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dimanche 25 septembre 2011

Quand les ingrédients de base manquent:

Les devoirs, l'agenda et absences
L'équipe travaille cette année sur un code de vie qui était peu fonctionnel ou applicable par les années passées. Bref, nous nous sommes tapés de longues heures en équipe en pédago. Mais parfois, ça vaut la peine.

Ici, les absences sont vraiment une problématique: certains jeunes ont une présence aléatoire. Cette situation a toujours eu cours, mais la direction veut vraiment remettre du tonus dans notre école pour augmenter le sérieux global de sa mission. Dans les régions, je vais dire cela comme ça, dans certains milieux particuliers, l'école obtient de fait peu de résultats, très peu de cégepiens, et quand il y en a, ils ne font pas long feu. Pourtant, les jeunes ne sont pas cons. L'an dernier, j'ai trouvé des parades pour vivre avec la réalité, mais quelque chose en moi se disait comment peut-on y arriver quand constamment des jeunes se poussent deux semaines et, quand ils reviennent, l'autre moitié fait de même pour laisser les premiers rattraper ce qu'ils ont manqué.

Les jeunes ici au secondaire n'ont pas de devoirs, pas de sacs d'école, ne gèrent pas d'agenda qu'ils foutent à la poubelle peu après la distribution. Ils ne gèrent même pas un coffre à crayon, c'est dire... J'ai un panier que je dois remplir de crayons à mine et je passe quelques bonnes minutes à couper des gommes à effacer qui disparaissent dans le temps de le dire. Évidemment, on a peur de les laisser sortir les manuels à 50 $ et on ne le fait pas!


Évidemment, dans ce «Summerhill» idyllique, moi, je ne m'étonne même pas que les jeunes ne puissent espérer tenir plus d'une session dans un cégep.


Ben, cette année, un changement de culture se prépare: pour les absences, après une journée ou l'équivalent, kit de rattrapage scolaire à faire en deux jours hors classe; après trois jours, retour à l'école avec les parents et rencontre du jeune avec les profs avant réintégration dans la classe. Cette mesure va fesser! Là, c'est tout un changement!


Ma collègue qui profite du thème de l'autonomie en ECR  est en train de préparer un agenda porte-documents pour les devoirs en sec. 1 en tout cas. On a commencé cette semaine à donner des devoirs. 


On serait les premiers profs à en donner depuis des années, même si la direction le demandait. Les régions n'ont pas beaucoup de choix...


Lentement, mais sûrement, le train avance. Le prochain tournant risque d'être chaud!

samedi 24 septembre 2011

Dictée ouverte et le TAC

J'ai remis la dictée au menu cette année. J'en fais une au moins toutes les deux semaines. L'an dernier, j'ai vraiment trouvé que mes jeunes manquaient d'outils de révision de leur texte et laissaient encore tellement d'erreurs inutiles dans leur copie. Il ne savaient pas gérer la correction de brouillon. La dictée m'est apparue un bon moyen de mettre en place l'enseignement  d'une technique d'autocorrection.

J'y ajoute une dimension nouvelle que j'ai trouvée dans un document glané dans le «stock» d'un conseiller pédagogique, qui avait été abandonné dans des locaux quand je travaillais aux adultes il y a deux ans en région.

Pour transférer des connaissances et même en acquérir

L'idée est simple: pendant la dictée, on n'a pas le droit de dire comment s'écrit un mot. Mais tous peuvent évoquer une règle de grammaire qui s'applique et même la formuler. Dans le document, cette forme de dictée portait un joli nom, mais faute de mémoire et par paresse de chercher si j'ai gardé le dit document, je la rebaptise: dictée ouverte.

J'avais trouvé l'idée intéressante qu'on en viennent à formuler verbalement des règles de grammaire pour les transférer dans l'écriture. A l'usage, les jeunes n'ont pas commencé à intervenir, je donne l'exemple pour le moment. Je vais peut-être à un moment, question de faire lever la sauce des interactions, attribuer des boni pour les interventions pertinentes.

Je vais même plus loin: déjà en circulant, je repère des fautes que beaucoup font et je peux me lancer dans une capsule d'enseignement pour régler des problèmes.

Et pour travailler des routines d'autocorrection: le TAC.


