recherche sérieuse en éducation tend à démontrer l'inefficacité de ces méthodes nouvelles dans le contexte de la classe nombreuse et hétérogène de nos écoles modernes.

Pourquoi perpétuer ce mythe?

Dissoudre l'opposition et les modèles

D'abord, ne pas structurer l'humain peut avoir l'intérêt pour le pouvoir de dissoudre les consistantes oppositions à l'arbitraire de ces décisions. Ainsi, on semble maintenir dans les populations une sorte de fiction d'autonomie par un discours affirmant que l'homme doit apprendre de façon autodidacte tout en ne lui donnant pas des bases solides pour permettre justement l'émergence de l'autonomie dans la capacité de comprendre sa réalité. Pour déstructurer l'humain, quoi de mieux que de dissoudre les modèles. On a retiré la structure des manuels, la rigueur dans les méthodes et on a vendu l'apparence trompeuse des effets de graphismes et le mythe de l'inventeur en l'enfant. On a imposé ensuite aux enseignants d'être des animateurs, des vendeurs d'illusions éducatives, d'adroits manipulateurs de la représentation collective.

Fabriquer l'homme-courroie de transmission instantanée

Aussi, l'absence de rigueur et de méthodes stables dans la transmission  de l'héritage de l'expérience humaine donnent peu de confiance en soi quand il s'agit de se représenter la dynamique du réel et de tenter d'en comprendre les enjeux. On fabrique donc de bons consommateurs sans discernement, de bons vendeurs habiles dans la présentation, des êtres piégés par un management moderne sirupeux qui embrouille la capacité de pensée. On nous entre dans l'esprit d'associés, d'intégrés à la machine sans pouvoir de s'en distancer. On veut nous maintenir dans la musique d'ambiance et le clip d'une vie surexcitante. La pause rêvée devient l'ambiance perpétuelle, épuisante et sans pause. A la rigueur silencieuse et au travail soigné, on oppose la distraction et le multi-tâche illusoires. Ce qui se dessine à travers l'arrivée récente de la mode Twitters, c'est l'homme courroie de transmission dans la toile de l'information où la grande manipulation du théâtre collectif aura le beau jeu.

Loin de construire des citoyens aptes à débattre des grands enjeux, nous fabriquons des jeunes amenés tôt à être manipulés pour faire des projets qui devraient faire du sens, celui qu'on induit de l'extérieur en donnant l'illusion d'un intérêt socio-construit. On prépare les jeunes à être à l'affut des vagues de« twitters» qui deviendront les courants de pensées gérées par des compagnies régulatrices de la pensée humaine.

Faire des acteurs brillants et bien dociles

Très tôt, les jeunes sont amenés à accepter la décision d'équipe, à se croire libre, à maintenir l'esprit de jeu qui garde enfant, sans développer le regard neutre, le regard extérieur, sans pouvoir se retirer du bruit ambiant pour comprendre par lui-même. En maintenant des climats de classe déstructurés, sans ordre, plein de spectacles et de vécus, jamais on ne permet la construction de la réflexion et de la concentration nécessaire aux apprentissages qui structureraient l'indépendance d'esprit. D'ailleurs, l'objet de l'école n'est plus ce genre d'apprentissage, mais ceux de la collaboration bruyante à des activités convenues, de bons tons, manipulés par l'art de l'adulte à orienter l'activité du groupe. Nous sommes tous touchés par des enfants qui se comportent comme des adultes comme ces gros bébés acrobates en patins à roulettes dans une pub actuelle. Mais ne nous laissons pas berner, c'est clairement une manipulation: un projet adulte sur celui d'enfants.

Mais si on empêche l'enfant d'apprendre à comprendre le monde dans lequel il réalise des tâches spectaculaires comme un bon acteur de théâtre objet d'un metteur en scène adroit, je me demande franchement s'il est porteur d'espoir autant que la publicité veut nous le faire croire. Les enfants aiment incarner les bonnes valeurs et avoir raison devant les adultes, même si cette raison leur demeure inaccessible. Le discours moraliste qu'on insuffle aux enfants est d'une rigidité sans recul.

Acteur et marionnette

Retirez-leur leur animateur simplificateur et ils se retrouvent tout aussi sans merci devant la complexité de la vie. En fait, on prépare l'autonomie active illusoire de répercuter l'information dans des réseaux d'appartenance, mais pas du tout l'autonomie de confronter à cette information un esprit critique s'appuyant sur des modèles de compréhension disciplinaires reconnus valables dans l'histoire humaine. Le seul esprit critique qu'on développera consistera à distinguer la pensée déviante des modes actuels et à ridiculiser ce qui, dans un monde perpétuellement moderne, deviendra l'obsolète à oublier.

Plus efficace que Big Brother

On prépare donc l'enfant à devenir l'adulte acteur et courroie de transmission des idées-forces du monde pour une grande manipulation encore plus efficace que la société-spectacle de l'écran de Big Brother. Au moins devant l'écran, on pouvait encore se voir autre et questionner le message. Bombardé d'informations sommaires spectaculaires qu'on participe à diffuser, l'homme de demain s'enorgueillira de son rôle actif dans les grandes émotions planétaires. Sans bagage pour réfléchir l'action à laquelle il prend part, il deviendra la marionnette rêvée des grandes utopies.

Pour le meilleur de la Story of stoff et ses recyclages

L'ignorance devient ainsi la liberté et le pouvoir suprêmes de faire tourner the story of stoff. Curieusement, la société de consommation a quelques contradictions avec l'esprit de la conservation de l'environnement, mais on la gomme en n'expliquant plus soigneusement l'écologie et ses concepts et en faisant positionner des jeunes sans recul de vie face à une consommation dite verte dont on a souvent l'impression qu'elle est une autre de ces grandes récupérations par les intérêts capitalistes des oppositions critiques.On fait de la science des instruments de tests de qualités de différentes marques de gommes même si la saveur qui perdurent 3 heures dans la bouche développe de l'accoutumance et fidélise le consommateur (lu cette expérience dans Les sciences solubles dans le Renouveau pédagogique de Mathieu-Robert Sauvé dans Par-delà l’école-machine, p.41, l'interprétation sceptique est de moi). Finalement, il n'y aura plus que des sciences de la consommation.

