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mercredi 12 mai 2010

L'illusion du virtuel

(Une petite réflexion faite à la suite du visionnement d'un documentaire sur la génération numérique le mois dernier que j'avais mis de côté.)

Admettons qu'on mette nos enfants devant des ordis toute la journée à l'école et qu'ils continuent de le faire en soirée.

Pendant des années! N'a-t-on pas documenté des problématiques de santé oculaire? Le corps n’a-t-il pas besoin de bouger, de danser, de jouer aussi. Pense-t-on aux conséquences de tels choix de société?

L'écriture en action mobilise très probablement. Évidemment, on n'écrit plus des lettres manuscrites. En même temps, je n'écrivais pas de lettres quand j'étais jeune à l'école, mais je m'exerçais à faire de bonnes phrases en apprenant à respecter la grammaire française et puis, on bricolait quelques textes de temps en temps. Des exercices d'écriture. Pas des lettres... rien de fonctionnel ou à peine. Cette approche du prêt à servir tout de suite est une idée nouvelle discutable indiscutable. Et pourtant... j'apprenais... Le sens ne venait pas de ce que je produisais, mais du regard de ma mère qui valorisait ces apprentissages simplement. La valeur de bien écrire en soi. On ne me faisait pas croire que j'étais déjà un scripteur, un écrivain. J'avais des croutes à manger. Je découvrais les romans, les journaux, l'écrit qu'utilisent les adultes, ce monde si complexe auquel j'aspirais.

Où est ce lieu de préparation, de patientes préparations? Faire de soi une fiche Facebook à partager avec des amis est une mode qu'un groupe a réussi à rendre populaire. Est-ce franchement ça l'humanité de demain? Je sais pour le vivre de plus en plus que cette relation avec le virtuel fait négliger la réalité des relations humaines. Permet aussi parfois d'éviter la vie et ses rigueurs. Je crois que pour le moment devant ces nouveaux supports de l'expression personnelle, nous sommes tous des novices, des humains qui expérimentons et nous nous adaptons à ces changements. Personne n'est en mesure encore de juger de la portée et de la valeur de ces outils. On prétend connaître l'avenir. Vraiment?

Je veux bien que le marketing, la vente, le c.v. ou le portfolio, le Facebook qui vend la personnalité soient des réalités qui font vivre bien des gens qui nécessitent le développement de compétences. Pourquoi faudrait-il que moi, simple enseignant d'habiletés de base en écriture, je supervise des activités dont la portée me dépasse, voire questionne mes propres valeurs?

Je n'ai pas de page Facebook, mon médium virtuel est autre et pis quoi? Ai-je à vendre une vision de l'existence ou simplement outiller un jeune à exprimer par écrit sa pensée ou communiquer des informations de manières claires en respectant le code linguistique pour qu'il en fasse ce qui lui plait ou l'utilise dans sa vie?

Depuis longtemps l'approche fonctionnelle domine la matière que j'enseigne et n'offre pas de résultats vraiment probants. Les nouvelles technologies offrent toujours plus de la même chose avec une illusoire assistance qui n'a pas été démontrée.

A valoriser le faire pour le faire, peut-on vraiment travailler le bien faire, la patience de bien faire? Nous ne sommes pas dans le même cadre de valorisation.

Moi-même, je suis aspiré par ce désir dévorant de tout faire bien tout de suite. Cet élan dévorant me questionne.

Je me demande si certaines valeurs du passé que la sagesse des âges a reconnu n'ont pas à retrouver leur place raisonnable dans nos agitations modernes.

Je résiste oui, certainement, devant le fait que je ne suis pas ce surhomme, qui sait tout et maîtrise tout et qui peut s'adapter à tout, qu'exige ce monde frénétique et je me questionne plus simplement sur le besoin simplement humain d'être aussi en équilibre. Je me demande si nous ne sommes pas inconscients un peu de lancer nos jeunes sans savoir dans ces servitudes nouvelles sans en avoir pleinement reconnu les conséquences pour l'humain.

Je me suis perdu plus d'une fois dans l'homme numérisé. Pour vous, tout est si clair?

Dans la vie, on peut se briser sur les obstacles ou apprendre à faire attention à la réalité et à certaines de nos limites. L'illusion virtuelle nous donne l'impression d'être des dieux, mais ce n'est qu'une illusion. Apprécier, accepter la résistance en soi, c'est souvent apprendre à se respecter.

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