L'an dernier, une enseignante m'avait mis le document dans les mains. Je l'avais distribué aux élèves et leur avaient expliqué chaque niveau. Il s'agit d'une technique d'autocorrection  (TAC) en 5 points qui auraient fait ses preuves dans un autre milieu d'enseignement. Je l'ai mis en onglet du blogue aussi où il apparait plus gros. Dans le rectangle-ampoule 100 Watts!, on doit comprendre que «sexai», par exemple, sont les lettres finales possibles dans l'accord du verbe avec le «je». C'est plutôt simple. Pas trop lourd, pas exhaustif, ça vise les points payants à enseigner ou à régler. Bref, c'est pas mal.

  A l'usage, les jeunes ne s'en servaient pas vraiment. J'avoue que je n'avais pas été fort! Je me suis promis de mettre un peu plus de muscles cette année à cet enseignement qui m'est apparu une nécessité. Bref, en ce début d'année, on planche là-dessus. J'aime bien cette technique pour la raison commode qu'elle ne demande pas de couleurs comme dans bien des techniques similaires. Mais bon, rien n'empêche de laisser les jeunes faire à leur manière. Évidemment, faire écrire, euh exiger, tout à double interligne à vos jeunes sera un avantage indéniable pour permettre l'expression de cette nouvelle compétence à acquérir.

L'utilisation de la technique que j'enseigne est notée et même permet de faire presque autant de points que la dictée. Les plus vieux se sont bien essayés de ne pas la faire. Mais bon, moi, je suis le principe du train qui suit son chemin sans dévier, je ne m'obstine même pas, et je mets invariablement mes 0/20 en TAC, ce qui, dans le total, abîme pas mal la note des élèves, même parmi mes championnes un peu rebelles. Pour moi, les notes, c'est d'abord un moteur pour ma loco-motive!  N'en déplaise aux idéalistes qui n'aiment pas les courbes normales (de Gauss), les notes ont le don de mobiliser. Je ne vais pas me priver d'un carburant si économique. Après deux stations, les passagers commencent à embarquer! Pour le moment, je ne corrige que les deux premières étapes, j'enseigne doucement la 3e qui est toujours optionnelle. De temps en temps, hors dictée, on se fait le TAC d'une phrase que j'ai délibérément amochée orthographiquement au tableau et dans les cahiers de dictée pour renforcer l'enseignement. C'est de l'enseignement explicite, collaboratif; les meilleures deviennent des alliées, j'ai l'impression que ça peut prendre des proportions cette histoire! On m'a dit que, dans l'école où ça a été lancée par une équipe de profs chevronnés, au bout de deux ans, les jeunes réclamaient leur tableau pour le cours d'histoire et que l'ensemble des élèves avaient significativement amélioré leur orthographe! Me semble qu'il faut que ça se sache!

Bon, les notes sont rattrapables. S'ils finissent par me faire leur TAC dans la correction, je leur donne tous leurs points de TAC. Je ne suis pas maniaque, je laisse passer des erreurs, je laisse les jeunes personnaliser aussi, en autant que le jeune fait le travail avec l'outil.

Évidemment, le TAC est aussi obligatoire dans les rédactions! J'ai  comme l'impression qu'avec tous ces «barbouillages»,  mes maniaques du caractère parfait sans tache, vont se mettre un peu plus aisément à la pratique du propre final!

Enfin, j'observe que les jeunes réalisent d'eux-mêmes qu'il trouve des fautes dans leurs copies et, tranquillement, il développe la connaissance de leurs classes de mot.  Les noms deviennent une réalité pour tous en ce moment! L'adjectif aussi. Ah oui, j'impose aussi les «lunettes» d'accord du nom au singulier, même si sur l'exemple du  TAC, elles ne sont pas faites, je me souviens de ma maladie de mettre des «s» partout quand j'étais jeune.

En fait, je commence à soupçonner que cet outil va devenir un point intégrateur fabuleux pour l'enseignement de la grammaire. 


vendredi 23 septembre 2011

Le trop, proche de la nausée, de l'école

Un petit texte qui est sur le feu depuis quelques jours. Je le publie puisqu'il est de circonstance, comme un «adon». Je remets le blogue en onde, suite à une discussion sur la grammaire chez le Professeur Masqué.

Quand j'ai le goût d'écrire sur ce blogue, c'est généralement pour tenter encore de parler d'un seul sujet. Un sujet que l'on escamote tout le temps, un sujet qui me semble même de l'ordre de l'inconscient refoulé du monde de l'éducation. Un sujet que je trouve critique: les visées de l'éducation et leur effet sur les jeunes.