Découvreurs de l'information hot et de gadgets-nouveaux modes de vie


Enfin, l'esprit de découverte a certains avantages pour modeler l'attrait des gadgets inutiles à modes d'emploi renouvelés dont l'exploration devient l'habitude no 1 de l'homo consommatus pour se motiver à vivre. Combien déjà, l'homme est friand de la nouvelle «bébelle» qui rendra son quotidien plus stimulant.   La réalité virtuelle est un marché dans ce nouveau siècle. On s'en convainc à lire ici le gazouillis autour des développeurs Twitters, on comprend que tout cela est aussi une grosse affaire de sous. Quand l'école veut entériner des modes si jeunes sans vraiment connaître la pertinence de ces joujoux encore pour sa mission structurante, je pense qu'elle enfreint certaine obligation de réserve et se mouille dans un drôle de conflit d'intérêts avec une fabrication intéressée et moderne de l'humanité tout à fait discutable.

Je suis frappé souvent par le côté «gadgo» des conseillers TIC et de nombreux enseignants. Les gadgos se laissent structurer par les modes de gadgets sans poser de question explorant ce que la technologie leur permet de faire sans se rendre compte qu'ils tournent en rond avec leur souris! D'ailleurs, quand on gratte, ces pré-retraités pénards ne sont la plupart du temps que les courroies de transmission de l'idéologie d'éducation souvent à l'encontre de leur propre expérience de terrain et de leurs propres croyances.

Questions à se poser

Faut-il former l'humain à devenir l'objet manipulable de ces intérêts financiers et à accepter le jeu de ces puissances qui ont développé l'attractivité pour les joujoux de rêve qui conditionnent l'homme de demain? La manière de vivre qu'incite à développer l'utilisation des innombrables gadgets programmés d'avance par une industrie de plus en plus puissante n'est-elle pas discutable à bien des points de vue? Faut-il laisser la structuration scolaire traditionnellement tournée vers la transmission des savoirs disciplinaires se dissoudre dans la structuration de l'homo electronicus?

Il y a là des questions fondamentales, à mon sens , à considérer. Les outils deviennent des éléments qui structurent et conditionnent des modes de vie maintenant, on en vient presque à perdre de vue qu'on a développé des outils pour pouvoir faire des activités utiles, maintenant on développe des outils qui nous font découvrir ce qu'on pourrait en faire sans même savoir si ces activités sont ce que nous voulons vraiment faire, sans connaître leur potentiel bénéfique ou nuisible.

Pour ma part, développer l'autonomie de l'homme, c'est beaucoup éveiller sa méfiance contre les sorcelleries de toute sorte. La richesse d'une société se mesure par l'étendue et la complémentarité de ses ressources humaines, pas par sa faculté de «cloner» un même mode de pensée et d'agir.

samedi 10 avril 2010

«De la désinstruction publique» selon Marc Chevrier

Je me suis décidé de me procurer Par-delà l'école-machine sous la direction de Marc Chevrier qui est un recueil de textes du Collectif pour une éducation de qualité. Pour moins d'une quinzaine de dollars, on peut avoir accès à un pdf du livre ici.

Ce matin, je termine le texte de Chevrier, De la désinstruction publique qui est jusqu'à maintenant, selon moi,  le texte fort de cet ensemble de réflexions intéressantes sur la réforme de l'éducation socioconstructive. En le terminant, m'est venu en mémoire la phrase légendaire de 1984: «L'ignorance, c'est la liberté.» C'est tout à fait le slogan qui conviendrait pour résumer cette réforme selon la peinture de Marc Chevrier.

Constatant que la réforme s'est imposée sans aucune caution valide de sciences légitimant un tel changement de l'école, Chevrier pose son caractère idéologique. J'ai aimé sa description d'ailleurs de l'idéologie et de ses bénéfices: 
C’est donc en tant qu’idéologie qu’il faut considérer la pédagogie socioconstructiviste ; c’est à ce niveau qu’il convient de se placer pour saisir le succès de ce discours aux faux airs de science exacte. Or, la force d’une idéologie vient de ce qu’elle procure à celui qui y adhère un système complet, autosuffisant d’explication du monde ou d’une réalité qui le dispense d’aller plus loin, de confronter ses convictions au choc du réel. Une idéologie est d’autant plus forte et attrayante que loin de bousculer les convictions de son porteur, elle les renforce, les exalte, pour former un noyau dur de croyances dont la stabilité procure un sentiment de puissance et d’accord avec soi-même. (p.103)

Chevrier s'attaque ensuite à déconstruire la séduisante idéologie qui a fait acheter une transformation sans précédant de la façon de faire l'école. Il démontre ainsi que l'esprit idéologique de la réforme table sur l'idéal démocratique à partir duquel on opère un glissement dont nous ne prenons pas toute la mesure: «si vous êtes démocrate, vous n’avez alors pas le choix que de consentir à notre école démocratique.» (p.109)  L'idéal démocratique à développer ne peut se faire que dans une école démocratique, avec une communauté d'apprenants égaux à leur maître qui ensemble co-construisent les connaissances et développent des compétences. Mais bon, évidemment, c'est un mensonge, une manipulation:

Or l’école, quand bien ouverte, participative et progressiste qu’elle serait, ne repose pas sur l’interchangeabilité du maître et de l’élève. Le maître a beau être gentil, adorable et à l’écoute de ses élèves, il ne peut décider d’être un enfant devant ses propres pupilles dans l’attente qu’ils s’instruisent par eux-mêmes.(p.109)
Ainsi, l'enseignant se trouve piégé dans une double-contrainte insoluble. Il n'est pas étonnant qu'on déserte la profession.


