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jeudi 21 avril 2011

L'évaluation des profs

J'ai été souvent en situation de précarité ces dernières années et soumis à plusieurs évaluations dans mon parcours de combattant. 


Que puis-je en tirer comme observation? Bien, personne ne voit l'enseignement de la même manière pour la simple et bonne raison que les personnalités enseignantes varient et la manière de gérer les classes et d'initier la relation avec les élèves en est fortement teintée. Bref, une évaluation est souvent une rencontre entre deux points de vue sur l'enseignement et, évidemment, l'évaluateur a toujours un peu plus raison parce qu'il fait le rapport et est en position d'autorité. Il y a aussi un côté amusant à se faire faire la leçon par un collègue devenu adjoint ou directeur qui n'a jamais enseigné notre matière et en connait peu les rouages particuliers.


Il y a toujours une phase d'observation en classe. qui s'avère toujours très délicate du point de vue de l'observé. Pourquoi? Bien simplement parce que cette observation est ponctuelle et non pas réalisée sur deux semaines, ce qui offrirait nettement un meilleur point de vue d'ensemble sur la capacité de l'enseignant de gérer au jour le jour sa fonction. Bref, le tout tourne immanquablement en représentation de théâtre où l'observé se prépare davantage à bien paraître. Dans ma vie d'enseignant de français, cette situation embêtante implique que je me force à  faire un magistral, alors que j'y recours le moins possible puisque j'ai constaté que l'élève profite davantage des périodes de travail individuel que de ma prose professorale. J'essaie autant que possible de mettre mes élèves à la tâche le plus souvent possible. Et dans ces situations, du point de vue de l'observateur, il y a peu à voir. Les interventions individualisées, fréquentes en ces occasions, la plupart du temps, sont discrètes et inaudibles pour un observateur. Évidemment, la gestion de classe est plus facile quand les jeunes sont occupés.


Après l'observation, suit un moment incontournable, le retour sur l'observation. Là, j'ai réappris constamment que je n'étais pas conscient de tout ce qui se passait dans ma classe. Ou que l'ignorance de certains comportements dérangeants pour garder le cap sur la leçon pouvait être vu comme une faiblesse. Le collègue  a évidemment vu l'élève à la droite mâcher sa gomme comme un vache, tandis que vous vous ingéniez à passer la subtilité d'une règle de grammaire particulièrement difficile.


Bref, l'enseignement n'est pas une science exacte. La relation avec les élèves qui mènent vers la seconde moitié de l'année à un climat plus serein parce que tout le monde se connait et sait à quoi s'attendre est une longue et ardue aventure qu'il est bien malaisé d'évaluer objectivement. Je me suis toujours demandé qui avait la prétention d'évaluer les collègues alors que nous avons franchement des univers certes similaires à gérer mais aussi tout à fait différents et que chacun le fait avec comme premier atout les ressources de sa personnalité.


Certains parlent d'arbitraire et je les suis tout à fait sur cette question: se faire évaluer par un collègue que l'on connait depuis 10 ans ou par l'adjointe pleine d'ambition que l'on connait à peine doit être fort différent. Quand je pense que notre bonification de salaire, dans le plan des Legault et compagnie, pourrait en dépendre, je peine à croire que ces mesures puissent inspirer le moindre respect pour la profession. Je vois plutôt devant moi des humains investis d'une puissance fabuleuse qui viendrait décréter ce que je vaux aux yeux  de tous et déterminer ma qualité de vie. Que restera-t-il de notre autonomie professionnelle et de la valeur de notre jugement après cet outrage systématique?