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mardi 14 septembre 2010

Agir Autrement: jovialisme et deux de pique.

On a parlé récemment du programme Agir Autrement qui aurait été évalué dernièrement: «Le bilan peut paraître dévastateur et désespérant. Malgré les 300 millions $ investis depuis 2002 pour soutenir les enfants des milieux défavorisés, ces derniers accumulent encore les mauvaises notes et décrochent. Au risque de paraître «jovialiste», cet échec du milieu scolaire peut se transformer en succès pour l'avenir s'il sait en tirer des leçons.»

Je ne partage pas le jovialisme de Madame Breton du Soleil simplement parce que j'ai un petit peu, juste un petit peu de mémoire. 


Depuis 2000, on a économisé 500 millions par année avec le non-redoublement, on a démantelé les classes spéciales et recyclé les gens d'adaptation scolaire en profs réguliers. On a poussé une politique d'intégration en classe normale. Combien ce dégraissage emballé dans de belles idées a-t-il permis de sauver d'argent à notre cher ministère? 300 millions pour Agir Autrement voulait simplement dire qu'on allait combattre le décrochage avec moins d'argent et moins de moyens avec en plus une once de déni jusqu'à la révolte du peuple... Et puis pour noyer le poisson, on nous a bassiné du: « Agissez autrement, faites des projets, ils vont mieux apprendre et moins décrocher.»

Voilà peut-être pourquoi on voit des anthropologues rêver de papythérapies gratuites pour nos ados désorientés!


On est pas sortis de l'auberge!



samedi 11 septembre 2010

L'éradication de la prétention transversale du Régime pédagogique

«Un décret publié hier par le gouvernement Charest a consacré en douce leur éradication complète du vocabulaire de l'éducation », annonçait jeudi la une de La Presse.

Par exemple, dans l'article 15 du Régime pédagogique, on expliquait ainsi ce qu'est un cycle: une période d'apprentissage pour acquérir «un ensemble de compétences disciplinaires et transversales». Dorénavant, cette période servira plutôt à l'acquisition de «connaissances et compétences disciplinaires».

Ma première réaction a été de penser que comme d'habitude nos dirigeants sont prodigues à changer de vocabulaire et les journalistes, prompts à frapper notre imaginaire avec style («éradication», «consacré»).  Mais bon, j'y vois un changement de philosophie. La notion de compétences transversales recouvrait l'idée d'habiletés générales liées aux finalités de l'éducation. On prétendait pouvoir mettre les jeunes élèves, dès leur plus jeune âge, en apprentissage de ces grandes habiletés qu'on a tenté de définir de façon opérationnelle: exploiter l'information, résoudre des problèmes, exercer son jugement critique, mettre en œuvre sa pensée créatrice, se donner des méthodes de travail efficaces, exploiter les technologies de l'information et de la communication (TIC), actualiser son potentiel, communiquer de façon appropriée.

Bien que l'objectif semblait louable, au plan pratique, il s'est avéré difficile de mettre en œuvre un enseignement qui permettait de travailler substantiellement ses grandes finalités dans le cadre de nos cours disciplinaires. Au moment d'évaluer ces progrès chez nos élèves dans l'acquisition de ces dernières, on pataugeait franchement. D'ailleurs, les caucus de profs à ce sujet, dont j'ai été témoin, avait l'air assez peu sérieux, à des millénaires d'une quelconque rigueur.

Cela sautait aux yeux pourtant que nombre de ces grands objectifs de formation avaient un caractère inapproprié dans la progression des apprentissages des jeunes en train de lentement apprivoiser les fonctionnements intellectuels de base qui permettraient éventuellement l'accès à ces grandes transversalités. Combien de ces compétences s'apparentent quelque part à des réalités de l'ordre du talent ou de certaines prédispositions. Certains jeunes montrent des talents dans l'ordre de ces compétences générales sans en avoir jamais reçu un enseignement orienté en ce sens. En même temps pour les autres, la maturation des apprentissages est nécessaire pour leur permettre de gérer cognitivement et «métacognitivement» une amélioration de leur compétence par l'examen de stratégies appropriées et de méthodologies permettant l'expression de ces compétences.

Il m'a toujours paru que ce projet grandiose, cadré dès le primaire dans les préoccupations des enseignants et des apprenants, mettait la charrue devant les boeufs.On sait que finalement ces stratégies transversales étaient la plupart du temps gérées par l'enseignant lui-même qui tenait à bout de bras l'organisation de ces fameux projets permettant de développer les dites compétences transversales. Ses finalités ne vont certes pas disparaître de l'esprit des éducateurs, mais la pédagogie de projet risque de devenir moins systématique nous permettant de nous tourner vers des pratiques connues depuis longtemps pour leur valeur éducative dans la transmission des bases du savoir général.

Remettre le focus sur les connaissances et les compétences disciplinaires, en ce sens, recadre un petit peu notre travail vers les essentiels qui requièrent un temps d'apprentissage assez consistant. On ne va pas cesser d'enseigner des trucs en résolution de problème, de faire faire des recherches sur Internet en conseillant nos jeunes sur de bonnes façons de s'y prendre ou de leur demander de réagir aux textes qu'ils lisent, mais on remet dans notre ligne de mire les connaissances qui permettent aussi de devenir compétent car, pour résoudre un problème en math ou bien communiquer, il faut aussi connaître solidement les connaissances mathématiques à mobiliser et les règles de grammaire.