Au terme d'une analyse éclairante, qui examinera la conception radicale de l'autonomie - qui «flatte sans doute la soif d’autonomie de notre époque en laissant miroiter un apprentissage sans peine débarrassé des affres de la mémorisation et du bachotage(...)»(p.120) - et le rejet de l'école seconde des réformistes, Chevrier montre combien finalement cette idéologie fonctionne, à l'instar du  management moderne (p.120), comme le communisme (p.132)  pour arriver à une désinstruction publique.

Je vous recommande donc d'aller approfondir ce texte qui en dit long sur la mécanique de cette idéologie qui a kidnappé l'école et dont le discours pourrait cacher une visée moins noble:
Par le truchement de cette pédagogie manipulatrice, qui entretient l’illusion d’une autonomie démiurgique et substitue les compétences aux connaissances, l’école devient un centre de production d’individus en série, normalisés, formatés, homologués qui font exactement ce que l’on attend d’eux en croyant être les auteurs de leurs pensées et de leurs actions. (p.121)

vendredi 9 avril 2010

S'inspirer du langage des chiens? !!! - ajouts

Ma conjointe a été 17 ans monitrice d'équitation et a fait de l'élevage canin. Je suis souvent fasciné par sa connaissance de la psychologie animale.

Récemment, elle m'a appris une chose tout à fait inouïe! Les chiens communiquent clairement leurs limites et même éduquent leur progéniture avec un langage des plus clairs: Grrrrr!

D'abord, j'ai remarqué amusé que quand le chiot, qui s'incruste chez nous depuis une semaine, faisait un truc dérangeant, ma conjointe grognait, juste un petit grrr, pas besoin de baver là! Le chien comprenait instantanément le message. Depuis, j'éduque moi (oui , oui à pas mordre les chaussures par exemple) aussi le chien avec des grognements ou je lui dis que j'en ai marre qu'il me morde le pied pour s'amuser de la même manière. Heille, c'est magique! Efficace. Pourtant, je croyais en connaître un bout sur les chiens, mais là, wow!

Hier, je lui disais justement que j'étais fasciné par cette efficacité redoutable et elle m'a raconté comment les mères souvent éduquent leurs chiots et gèrent leur petit monde à coup de morsures au collet et de grognements, ça peut aller jusqu'à plaquer au sol sur le dos. Elle me disait que ce n'est pas tous les chiens qui savent parler le chien. Quand les humains les retirent de leur milieu naturel, de leur vie de chien, ils se peut qu'un chien n'ait pas appris le signal non équivoque du grognement. Elle a observé aussi chez ses chiennes porteuses différents styles: certaines mères se laissaient faire, d'autres étaient des plus autoritaires ou très directives. Ensuite, les chiens en bande aussi utilisent ce langage pour se signifier de garder une distance respectable ou affirmer sa position hiérarchique dans le groupe. C'est aussi une manière simple de signifier:  Heille tu me tannes, laisse-moi tranquille!

Les chevaux ont aussi ce langage. Elle m'a parlé qu'il y avait des étalons qui étaient de très bons pères qui jouaient avec les poulains. Et qui, quand il finissait par être tanné de jouer et que le jeune ne voulait pas lâcher, il communiquait un langage clair: il baisse la tête, arrondit l'encolure, les oreilles en arrière, mord plus fort au collet (leur jeu favori en passant) et si ça ne le fait pas: il tape.  A la longue, ils en viennent à comprendre les signes fort visuels et non équivoque.

A  l'écoute de tout cela, je remarquais encore une fois qu'une certaine expression d'agressivité est normale dans les relations entre congénères animaux et qu'en bout de piste, les animaux, où les hiérarchies et les messages sont clairs, font souvent des animaux assez calmes. Je me disais que franchement en nous interdisant les humains de plus en plus toute violence contrainte ou expression d'agressivité modérée, même celle qui ne fait que renforcer un langage clair du besoin de respect, d'être laissé en paix, peut-être que nous rendions finalement notre langage de moins en moins clair pour exprimer certains besoins évidents d'intégrité, de repos, de distance raisonnable.

Enfin, à voir la normalité des enfants d'aujourd'hui de «gosser» les adultes et manquer au final d'éducation, je me dis qu'il y a des coups de dents qui se perdent! Tiens, ça me rappelle mes scouts, les jalons d'apprentissages y étaient décorés de coups de dents!

Enfin, voilà bien longtemps, depuis mon entrée dans l'âge adulte et aussi dans les cercles intellos universitaires que je remarque que la violence  le rôle de l'agressivité dans les rapports est un tabou indiscutable, alors que je l'avais connue comme une composante réelle dans mon enfance sans m'en porter vraiment plus mal. J'ai toujours cru que l'expression de l'agressivité pour défendre son besoin d'intégrité avait une certaine légitimité. Et aussi qu'une utilisation adroite de cette force formait à l'apprentissage du respect de l'autre. En fait, on le voit, les animaux utilisent naturellement un forme de contrainte pour favoriser l'émergence de rapport plus harmonieux et tempérée.

On s'étonne des explosions de violence qui est de l'agressivité exacerbée ou de l'affirmation extrême de son besoin de respect. Quand on est élevé à tout endurer et à ne pas avoir le droit de grogner et de mordre pour se faire respecter, on peut comprendre qu'un jour, la colère contenue explose comme une bombe.

Je ne crois pas comme d'autres que l'information règle l'agressivité. C'est l'éducation au respect de l'autre et à la clarté non équivoque de ces messages d'énervement par un contrôle de l'agressivité dans des gestes de contrainte éducatif qui apprend aux jeunes à gérer des rapports plus harmonieux. Ensuite, les animaux sortis de la sphère maternante apprennent à gérer aussi leur relation de façon plus libre entre congénères.

Je me demande si les enfants ont assez d'espaces pour gérer eux-mêmes de nos jours avec ces centres de la petites enfance et l'école qui constamment gèrent les conflits pour eux. Ensuite, y a-t-il encore des figures parentales pour contraindre le jeune à ce respect de l'autre dans des moments clés de son histoire, ne serait que pour apprendre à lire clairement la gradation de l'énervement de l'autre, les messages clairs d'un abus contre l'intégrité de l'autre? Si les enfants apprenaient les limites respectables à ne pas franchir par une accompagnement clair de l'adulte qui se fait respecter, on verrait peut-être plus de respect de l'autre chez nos adolescents et moins de violence gratuite ici et là.