Si je suis honnête avec ma propre histoire, si je ne maquille rien, si je déshabille ma honteuse jeunesse de n'avoir pas été aussi outillé intellectuellement que les adultes devant moi, je me souviens de mes tentatives de comprendre le monde et son fonctionnement et  d'avoir pataugé dans celui des idées. Je me souviens aussi des tâches scolaires.

J'ai plutôt bien fonctionné à l'école. J'étais dans les rares à me débrouiller en physique de 4 et 5, par exemple. Mais je trouvais quand même ce monde des plus hermétique avec une impression étrange d'avoir à déchiffrer des hiéroglyphes sans préparation.  Je m'accrochais aux mathématiques de la physique et ça me sauvait du néant. Autour de moi, j'en voyais beaucoup complètement dépassés. D'autres matières complémentaires me donnaient ce genre d'impressions bizarres: géo du Québec avec ses considérations économiques et politiques, sciences économiques en 5, pareil. Le monde était compliqué. J'avais en moi un repoussoir intérieur, un trop, proche de la nausée dans ces matières, mais bon je faisais mon effort et je m'en sortais. En math, tout m'était limpide, on avait construit un bon réseau de connaissances basées sur des routines qui peu à peu échafaudaient l'aisance de naviguer dans  la complexité mathématique. En français, ça allait, on m'avait aussi bien entrainé pour les connaissances de la langue. J'avais fait les routines sans chigner. Je pouvais ouvrir une grammaire et apprendre par moi-même  ce que je ne savais pas encore ou ce que j'avais oublié. J'avais du mal avec les lectures obligatoires, des histoires qui ne m'intéressaient pas encore. En histoire, on m'avait fait suivre une ligne du temps qui me donnait une image intérieure d'où venait le monde, j'avais des mots pour parler de différentes époques importantes, j'avais des trous aussi: le Moyen-Âge, la Renaissance, les guerres de religion,  les Lumières, le monde contemporain, que j'ai saisi bien plus tard. De toute façon, aurais-je été outillé pour saisir les subtilités de ces apports historiques? J'avais une bonne idée de l'histoire du Canada et du Québec: une ligne du temps avec des dates repères. On ne m'avait pas demandé de comprendre, bien qu'on saupoudrait des explications à retenir, le pourquoi, la psychologie des hommes derrière tout ce temps si chargé d'histoires des hommes. A la fin de mon secondaire, je pouvais placer la plupart des pays du monde sur une carte. Je me surprends encore à découvrir des pays parfois nouveaux depuis, que je ne connaissais pas. Toujours à partir quelque part de cette première image.

Je me souviens qu'au Cégep seulement, j'ai commencé à devoir écrire maladroitement des réflexions bien plus compliquées dans les cours de sciences humaines et de philosophie. C'est là que mon appétit de comprendre a repris, je pensais devenir un homme, je voulais faire ma vie, changer le monde, je voulais comprendre ce monde si complexe, si déroutant. A l'université, j'ai continué ma quête, j'ai encore croisé des zones quasi inaccessibles, des défis de compréhension. J'ai appris à m'organiser, des méthodes de travail que j'ai forgées en tenant compte de ma personnalité. J'ai appris à jouer avec les concepts, avec les idées, à critiquer avec plus de muscles parce que je comprenais mieux certaines conneries humaines, car j'en voyais les erreurs, ou les problèmes.

Tout cela pour dire que le combat pour la compréhension des choses a été long et pourtant j'étais parmi les doués de mon époque, issu de la classe ouvrière mais avec un tempérament pour calmement faire l'école d'alors. Même après tout ce temps, le monde m'apparait souvent si complexe et déborde en moi.

Alors, quand je vois les attentes de l'école d'aujourd'hui encore plus chargées que celle de l'école d'hier, enfonçant la complexité aux jeunes en la leur présentant à des âges toujours plus jeunes en méprisant les bases qui m'avaient assuré une certaine prise sur cette complexité du monde, j'imagine la nausée du trop qui les submerge et je me dis qu'il n'est pas surprenant de les voir tant réagir et s'absenter mentalement ou physiquement de cette école qui ne respecte pas leur rythme d'appropriation des savoirs.