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lundi 19 juillet 2010

Sur la route de Chlifa 1 (Impressions de voyage dans la fiction d'Hermann Hesse)

L'été s'étire et il est bon d'y retrouver une certaine oisiveté à la faveur d'une certaine tranquillité d'esprit qui cette année, en tout cas, me permet d'en profiter pleinement. Il y a de bons côtés à une certaine stabilité et au fait que la route parfois soit bien dessinée devant soi. Je n'ai pas à courir après le boulot cette année. Il est là, devant, dans un gros mois bien gras.

Dans ces conditions, je retrouve un calme propice à la lecture. J'avais emmené avec moi les 4-5 bouquins jeunesses que je comptais lire pour prendre un peu d'avance sur mon année à venir, mais je suis d'abord par un drôle de hasard tombé sur des exemplaires d'Hermann Hesse dont j'ai été un assidu lecteur dans ma vingtaine qui trainait là où je me suis fixé pour cet été. Je m'en confesse, j'aime beaucoup d'auteurs non francophones qui me parlent souvent bien plus que les auteurs de la tradition francophone. Hermann Hesse et ses romans initiatiques et ses peintures des drames de personnages complexes qui cherchent à surmonter les contradictions de leur existence, à oser le courage de changer m'a vraiment plu, voire fasciné. Je me suis souvent reconnu dans ces personnages complexes tout en tension interne face au monde des hommes. On connait bien Siddhartha en général, un livre toujours culte chez les jeunes voyageurs aux allures de groupies. C'est d'ailleurs dans un contexte de ce genre que j'ai rencontré l'auteur lors d'un premier voyage dans l'Ouest canadien, il y a maintenant 21 ans de cela!

Mais bon Demian, Le loup des steppes, Narcisse et Goldmund, ainsi que de nombreux autres recueils de nouvelles proposent une vaste panoplie de personnages au prise avec des destins problématiques et avec leurs marginalités troublantes. C'est l'exemplaire de mon Demian souligné un peu partout qui dormait en France depuis deux ans sans que je le sache qui m'a attiré. Je l'ai grappillé les premières journées comme on retrouve un bon vieux copain pour bavarder avec son passé pendant des heures avec grand plaisir.

Comme l'écrit Marcel Schneider dans la préface, «Hesse ne traite que d'un seul sujet: l'homme à la poursuite de lui-même». Dans Demian, il écrit: «La vraie mission de tout homme est celle-ci: parvenir à lui-même». Évidemment, cela ne va pas sans heurts. On y suit donc la jeunesse d'Émile Saint-Clair qui sera marqué par la rencontre de Demian, un original jeune homme, qui sera le point de départ de rencontres avec toute une bande d'originaux tous au prise avec leurs quêtes particulières, leurs philosophies, leurs tentatives spirituelles pour entrer en soi et comprendre le sens de leur existence en ce monde.

Disons que cette voie d'aborder l'existence conçue dans un dialogue entre l'intériorité de l'être et le monde m'a toujours semblé bien davantage correspondre à ce que je vivais et expérimentais que la conception plus moderne que je croise de nos jours qui consiste à se découvrir, se construire par les échos de l'autre, plusieurs fois par jour, dans les réseaux sociaux constructifs où la quête d'amis et de la popularité gouverne les actions plus que l'attention à ce qui se meut en soi. Évidemment, ces autres voies de développement de soi, tournés vers une attention à l'être intime, sont bien davantage complexes et difficiles à communiquer au commun des mortels. Voilà bien un fondement de toute ma réticence à m'accorder avec ce mouvement collectif dans lequel je suis aussi immergé. Je suis un bien mauvais maître pour la conformité (il est assez curieux, voire amusant, de ne pas sentir les conformismes aux mêmes endroits que d'autres!) ambiante du modèle Facebook et Twitter en vogue. Mes amitiés véritables sont rares et le plus souvent très partielles, ce qui ne m'empêche pas
de bien vivre très souvent au milieu des gens qui ne sont pas fascinés par les mêmes choses que moi. J'aurais l'impression de me travestir si je devais compter des purs inconnus comme des «amis». Je trouve qu'on travestit la valeur même de ce qu'est l'amitié dans l'univers Facebook qui lentement transforme nos mentalités poussés à l'uniformité universelle (Vous avez lu le dernier Bruno Blanchet sur Cyberpresse?!!!, extrait en bas de page).  Enfin, à entretenir un tel réseau de relations, je me demande bien ce qui reste pour nourrir une attention à soi et à cette digestion nécessairement très lente des expériences de la vie que l'on doit cultiver pour bien la savourer et écouter en soi les intuitions à suivre pour rencontrer le sens.

J'ai souvent du mal à communiquer mes vraies passions qui d'ailleurs changent, arrivent sans crier gare, durent, atteignent leur zénith, déclinent et parfois meurent pour laisser place à d'autres fascinations qui se développent au gré des circonstances de la vie au travers le processus de vie qui est le mien. Ses passion n'intéressent bien souvent que de petites franges de population, je le sais, je l'accepte et n'en fait pas un plat. Bref, je ne mesure pas l'intérêt des choses à leur popularité, mais bien à l'intérêt «véritable» qu'elle suscite en moi. Mais bon, j'ai fréquenté des réseaux sociaux il y a quelques années et par le plus étrange des hasards, j'y ai croisé nombre d'originaux qui tentaient aussi d'être souvent comme tout le monde! Pour survivre avec nos originalités au milieu des autres et même trouver la chance de croiser des gens significatifs, il faut souvent savoir  ou apprendre à aussi moduler adroitement ses versants d'étrangeté pour ne pas susciter la peur de l'inconnu.

Je voulais parler de ce roman jeunesse de Michèle Marineau qui en fait est dans une tonal ité assez cohérente avec ce qui précède! Le personnage de Maha, justement indépendante, très à l'écoute de soi, sans se soucier de ce que les autres en pense, est sûrement responsable de ce long détour. J'y reviendrai...Et puis, il y avait les Dune que j'ai recroisés, sur lesquels je reviendrai sûrement.


Extrait de Drôle d'état, Bruno Blanchet (16-07-2010):

Mais il m'a aussi confié que la vie ordinaire, telle qu'il l'a vécue en Casamance, est aujourd'hui menacée; et que, d'ici quelques années, ce sera la fin de la société traditionnelle... Un constat grave, qu'il accepte avec résignation.

La grande mutation est amorcée, Bruno. Il est trop tard. Bientôt, le monde entier sera contaminé.

- Et qui sont les responsables de cette «grande mutation»?
- L'internet et la télévision, parbleu!»

Selon Abdullah, en Casamance, déjà, les gens ne lisent plus. Les familles ne se parlent plus. On passe son temps devant l'ordinateur avec des amis imaginaires. Au souper, on allume la télé au lieu de discuter. 

Comme quoi, je ne suis pas le seul à m'inquiéter de la perte que nous fait vivre aussi le grand progrès des dernières années.

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