Quand on observe les animaux, on met rapidement en doute des visions rousseauistes faisant de l'homme un être bon naturellement. Non, pour le devenir, comme l'animal qui apprend à gérer son rapport à ses congénères, il a besoin d'être éduqué. L'agressivité n'est pas une chose à réprimer, mais à contraindre et orienter, bref à éduquer puisque indéniablement c'est une force (émotionnelle, comportemental aussi) que nous avons en nous  pour ne pas se faire écraser par l'autre, pour équilibrer nos rapports finalement entre congénères.

mercredi 7 avril 2010

Cours d'autorité pour enseignants en France

On dirait que les enseignants européens en reviennent de l'approche éducative de l'autorité comme celle sur laquelle je suis tombé (un peu rose bonbon) en faisant cette recherche de vidéo d'un reportage que j'ai vu hier sur France 2 à TV5.

Ici, je ne sais trop où l'on en est avec la discipline, j'ai comme l'impression qu'on fait le plus souvent comme s'il n'y avait pas de problèmes... Et pourtant!

Une enseignante du reportage disait qu'il n'y a pas si longtemps on ne pouvait pas parler de difficultés de gestion de classe, car évidemment la gestion, on l'a ou on ne l'a pas, se faisait-on répondre. Il semble que devant l'incapacité d'aider, on peut ainsi nier le problème en lui enlevant toute légitimité. J'ai vu cette attitude-là par ici aussi et celle défaitiste du genre: «tsé quand les parents laissent tout faire à la maison... » Comme si c'était né hier ce genre de style parental!

La vérité est bien sûr dans le fait que la gestion de classe et l'exercice de l'autorité s'apprend et peut se transmettre puisqu'on prépare des cours et de la supervision pour ce genre de difficultés. Enfin, quand l'école offre une structure d'encadrement et du support, notre métier devient nettement plus intéressant au secondaire en tout cas.

Des trucs, on s'en développe sur le tas aussi! Par exemple, je n'entrais plus dans une classe inconnue ou encore partiellement connue sans un plan de classe ou en faire un (grossier, les prénoms suffisent) in situ pendant la prise des présences. Évidemment, avec un groupe d'élèves doués souvent plus naturellement disciplinés, on peut  s'en passer. Au régulier, c'est comme une télécommande pour le reste de la période. Rien de mieux que d'apostropher Ti-jo par son vrai prénom pour le ramener à la raison... Évidemment, ça peut prendre une coupe d'autres ingrédients... Mais bon, ça calme un peu le climat de Party qu'on veut partir avec le suppléant. Bon, tu apprends ça à la dure, quand sans plan de classe tu essaies de hurler à Chose Bine de se la fermer et qu'il fait comme si t'avais rien dit ou que tu n'existes pas, bien sûr pour épater la galerie! Je veux bien voir le comportement déviant comme l'expression d'un besoin, mais bon le besoin de faire le «smat» peut aussi ne pas se faire à mes dépens! Bref, le plan pendant la prise des présences est une habitude que je suggère au suppléant débarquant sur la nouvelle planète!

Enfin, on peut très bien fonctionner dans différents contextes avec peu de moyens et apprendre sur la tas ou de collègues attentifs et généreux les trucs du métier, n'empêche qu'on peut se retrouver un jour dépassé par des dynamiques de groupes et avoir donc besoin d'un peu d'aide. Pourquoi n'avons-nous pas de conseillers en gestion de classe compétents dans nos écoles? Pas un patron, ce qui peut créer des conflits d'intérêts, non une aide professionnelle... (des profs à la retraite partis trop vite sans avoir le temps de transmettre les trucs du métier par exemple).

Quand on pense que nous avons souvent sous notre responsabilité 30 jeunes, je trouve assez téméraire de se lancer dans des aventures sans une certaine autorité établie qui ne peut exister sans une certaine relation et un cadre de relations bien mené, bien compris par les jeunes. Malheureusement, souvent il faut se planter quelques fois avant de se résoudre à une méthode préventive et active!

mardi 6 avril 2010

Contradiction dans le discours

La guerre des clochers fait toujours rage, à un niveau qui manque de conscience, même si on voudrait être « heureux que la période «post-réforme» que nous entreprenons nous permette de laisser de côté les «luttes de pouvoir»  pour se concentrer un peu plus sur les stratégies qui permettront de mieux faire réussir les élèves»(Robert Lyon paraphrasé par Mario Asselin). Le dernier billet de Mario Asselin démontre une contradiction flagrante dans les termes: il veut dépasser le débat en s'offrant le luxe d'ignorer l'existence de l'interlocuteur en face de lui depuis 10 ans. Mais qu'est-ce que c'est que cette féérie?

 Son billet qui veut souligner la contribution de Robert Lyon de la série Défi Mathématique ne peut s'empêcher de mettre en évidence un point de vue intransigeant: l'impossible coexistence entre une pédagogie du «montrer», explicitement, et celle d'une pédagogie de découverte. Voilà selon moi une fixation constante chez les penseurs de la réforme: hors du chemin, point de salut. Moi qui avait cru récemment voir des signes d'ouverture à un dialogue (commentaire 5 et 6), je vois aujourd'hui encore la trace d'idées fétiches indiscutables.  Or, aucune guerre de clocher ne se règle par l'ignorance des perspectives adverses ou complémentaires. C'est remettre à  plus tard, c'est dénier la réalité de l'autre, c'est manquer de respect à des partenaires de travail, c'est tout à fait contre l'esprit de collaboration et de résolution de problème.

En fait, faire le pont entre ces pédagogies m'apparaît être la seule voie d'une reprise du dialogue pour un certain dépassement salutaire de l'esprit de clocher en éducation. L'essentiel du commentaire que je laisse à ce billet tente de montrer justement les voies de complémentarité d'approche à explorer et une certaine légitimité à envisager la coexistence pacifique. Une condition sine qua non de la discussion est la simple reconnaissance de l'existence et de la légitimité de l'autre comme interlocuteur.

