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mardi 20 avril 2010

Bulletin unique: il était temps! Dans une monde de «Bullshitteux»

On en parle depuis des semaines, mais bon j'étais assez content de voir la ministre venir à Radio-Canada expliquer ce bulletin unique.

N'en déplaise à Monsieur Paquet, président de la Fédération des comités de parents, si les derniers bulletins n'étaient pas problématiques encore, je dois faire l'effort de nier tout ce que j'ai vu dans les deux dernières années. Par exemple, j'ai vu une équipe école traficoter la logique d'une échelle de conversion de notes à faire crier n'importe quel  esprit rigoureux l'an dernier juste pour ne pas pénaliser les élèves par rapport aux établissements environnants dans la sélection des cégeps... (C: 60   C+:68   B:80 B+: 86  ...) Du grand n'importe quoi. Les modâmes réformes étaient contentes et comme d'habitude les autres se fermaient la gueule parce que s'opposer à la niaiserie depuis des années étaient devenus un sport périlleux susceptible de froisser les relations de travail. Ce ne devait pas être le seul endroit où on a fait des ajustements pour aménager les parents qui crient que leurs jolies petits chouchous  sont traités injustement.

Hier, on a aussi vu bramer ce Patrice Potvin, prof de la pédagogo des sciences, idéalistes, férocement réforme,  et qui a pondu une plaquette-essai que j'ai eu la chance de parcourir: l'enseignement radical où finalement il faudrait pour être un bon prof n'avoir aucune limite et tout faire pour aider le dernier des élèves en difficulté qu'on place dans notre classe. Pas de notions de survies en grand groupe, ce type. Évidemment, c'est facile à dire quand on n'enseigne pas au secteur jeune ou qu'on est jeune sans enfant et férocement ambitieux. A la télé, on le voyait nous donner du «20 ans en arrière». Pour un prof de sciences, pas fort dans les calculs!

«Il ne s'agit même pas d'un sabotage programmé; c'est un sabotage maladroit et le résultat sera ni plus ni moins une perte de sens et une confusion chez les enseignants». Oui, avec les programmes encore sur la table, avec cette potion d'utopies qui manquent de distillation intelligente, on peut être un peu confus, j'en conviens. Mais bon, on l'était toujours, car le défaut de ces programmes étaient de nier à plein de points de vue la prise en compte dans nos évaluations des connaissances fondamentales à l'émergence des compétences disciplinaires. Avant-hier encore, je jasais avec une collègue qui me disait que les directives concernant les maths étaient de ne pas pénaliser les enfants qui ne maîtrisaient pas leurs tables dans un raisonnement mathématiques. Désolé, mais pour en avoir vu de l'élève en difficulté ou plus ou moins fort en maths et pour savoir le gain de savoir calculer mentalement rapidement pour devenir efficace et même en résolutions de problèmes, sous-estimer cette habileté indispensable à l'émergence d'une assurance en calcul, c'est ne rien y comprendre. Remettre les connaissances en avant, c'est s'assurer que ces connaissances seront suffisamment enseignées, pratiquées, acquises pour permettre leur utilisation efficace dans les apprentissages subséquents. On ne peut pas saboter éternellement la rigueur pour la réussite de tous, car on obtient au lieu la déconfiture du plus grand nombre.

Je suggère aux profs qui n'ont jamais développé un regard rigoureux de l'évaluation de faire activer leur réseau et de parler avec un vieux prof à la retraite. Avec cette politique, on remet entre les mains des équipes de profs le moyen  de discuter de pondération, de partager des évaluations de connaissance et de les intégrer dans le cheminement d'évaluation comme cela se faisait avant. On met ainsi en place le moyen de créer un peu plus d'objectivité. Quand chacun dans son coin juge en fonction de traces et d'impressions professionnelles fondées sur des observations en direct, il n'y a plus de possibles objectivations, ni la possibilité de valider ce jugement. Des équipes de profs pourront retrouver le pouvoir de se tenir face à des directions qui profitaient de l'impossibilité de fonder nos évaluations dans des instruments communs et une pondération d'équipe.

Et on aura une lecture plus claire la plupart du temps des connaissances des jeunes et une caution pour les évaluer. Ces dernières années dans certaines écoles, on avait du mal à faire de l'évaluation de connaissances. Pas assez réforme! Même les jeunes ne bougeaient plus trop sauf en situation de SAE ou SE qui comptaient. Là, on va remettre le principe des lectures multiples qui traduisent la constance dans les efforts et la régularité de l'élève dans ses acquisitions. Quand on étaient rendu à dire aux profs  de vérifier une fois la performance de la compétence pour traduire le fonctionnement de l'élève, on était tout près de lui dire de fermer les yeux et de s'imaginer que l'élève est bon.

S'il y a une chose que cette réforme a démolie, c'est l'esprit de rigueur dans l'évaluation et donc dans l'enseignement. La nouvelle politique d'évaluation permet de cheminer vers un retour au bon sens. Intérioriser des connaissances pour pouvoir les mobiliser avec rigueur en situation de pratiques ou de résolutions de problème est un apport important de l'école à la formation de base de l'élève. L'habitude de la rigueur est à faire développer tôt chez l'enfant. Et loin de lui nuire, cette exigence l'aidera à se structurer d'une manière plus consistance et moins «bullshiteuse» comme le modèle actuel le permet. Quand on prend les vraies mesures et qu'on te confronte à ta réalité, difficile de «bullshiter».

Et puis, arrêtant de naviguer dans les abstractions pures pour se fixer davantage des objectifs d'évaluations précis, il y a une maudite gang de tout aussi «bullshitteux», adultes ceux-là qui ne pourront plus faire et dire n'importe quoi dans un jargon imbuvable.  (Ajout: Parlant de bullshitage, Martineau a fait une belle peinture de Voisins sophistiqués  à discours creux ici. Maudit grand ménage de printemps à faire là-dedans.)