Malheureusement pour les utopistes, l'acquisition consistante de telles connaissances en amont des grandes finalités de l'éducation  requiert chez la plupart des jeunes un exercice régulier pendant des années. Ce n'est pas en essayant de gommer cette réalité qu'on a bien avancé dans le défi de l'éducation ces dernières années.

En terminant, le recadrage de cette réforme aux effets assez indésirables ne devra pas s'arrêter là. L'abolition des compétences transversales, ces abstractions quelque peu gênantes, de nos préoccupations premières n'évacuent pas la problématique des compétences disciplinaires. Car, il ne faudrait pas oublier que l'esprit de la réforme par sa propension tentaculaire à formater les esprits s'est aussi insinué à l'étage plus bas. Dans les programmes de certaines matières, il y aurait du ménage à faire. Pour le moment, le mot connaissance y a encore une place bien trop accessoire à mon sens. On y décèle aisément aussi une conception toujours prétentieuse et irréaliste de la progression des apprentissages. Souhaitons donc qu'on n'en restera pas là.


jeudi 9 septembre 2010

C'est parti!

Je suis de retour dans mon petit village à l'autre bout du monde. La vie reprend son cours balisée par le rythme de l'école.

Dès la descente de l'avion, le directeur m'attendait et le travail reprenait! J'étais en retard! Avec le changement de boulot décidé après le choix des dates pour aller en Europe, je me suis retrouvé dans cette situation d'arriver au milieu de la première journée de travail.

Bon, le directeur avait la délicate tâche de me dire qu'on n'aurait pas le beau grand logement qu'on nous avait initialement attribué. Je m'y attendais! Bref, début d'année en contexte d'emménagement. J'en sors. On est assez bien.

C'était bien de retrouver un village où l'on connait beaucoup de monde. En une année, dans un petit village, on finit par connaître les gens. Ici, on ne salue pas beaucoup les gens, mais les gens se parlent finalement plus que dans une grande ville. Il y avait aussi les collègues de l'an passé dont certains  sont devenus des amis qu'il a été bien de retrouver. Bref, ça donne l'impression d'appartenir à quelque chose comme une communauté, ce qui est assez rare de nos jours dans le monde occidental.

Côté tâche, c'est plutôt confortable. L'ambiance, dans l'école, est bonne. J'ai les trois niveaux au dernier cycle du secondaire en français, mais bon les élèves ne sont pas vraiment de niveau et leur lenteur au travail fait que ce que je préparerais pour un cours ailleurs en fait 2 à 3 ici. En 4, j'ai un bon lot de promus par compassion! Enfin, j'ai une vingtaine d'élèves en tout, assez tranquilles.

Bref, ici les attentes de performances ne sont pas très élevées. Il y a des candidats «diplômables» et les autres. J'ai le champ libre pour les expériences pédagogiques. Ici, c'est le défi qu'il faut mener sans se faire trop d'illusions. Les élèves sont à l'école parce qu'ils le veulent, parce que, dans ce monde autochtone, la notion d'école obligatoire est assez disons relative. Je n'ai pas de collègues pour m'obstiner en plus, je fais pas mal ce que je veux.


Alors en ce début d'année, je m'amuse avec une idée, celle du 5-15 minutes de grammaire en début de cours. Une ou deux phrases. On part de la base, notions par notions, avec une lente progression. Je suis dans les nature de mots et les fonctions les plus simples. Je fais observer les groupes dét-nom (adj) remplaçable par un pronom, les prép. qui annoncent des compléments, les pronoms toujours sujet, les pronoms complément entre le S et le V,  l'ordre normal S-V-C, l'adverbe autour d'un verbe comme son adj., etc. Je fais observer les régularités quoi.  J'ai beaucoup de mal à penser qu'on peut faire de la grammaire avancée quand des jeunes ont un mal fou à distinguer des noms, des adj. et des verbes dans une phrase. Et oui, c'est nécessaire dans mes trois groupes. Et je ne vois pas du tout ce qu'un exposé rapide et exhaustif pourrait donner, sinon une grosse perte de temps. Je fais doucement, pas à pas.

Je fais le pari qu'une activité simple répétée quotidiennement finit par se faire un sillon dans le coco. Et, ça semble être le cas. Ils commencent à mâcher de la nature de mot. Et dans l'écrit, quand je souligne une faute avec l'élève en parlant d'un accord oublié, il saisit le sens de ce que je dis puisqu'il commence à reconnaître les sortes de mots et leurs relations. Personnellement, je crois qu'on s'est tiré une balle dans le pied en oubliant ce genre d'activité d'analyse grammaticale systématique que j'ai pas mal vécu durant mon primaire et mon secondaire, il y a longtemps! Ces routines fondaient la connaissance de la langue.

Par ailleurs, on lit des textes et je fais extraire les idées principales de chaque paragraphe. Cognitivement, c'est un acte souvent difficile. A l'écrit, j'essaie, pour le moment, de leur donner une structure de paragraphes et de donner des stratégies pour écrire un peu plus rapidement, car ils ont la manie de polir une phrase pendant 10 minutes avant de passer à la suivante, ce qui rend la tâche interminable. Je suis très modelant quoi.

Hier, on a mangé des moules, qu'on avait passé la soirée précédente à nettoyer. La Basse-Côte a des bons côtés! Et puis, on est allé faire badminton comme à tous les mercredis soir avec un couple d'amis.