Je ne suis pas contre la pédagogie de la découverte ou la réalisation de projets. Je m'inquiète de son efficacité. Je m'inquiète de la plongée des jeunes sans préparation dans ce genre de contexte et je m'inquiète de la solidité du bagage construit par une pédagogie unique. Je suis aussi profondément dérangé par le procédé culpabilisateur et contraignant qui toujours anime la promotion de cette indiscutable façon de faire. Je suis définitivement contre le caractère pédagogique unilatéral de cette réforme qui, en plus, me semble procéder à un déni tout à fait discutable et intrigant à la fois de la force d'imitation des humains pour s'approprier et transmettre la connaissance et les savoir-faire.

Le point de vue est tiré de Robert Lyon et d'un de ces billets Mathadore (de matador: 1. Carte maîtresse. 2. personnage haut placé ou 3.Toréro chargé de la mise à mort, drôle de symbolique!):

«Quelles conclusions doit-on en tirer en ce qui concerne l’enseignement ? D’abord que le constructivisme constitue la meilleure approche lorsqu’il faut enseigner les mathématiques et les sciences physiques. Par contre, l’enseignement explicite joue le même rôle pour le français, l’histoire, la géographie. Or ces approches ne peuvent coexister. Si on tente de le faire, l’aspect constructiviste est rapidement mis de côté. La raison en est très simple : l’enseignement explicite encadre fortement l’élève, à tel point que lorsqu’on l’invite à inventer quelque chose, il est rare qu’il invente ce qui n’était pas prévu. En constructivisme c’est une autre histoire. Si, dans une activité d’apprentissage, les deux approches s’entrecroisent, l’élève ne sait plus s’il doit écouter ce qu’il doit apprendre ou essayer de le réinventer. Or la première option, lorsqu’elle existe, est celle que la majorité des élèves choisissent. Il leur suffit d’attendre et, éventuellement, on leur dira quoi faire. Et là, lorsqu’il faut attendre, la patience des élèves est très grande alors que celles des enseignants…» (Mathadore # 280)
 Et voici mon commentaire:

Monsieur Asselin,

J'aurais aimé voir une ouverture dans un commentaire dans un billet récent à l'approche de l'enseignement explicite pour peut-être une cohabitation, voire une complémentarité d'approche. Mais bon, à voir ici que vous souhaitez garder  la trace d'un point de vue qui prétend que «ces approches ne peuvent coexister», je ne peux que remarquer une certaine fermeture. L'essentiel de la contestation de la pédagogie sociocontructiviste pourtant repose sur le fait justement, je pense, qu'on veut la rendre unique, qu'on l'impose comme l'unique voie de salut de l'apprentissage.

Il est curieux de voir combien dans ce débat on oublie l'importance de l'imitation, de l'appropriation d'une connaissance ou d'une compétence en se modelant sur des humains ayant acquis la connaissance ou ayant une maîtrise de la compétence les utilisant.

Regarder l'autre faire, recevoir ses instructions et les essayer, est pourtant de tout temps la façon la plus efficace de s'approprier une connaissance, une technique, un savoir-faire. La découverte en comparaison apparaît un moment rare dans les gains de l'humanité souvent accidentel ou le fait de quelques rares individus ou de rencontres significatives entre différents points de vue solides s'ouvrant à ceux des autres pour une considération exceptionnelle du problème. Un coup la découverte faite, il y a transmission et propagation de la connaissance à vitesse grand v justement parce que l'humain intelligent sait reproduire la connaissance par un enseignement explicite qui se résume dans un « je te montre» si évident.

Notre métier peut-il se passer de montrer comment faire? Non. Nier ce fait, c'est nier l'acte éducatif. Notre métier peut-il se passer de laisser l'apprenant faire ses erreurs, ses errances, de vouloir faire à sa tête, de découvrir lui-même? Non plus. C'est nier la réalité ou la psychologie de l'apprenant et la réalité de certains styles d'apprentissage. L'enseignement est justement un art de distiller le modèle et la liberté de chacun de vouloir découvrir ou de trouver sa méthode. Mais il est aussi l'art de ramener les errances dans l'efficacité de l'apprentissage.

Peut-on rejeter du revers de la main de rendre explicite les processus internes de gestions cognitives en situation d'apprentissage comme le propose l'enseignement explicite? Ce serait nier la réalité de nombreux courants de recherches qui montrent que l'efficacité de la transmission des savoirs et des savoir-faire en contexte progressent plus efficacement avec un enseignement explicite par l'offre de modèles explicite pour guider et construire l'apprentissage de l'apprenant.

L'argument présenté dans votre «trace» est que les élèves modelés en enseignement explicite ne peuvent ensuite se mettre en projet de découverte à cause d'une certaine habitude dépendante. Or, même la façon de se positionner devant une démarche de découverte demande un certain enseignement explicite, l'exposition d'un comment se mettre en position de découvrir pour un nombre très appréciable d'élèves. C'est du passage de la nécessaire dépendance de l'apprenant novice à son autonomie qui est l'enjeu, pas la négation de la dépendance.

Avec une telle fermeture sans approfondir la réalité sous-jacente et ses exigences, comment peut-on franchement avancer?

Enfin, dans un monde en changement, comme vous semblez affectionner de vous le représenter, la transmission des informations pertinentes pour s'y adapter dépendra davantage d'une efficacité de transmission ou de l'attentive observation de ce que l'autre  sait déjà que d'une méthodologie encore immature de découverte. Car tout changeant que soit le monde, il n'évolue qu'en tirant la mémoire de son expérience dans son sillage. Cette mémoire, c'est la nécessaire permanence qui vient ajouter une complexification maîtrisée au changement. Sinon, il n'y a que mouvement dans un système arrêté qui ne change pas vraiment.

