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vendredi 23 septembre 2011

Le trop, proche de la nausée, de l'école

Un petit texte qui est sur le feu depuis quelques jours. Je le publie puisqu'il est de circonstance, comme un «adon». Je remets le blogue en onde, suite à une discussion sur la grammaire chez le Professeur Masqué.

Quand j'ai le goût d'écrire sur ce blogue, c'est généralement pour tenter encore de parler d'un seul sujet. Un sujet que l'on escamote tout le temps, un sujet qui me semble même de l'ordre de l'inconscient refoulé du monde de l'éducation. Un sujet que je trouve critique: les visées de l'éducation et leur effet sur les jeunes.

Si je suis honnête avec ma propre histoire, si je ne maquille rien, si je déshabille ma honteuse jeunesse de n'avoir pas été aussi outillé intellectuellement que les adultes devant moi, je me souviens de mes tentatives de comprendre le monde et son fonctionnement et  d'avoir pataugé dans celui des idées. Je me souviens aussi des tâches scolaires.

J'ai plutôt bien fonctionné à l'école. J'étais dans les rares à me débrouiller en physique de 4 et 5, par exemple. Mais je trouvais quand même ce monde des plus hermétique avec une impression étrange d'avoir à déchiffrer des hiéroglyphes sans préparation.  Je m'accrochais aux mathématiques de la physique et ça me sauvait du néant. Autour de moi, j'en voyais beaucoup complètement dépassés. D'autres matières complémentaires me donnaient ce genre d'impressions bizarres: géo du Québec avec ses considérations économiques et politiques, sciences économiques en 5, pareil. Le monde était compliqué. J'avais en moi un repoussoir intérieur, un trop, proche de la nausée dans ces matières, mais bon je faisais mon effort et je m'en sortais. En math, tout m'était limpide, on avait construit un bon réseau de connaissances basées sur des routines qui peu à peu échafaudaient l'aisance de naviguer dans  la complexité mathématique. En français, ça allait, on m'avait aussi bien entrainé pour les connaissances de la langue. J'avais fait les routines sans chigner. Je pouvais ouvrir une grammaire et apprendre par moi-même  ce que je ne savais pas encore ou ce que j'avais oublié. J'avais du mal avec les lectures obligatoires, des histoires qui ne m'intéressaient pas encore. En histoire, on m'avait fait suivre une ligne du temps qui me donnait une image intérieure d'où venait le monde, j'avais des mots pour parler de différentes époques importantes, j'avais des trous aussi: le Moyen-Âge, la Renaissance, les guerres de religion,  les Lumières, le monde contemporain, que j'ai saisi bien plus tard. De toute façon, aurais-je été outillé pour saisir les subtilités de ces apports historiques? J'avais une bonne idée de l'histoire du Canada et du Québec: une ligne du temps avec des dates repères. On ne m'avait pas demandé de comprendre, bien qu'on saupoudrait des explications à retenir, le pourquoi, la psychologie des hommes derrière tout ce temps si chargé d'histoires des hommes. A la fin de mon secondaire, je pouvais placer la plupart des pays du monde sur une carte. Je me surprends encore à découvrir des pays parfois nouveaux depuis, que je ne connaissais pas. Toujours à partir quelque part de cette première image.

Je me souviens qu'au Cégep seulement, j'ai commencé à devoir écrire maladroitement des réflexions bien plus compliquées dans les cours de sciences humaines et de philosophie. C'est là que mon appétit de comprendre a repris, je pensais devenir un homme, je voulais faire ma vie, changer le monde, je voulais comprendre ce monde si complexe, si déroutant. A l'université, j'ai continué ma quête, j'ai encore croisé des zones quasi inaccessibles, des défis de compréhension. J'ai appris à m'organiser, des méthodes de travail que j'ai forgées en tenant compte de ma personnalité. J'ai appris à jouer avec les concepts, avec les idées, à critiquer avec plus de muscles parce que je comprenais mieux certaines conneries humaines, car j'en voyais les erreurs, ou les problèmes.

Tout cela pour dire que le combat pour la compréhension des choses a été long et pourtant j'étais parmi les doués de mon époque, issu de la classe ouvrière mais avec un tempérament pour calmement faire l'école d'alors. Même après tout ce temps, le monde m'apparait souvent si complexe et déborde en moi.

Alors, quand je vois les attentes de l'école d'aujourd'hui encore plus chargées que celle de l'école d'hier, enfonçant la complexité aux jeunes en la leur présentant à des âges toujours plus jeunes en méprisant les bases qui m'avaient assuré une certaine prise sur cette complexité du monde, j'imagine la nausée du trop qui les submerge et je me dis qu'il n'est pas surprenant de les voir tant réagir et s'absenter mentalement ou physiquement de cette école qui ne respecte pas leur rythme d'appropriation des savoirs.



1 commentaire:

L'engagé a dit…

Merci pour le retour!