Il y a de quoi, pour une fois, retrouver un certain optimisme!

3 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

M. Paquet était imbuvable. Et ce fameux argument du progrès et des dangers d'un retour en arrière (joli pléonasme en passant: avez-vous déjà vous un retour en avant?) est d'une pauvreté intellectuelle...

Dans les années 60, on rêvait de progrès et de voitures avec des piles atomiques...

Anonyme a dit…

Enfin, il était plus que temps. Quel soulagement de voir la Ministre parler des connaissances. L'an passé, ma direction m'a convoqué pour me signifier que j'étais trop centré sur les connaissances grammaticales!

-"Voyez-vous, M. le prof, on le sait bien que vos élèves sont excessivement faibles en français (plusieurs sont entrés au secondaire avec des échecs), mais s'il faut en plus que vous fassiez de la grammaire, vous allez les confronter à leur ignorance et ils vont être démotivés encore plus! Pire, les parents vont chialer comme c'est pas possible... Non, non, non! Pas de conjugaison, pas de participes passés, des dictées, etc... JAMAIS! C'est bien trop compliqué tout ça! De toute façon, vous n'êtes pas réforme...(Comprenez-vous, M. le prof, nous, les directions, on n'aime pas ça les connaissances parce que, avec l'évaluation des connaissances, on ne peut pas contester votre jugement de prof: t'as la bonne réponse ou tu l'as pas! Tandis qu'avec les belles grosses SAE, on peut vous faire changer la note (à la hausse) parce qu'on peut vous dire à quel point vous avez été bien trop sévère et exigeant pour vos Ti-Pit! Voyez-vous, on fait déjà dur dans le palmarès des écoles... Avec vos connaissances, on va ben être les derniers et je vais me faire taper sur la tête par mes Boss d'en haut. Faut trouver un moyen de se rehausser, n'est-ce pas?! Faites donc des projets: ça va amuser les enfants, notre école aura de beaux résultats, vous ferez votre temps sans m'avoir constamment sur le dos, mes Boss vont êtes contents, pis moi aussi. Comprendo?"

-Oui, mais les jeunes là-dedans? Leur avenir?

-"Ça, c'est pas mon problème, je prends ma retraite dans 5 ans!"

Jonathan Livingston a dit…

Intéressant, non? Merci Anonyme pour ce témoignage qui en dit long sur cette réforme...

Je veux bien que stratégiquement on coupe un peu dans la finesse grammaticale pour des élèves en difficulté pour viser de la structuration plus solide des textes ou se centrer sur l'essentiel. Au régulier, nier l'importance de travailler la grammaire comme discipline formatrice et utile n'a pas sa place. Le cours de français est devenu un fourre-tout qui a oublié qu'on a besoin spécialement dans cette langue aux complexités surprenantes d'y mettre le temps.

Enfin, quand les bases n'ont pas été assez investies au primaire faute d'y mettre le temps comment faire autre chose que des jeunes en difficulté. Mais même l'enseignement de la structure de texte, on ne peut l'enseigner trop parce que le programme rogne sur l'enseignement par modèle de discours.

Pourtant, textes courts, aller-retours constants aux règles de base qui corrigent 80 % des fautes de grammaire, même ça on ne le fait pas. Comment veux-tu complexifier un enseignement au secondaire avec des bases aussi lacunaires?

Quand on dévalorise tout apprentissage visant la rétention à long terme de connaissances utiles avec un discours dévalorisant, on ne s'étonne pas que nos jeunes n'aient pas maintenant de connaissances précises de leur langue. Pourtant, les jeunes sont des éponges faciles à enthousiasmer à ces âges. Et après, c'est trop tard, l'effort est trop grand, le jeu de retenir impossible si le muscle ne s'est pas formé. Y a même pas l'once d'une excuse pour un tel gâchis.

Pour moi, les spécialistes de l'apprentissage (les gogologues) sont des faussaires qui ne connaissent rien à l'apprentissage chez les enfants. Mais rien. Ce qu'ils enseignent, ce n'est pas une connaissance fine des outils d'acquisition et de la capacité d'apprentissage des humains, mais la théorie invalide d'une manière de faire apprendre qui ne fonctionne pas et qui fait exactement le contraire.

J'ai ma conjointe et une collègue qui étudient dans des cours d'éducation et c'est toujours le même absurde mode de fonctionnement qu'on y reproduit. On doit à partir de considérations théoriques et de la conception fausse de la réalité des jeunes par d'autres théoriciens pour concevoir et justifier une intervention pédagogique dans une expérience intellectuelle pure qu'on va aller administrer à de pauvres enfants qui en ont vu d'autres!

Or, première condition pour moi essentiel de l'enseignement, c'est l'interaction qui permet justement à l'enseignant d'ajuster son intervention. Quand on a éliminé les concours, les compétitions, les occasions de se valoriser pour les enfants, on a refusé de travailler avec la force de croissance qu'on peut facilement orienter pour une utopie de la collaboration qui pourtant a besoin de l'émergence préalable de l'égoïsme sain. Nier l'animal en nous ne le fait pas du tout domestiquer. Je dirais que ça l'exacerbe par besoin de compensation.

L'inefficacité de la pédagogie de projet pour faire acquérir quoi que ce soit de base est de l'ordre de l'évidence. Tout au plus, le projet permet une fois les acquisitions assez solides de travailler leur coordination dans une application pratique. C'est une activité synthèse, pas d'apprentissage, gang de nioufs!

Les équipes compétentes sont d'abord un regroupement d'individus compétents qui ont appris bien tard à travailler ensemble.