Bref, l'exigence d'une communication rigoureuse et efficace des savoirs  sera toujours importante. Quand au besoin d'innover, il ne peut germer que dans le terreau d'une connaissance maîtrisée et approfondie des domaines à développer. Les équipes innovantes correspondent souvent à des  petits groupes de gens dans chaque société qui ont ce talent que des contextes leur ont permis de développer. Or, il n'y a pas que des innovateurs dans un équipe qui innove. Il y a ceux qui, par leur rigueur, empêche de s'illusionner, qui rappelle les exigneces de la réalité, budgétaire, faisabilité, etc. Il y a ceux qui communiquent l'idée, qui réunissent l'équipe pour la mettre en pratique, qui l'approfondissent. Bref, tout un ensemble de compétences qui n'ont pas besoin d'innover à toutes les 5 secondes qui sont des savoir-faire assez stable, rigoureux  et requis dans nos sociétés modernes. La modernité tient davantage dans la complémentarité des perspectives que dans les guerres pour la domination d'une perspective.

En terminant, je trouve que justement cette attitude exclusive est tout à fait contraire à un certain esprit d'ouverture propre à celui de la découverte. En psychologie, on a vu depuis 30 ans de réels efforts d'intégration pour le développement d'approches éclectiques en psychologie, alors que ce milieu a été marqué par des guerres de clocher pendant près d'un siècle. On s'est aperçu que les 3-4 grandes approches pouvaient se compléter dans une vision et une pratique intégrées de l'intervention plus efficace.

En éducation, il est clair que les pédagogies et les styles pédagogiques se complètent et qu'un coexistence pacifique est le premier pas vers la résolution du problème sans issu et discutable pendant des siècles dans l'atmosphère de guerre de clocher que nous impose l'establishment sans même se rendre compte de sa vision limitée de la réalité de l'apprentissage. De grâce donc un peu d'ouverture.

Et avant de parler de la division que crée la ministre en posant quelques gestes pour recadrer les excès unilatéraux des réformistes, voyez donc combien votre option doctrinaire empêche déjà le dialogue. Et donc, pour être cohérent, pour mettre de côté les luttes de pouvoirs, il faut en quelques sortes se mettre à l'écoute des différentes perspectives et leur permettre de coexister. A l'instar de maturation du débat en psychologie, un modèle d'intégration des perspectives éducatives est un axe de résolution du conflit à envisager de bonne foi. Donner une place à ces trop nombreux chercheurs d'approches  alternatives à la socioconstruction tels ceux en pédagogie explicite serait déjà un grand pas propice à rééquilibrer la représentativité des perspectives dans les sphères du pouvoir. En attendant, les matadors discutent entre eux de la meilleure façon de mettre le taureau à mort!

Mettre les luttes de pouvoir de côté sans cela, consiste à dire «nions la chicane, travaillons ensemble». Rien ne se réglera de cette façon sans inviter à la table de négociation ou à l'atelier de recherche les parties intéressées et pertinentes.

lundi 5 avril 2010

Gestion de classe et autorité: 2 lectures

 Je crois que la question de l'autorité en classe ou de la discipline est une préoccupation dans la profession. Café pédagogique propose deux ouvrages et des entrevues avec leurs auteurs. Les deux semblent d'accord pour parler de la nécessité d'exercer encore de nos jours l'autorité pour installer dans la classe un cadre sécurisant permettant l'apprentissage. Bref, avoir des règles claires, se déterminer à sanctionner, travailler aussi au niveau de la relation affective, mais aussi faire un travail sur soi comme professionnel semble toujours un B-a-Ba nécessaire même en ces temps où personne ne semble savoir clairement ce que l'école devrait enseigner.

Extraits:

«Il y aussi l'aspect politique. Dans une société démocratique l'autorité scolaire peut-elle être autre chose que démocratique ?

Oui et non. Et d'abord, non. La relation prof-élève est asymétrique. L'adulte n'est pas l'enfant. Le prof n'est pas l'élève. Mais pour que l'autorité puisse fonctionner, il faut en même temps faire vivre une dimension symétrique dans la relation. De fait, la façon d'exercer l'autorité est sujette à questionnements, à conflits, à échanges de paroles. Pour le professeur, il s’agit d’entendre a minima ce que disent les élèves, de s’accorder sur certains arrangements et modes de fonctionnement, mais sans perdre de vue que certains éléments sont non négociables. C'est ce que je montre en rappelant dans une fiche en fin de livre, les trois lois fondatrices de toute vie sociale que l'enseignant doit poser. L'autorité repose sur cette tension entre l'asymétrie et la symétrie entre prof et élève. » (La crise de l'autorité, c'est la crise de l'autorité autoritariste – Bruno Robbes)


« Les difficultés actuelles viennent nous rappeler l’importance de l’autorité dans l’éducation des enfants et la nécessité d’un cadre structuré pour permettre aux enseignants d’accomplir leur travail. Depuis les années 70, l’idée d’autorité est essentiellement chargée de connotations négatives. Elle évoque pour beaucoup de personnes l’abus de pouvoir, la contrainte, l’obligation, l’interdit. Il est évident que l’autoritarisme à l’ancienne a été et est toujours destructeur pour la personnalité, mais le manque d’autorité a de graves conséquences lui aussi. Nous en avons maintenant la preuve. L’atteinte des objectifs scolaires et éducatifs n’est possible que s’il règne un climat de travail positif et sécurisant dans les classes. C’est la tâche des enseignants, soutenus par leur direction, de le garantir en assumant d’exercer une relation d’autorité. Il ne s’agit pas de revenir à un autoritarisme dépassé, mais d’apprendre à poser, avec bienveillance et détermination, une nouvelle forme de relation d’autorité qui repose sur l’harmonieux équilibre de plusieurs composantes.» (Jean-Claude Richoz : La sanction est une nécessité éducative)

Bonnes lectures!

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2010/111_Autorite.aspx#a2

dimanche 4 avril 2010

C'est pas que...

Drôle de jour. Je me lève, pense à mes fils, je ne pense même pas à Pâques, je pense à mes fils, à ma démission de père, à l'Exil choisi.

Comprendre pourquoi je suis si loin d'eux est toujours comme une énigme à mettre en mot, même si en moi, c'est comme une évidence, c'est ce qui s'est imposé en moi quand on met tous les «tu devrais» de la société de côté et qu'on écoute en soi ce que la voix de soi dit. En quelques mots, quand il n'y a plus la place, l'espace pour jouer un rôle, il y a souvent mieuxx à faire d'aller voir si on peut être utile ailleurs. Mais bon, après des années investies dans cette aventure, dans le «mentorat» des «mentorats», il y a comme une interrogation qui plane...

Et c'est Pâques...

Résurrection d'un fils qui caché laisse quelques messages à ses fidèles avant de remonter au ciel avec son père, de revenir ou de rejoindre l'union au père, de le devenir? De devenir en quelque sorte l'égal du père. Ou de partir au loin, c'est selon... On raconte qu'il aurait peut-être eu une autre vie après la phase des prêches, du prophète, une vrai vie, incarné, avec un fils à lui. Mais bon l'histoire demeure flou, ouverte, sujet de polémique maintenant.

Avant bien, il y a eu l'exigence du sacrifice du fils, la mort du fils, la trahison de l'ami, la souffrance, la mise en croix, la confrontation ultime avec le monde, la disparition.

Je ne sais pas, cette histoire à laquelle on ne pense plus guère maintenant résumé dans le chocolat sucré me parle encore. Me questionne encore. M'atteint encore.

Elle parle de cette épreuve de tout homme parti dans le monde faire son idée de fils avec sa naïveté de fils pour rencontrer la dureté du monde qui va le briser pour finalement intégrer le principe paternel d'une masculinité plus domestiquée, plus contrôlée, mieux maîtrisée, plus mature, qui tient compte de la réalité.

Les initiations masculines sont de nature à transmettre le sain esprit à avoir pour affronter le monde. Quand on dépasse toute mesure et qu'on joue les dieux, qu'on prend une position trop ambitieuse, on peut facilement tout perdre et ce, dans la douleur.

Mais où est ce père structurant, équilibré, légitimé dans notre soupe moderne?

Je ne le vois plus guère et son principe structurant, fidèle au réel, à la hiérarchie naturelle qui s'humanise , soucieuse de la vérité, de la vraie force, de la vrai valeur de chacun sans inflation sans prétention s'est perdu un peu. L'homme mature est une espèce en voie de disparition.

Quand je repense à mon histoire, je n'ai pas démissionné, on m'a disqualifié. Je me suis éloigné peu à peu pour ne pas montrer que j'acceptais cette réalité mensongère, contrefaite, soufflé de l'extérieur. De toute façon, le monde moderne pense que les TIC vont faire des hommes. Ce monde artificiel qui croit que la nature est bonne sans initiation dure à la vie, sans structure, sans discipline, sans domestication de la nature en soi, va bien un jour se rendre compte de la nature humaine, de ces besoins réels. On ne forme pas l'homme sans tenir compte de sa nature sauvage, sans travailler avec cette force, sans l'orienter et la nourrir. On peut bien se fasciner de Zombis (on parlait d'un modèle de propagation des zombis conçu à l'Université d'Ottawa il y a deux jours, c'est dire!), de vampires (ces nobles suçant le sang du monde, maîtrisant mal ou à peine leur animalité brute) dans la littérature populaire. Mes jeunes sans père sont étonnamment vraiment agressif et violent entre eux. Ils reconstruisent la hiérarchie primaire.
Un société sans père devient violente. On a voulu défaire l'homme à cause de son côté violent. Mais l'homme sans possibilité d'exprimer sa force dans des milieux d'homme n'acquiert pas la possibilité de la maîtriser. C'est un paradoxe terrible quand on y pense.

En attendant, je hère loin du chaos près de la nature, hésitant à l'affronter. Un petit chien est arrivé de nulle part, comme mon premier chien, ce premier simulacre d'enfant, de fils. Il dandinait peureux non loin de mes pieds ce matin dans cette première marche matinale. Protecteur, j'étais de nouveau, comme un drôle de clin d'œil de la vie. Oui, ici, loin du village un chiot peut craindre.

La vérité de Pâques n'est pas dans le chocolat, mais dans l'espoir peut-être de renaître à soi, transformé. La force intérieure de l'homme l'amène à se retrouver même si il oublie souvent qui il est. La structure de l'espèce inconsciente est ancrée. Et l'équilibre de vie toujours cherche sa voie d'expression.

Bon sain esprit!

vendredi 2 avril 2010

Méthodes d'enseignement à revaloriser: l'enseignement explicite et réciproque pour les élèves en difficulté au primaire

Hier, j'ai lu une étude intéressante publiée en mars 2010. L'équipe de Bissonnette, Richard, Clermont et Bouchard ne lâche pas le morceau: Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire? Résultats d’une méga-analyse

N.B. Pour ceux qui n'ont pas l'habitude de lire des études qui sont parfois très longues, déjà lire le résumé et la conclusion nous donne pas mal d'informations. Ensuite, on peut revenir consulter certaines parties du document pour voir comment on est arrivé à ces conclusions.


En voici le résumé:

Cette recension des écrits a pour objectif d’identifier les stratégies d’enseignement favorisant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire. Pour ce faire, nous avons analysé les résultats provenant de onze méta-analyses publiées à ce sujet au cours des 10 dernières années. Les résultats de cette méga-analyse révèlent que deux modalités pédagogiques montrent une influence élevée sur le rendement des élèves : 1. l’enseignement explicite, 2. l’enseignement réciproque. Paradoxalement, plusieurs réformes éducatives semblent privilégier des approches pédagogiques inspirées du constructivisme qui s’éloignent des stratégies d’enseignement identifiées dans cette synthèse de recherches.
La méga-analyse: technique quantitative de synthèse des résultats de multiples recherches
 
Une méga-analyse est en quelque sorte une synthèse de méta-analyses qui sont, elles-mêmes des synthèses de plusieurs recherches sur l'effet d'interventions. On pratique ce genre de synthèses de résultats aussi dans les sciences médicales pour dépasser la simple revue de littérature qui se contentait de répertorier l'histoire des recherches. Avec des outils statistiques simples, dans ces synthèses d'analyses, on arrive à  faire ressortir des effets d'ampleur d'une manière quantitative (chiffrée, ce qui permet des comparaisons claires) de l'influence de l'intervention ici éducative ou de comparer plusieurs interventions de natures différentes. Sans être sans faille, ces analyses pointent notre attention sur des méthodes qui semblent se démarquer pour leur efficacité. Ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est que ces analyses portent que sur des études avec un cadre expérimental, c'est-à-dire avec des groupes contrôles et expérimentaux qui dépassent donc bien de simples études descriptives. Aussi, de nos jours, on peut suggérer à l'enseignant des stratégies qui ont été validées comme ayant une certaine efficacité pour l'enseignement. Ainsi, la recherche nous dit que d'avoir recours au questionnement fréquent de l'élève en apprentissage  permet d'augmenter l'efficacité de son enseignement.





L'enseignement explicite se démarque toujours des pédagogies de la découverte ou de projets
 
En gros, on note dans cette étude que l'enseignement structuré et directif comme l'enseignement explicite pour les élèves en difficulté d'apprentissage a un effet supérieur sur la réussite des apprentissages. Enfin, couplé à de l'enseignement réciproque, dont on parlait en formation des maîtres encore dans les années 90 (en parle-t-on encore?), ce type d'enseignement favorise aussi grandement la réussite de ces jeunes.«L’enseignement réciproque est une forme de travail en équipe qui diffère grandement des approches pédagogiques de type « apprentissage coopératif actuellement offertes dans le milieu scolaire francophone (Howden et Martin, 1997), par son niveau de structure plus élevé et son recours à la dyade.»


Pistes de compréhension des égarements de la réforme

 
Enfin, j'ai trouvé dans la conclusion de ce rapport de recherche cette explication peut-être éclairante et à méditer sur les égarements de la pédagogie de projets. Elle est tirée d'une étude exploratoire de Morin, Grenon Ratté (2002), de l’Université de Sherbrooke:

Les enseignants semblent accorder très peu d’importance aux savoirs, savoir-faire et stratégies d’apprentissage comparativement à celle qu’ils accordent au fonctionnement même du projet. Cette tendance, le fait de considérer le projet comme une fin en soi, correspond à ce que Bordallo et Ginest (1993) appellent dérive productiviste. Quant à la tendance à déterminer le thème, la démarche de réalisation et les principaux aspects du projet, ces auteurs la dénomment dérive techniciste. Dans ces conditions, on peut se demander si le contexte de projet est aussi prometteur en ce qui a trait au développement de compétences transversales que le soutient le discours véhiculé dans les milieux d’enseignement (pp. 15-16). (Les gras sont du Goéland!)

On le voit, le danger de cette pédagogie est de se concentrer sur le but du projet et l'organisation du projet, alors que la formation de base doit donner des moyens, des connaissances qui, elles-mêmes, exigent selon les tenants de l'enseignement explicite une forte structuration dans la progression des acquisitions. Il m'apparaît clair en tout cas que le fait de mener un projet réaliste qui comporte des aspects parfois peu pertinents pour les apprentissages de type scolaire fait perdre du temps et mobilise beaucoup l'énergie de l'enseignant dans des banalités peu rentables pour l'apprentissage et donc réduit l'efficacité de l'enseignement. Enfin, je me demande si finalement dans une pédagogie de projets, l'enseignant-animateur finit par faire à la place de l'enfant certaines tâches ou si certaines connaissances que tous devraient apprendre à faire pour réaliser le projet ne sont apprises que par une groupe restreint de jeunes dans le cadre de l'apprentissage coopératif.


Enfin, dans ce monde polarisé, les dérives ne sont pas vu au même endroit:

Dans un ouvrage consacré à la pédagogie par projets, Michel Huber (2005) souligne que: « montrer aux élèves comment faire » constitue une « dérive à éviter » dans ce type de pédagogie (p. 53). Ainsi, la pédagogie constructiviste s’éloigne considérablement de l’enseignement explicite.

Comme le souligne les chercheurs, même si nous sommes sous la vague du constructivisme, la recherche sur l'efficacité des interventions pédagogiques pointe avec constance depuis un demi-siècle dans une toute autre direction. Il serait peut-être temps de revenir à une attitude plus objective.

De l'espoir?

Je notais hier, dans une discussion justement sur la division dans le monde de l'éducation sur ces questions pédagogiques chez Mario tout de go,  une certaine ouverture à considérer l'enseignement explicite chez des partisans convaincus de la réforme. Mais bon, j'ai été étonné aussi de voir que certains, et pas des moindres, ne connaissaient pas cette approche. On se demande comment effectivement on peut être un conseiller en éducation, défendeur d'une approche pédagogique et ne pas connaître les autres courants pédagogiques qui nous font face dans une polémique nourrie depuis 10 ans.

Enfin, on peut en apprendre pas mal sur l'enseignement explicite dans le chapitre 2 du livre Comment enseigne-t-on dans les écoles efficaces? Efficacité des écoles et des réformes de Bissonnette, Richard et Gauthier (2006), P.U.L. qu'on trouve dans de bonnes librairies. On y décrit aussi tout le design curriculaire et pédagogique du Direct instruction qui s'attache à fignoler la progression des apprentissages et à clarifier ce qui s'enseigne et se mesure dans un programme dans un souci de validation dans les milieux qui peut mener à 3-4 versions d'un programme et du design avant de prendre une forme finale. Le programme de la Finlande si vanté par les réformistes a demandé 4 réécritures avant de donner satisfaction. L'idée est bien de trouver la formule gagnante qui convient. On se demande pourquoi on ne s'inspire pas au Québec du gros bon sens de ces gens.

jeudi 1 avril 2010

Coming out!

Je m'appelle Jonathan Lapierre et je suis vivant. D'où Jonathan Livingston.

Et c'est bien sûr un premier avril, fait que...