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lundi 12 mars 2012

Des logiques solutions comme celle de l'ordre professionnel

 J'y allais d'un commentaire qui s'est allongé, alors je le mets ici. Ceux qui suivent les débats chez PM et qui sont nombreux à cliquer en partance de chez lui pour venir me donner une petite visite verront que je réagis à certains «point-form» et une certaine conception que l'ordre professionnel est le remède pour les maux en éducation.

Le public ne semble pas protégé par les mesures actuelles du système. Bref, les parents, les jeunes sont-ils maltraités? Mal éduqués? Enfin, PM répond bien à ce genre de propos en rappelant des avis éclairés que certains organismes pertinents ont fait.

L'évaluation continue qu'on veut faire faire au CAQ par un ordre professionnel servirait à finalement promouvoir la formation continue. Ça sous-entend qu'on a besoin de formation pour bien faire notre travail. Or, il y a de vieilles institutions qui diplôment malheureusement n'importe qui et qui peinent à vraiment outiller les gens pour faire ce métier. Ils leur donnent une formation de 3-4 ans pour permettre, on le souhaite, d'apprendre ensuite leur art en le vivant, en le travaillant.

Car, à la confrérie des formateurs en tout genre, je vous fais la confidence que le métier s'apprend beaucoup sur le terrain. Ce métier, que peu ferait à cause de l'enfance actuelle assez particulière, se développe en affutant sa personnalité, en la modulant, en l'assouplissant, en l'adaptant à la double exigence d'être un leader ferme (qui sait où il va, qui ne va pas se  faire mener en bateau par le petit jeune qui teste constamment sa vigueur) et celle d'être un observateur, à l'écoute de l'autre pour animer les explications d'un sens qui fait son chemin chez l'apprenant. Au quotidien, souvent surchargé de travail, que milles urgences détournent de sa principale tâche qui est d'enseigner et de bien préparer ses cours pour être prêt à plusieurs éventualités, cet être hors du commun doit tenter de conserver en toutes circonstances sa bonne humeur, son enthousiasme et un sens aigu de la diplomatie. Et bien sûr la vigueur du capitaine sans quoi les matelots déconnent.


Personnellement, ce n'est pas de formation, mais de temps et d'expérience que j'ai eu besoin pour apprendre à interagir avec des ados décapants et apprendre les codes du métier pour ne pas varloper les sensibilités de certains collègues. Bref, on sous-estime ce que donne l'expérience. On manque à la limite de supervision dans ce métier parce que tout le monde est trop occupé pour avoir du temps pour échanger. Mais on s'en donne tout de même de ce temps précieux du partage quand l'équipe est valable, capable de s'entraider, de se serrer les coudes. Et malheureusement, les profs de l'autre générations sont partis massivement en nous abandonnant à la réforme (et à la nouvelle grammaire !) au lieu de passer le flambeau.

En somme, la formation fait vivre des formateurs, je ne suis pas sûr que ça aide à devenir meilleur prof.


On laisse entendre avec le refrain des formations qu'on n'apprendrait rien par soi-même. Toute la réforme prétend le contraire pour les jeunes apprenants aujourd'hui. Ce qui est dans leur cas navrant parce que c'est justement de formation de base qu'ils ont besoin, pas de se lancer dans des pratiques sans outils.


La plupart des profs ont reçu une formation intellectuelle qui les équipe pour lire, apprendre des autres et réfléchir dans le cadre de leur pratique. Un prof qui prend à cœur son travail se renouvelle sans cesse au rythme qu'il peut. Oui, oui, je vois des collègues déprimés à l'occasion se faire des patiences dans les salles d'informatique au lieu d'être en arrière de leurs élèves pour les pousser à se dépasser. Mais ce n'est pas la formation qui va changer quoi que ce soit à ça. Non, c'est l'indulgence du système, c'est le directeur qui ne se promène pas dans son école, qui n'est même pas un exemple pour les autres, qui se fout que des jeunes entrent en bafouant son code de vie dans l'école le matin, qui n'est pas posté à surveiller que son école et l'éducation qu'on y donne soit pris au sérieux. Il pourrait simplement être là le chien de garde de la qualité. Les profs déprimés ont besoin souvent d'encouragement, d'un ordre autour d'eux, dans la bâtisse où il travaille, dans l'équipe qui est là, d'une ambiance organisée et cohérente, qui se tient. Non ce n'est pas de cet utopique ordre professionnel dont il rêve, ce prof déprimé, qui n'est plus actif pendant ces minutes de répit volées à sa mission. Mais du moyen de pouvoir faire la classe à ses jeunes capables pour le moment pourris par la présence d'élèves souvent en troubles divers qui viennent créer un bruit et un chaos qui empêche de faire classe. Pourris par un matériel pédagogique franchement inutilisable. Pourris par une philosophie d'éducation qui pensent qu'il suffit de mettre des jeunes devant un ordi pour qu'ils apprennent, alors que c'est un combat en réalité de chaque minute pour les garder concentrés sur un objectif planifié d'apprentissage.

Bref, un ordre professionnel, c'est loin d'être une panacée. Un ordre satellite pour gérer le chaos ambiant est presque de la pensée magique.

Non, l'éducation doit d'abord enrayer le mensonge, vieille topique en passant, et arrêter d'avoir une approche client qui paye et utilise. Apprendre suppose un investissement de l'apprenant, une part active et c'est souvent ce qui fait défaut et ce n'est pas en écoutant les doléances des petits pits qui cherchent à en faire le moins possible pour finalement pratiquement ne rien apprendre qu'on va augmenter le sérieux dans la profession.

Qu'on arrête de programmer l'impossible et de faire semblant d'évaluer au lieu d'exiger un PDF qui tient compte des capacités des jeunes. Pris dans ce grand mensonge, il est de plus en plus difficile de faire notre travail raisonnablement.

Investir dans les enfants en difficulté alors qu'on les a «dumpé» dans la classe ordinaire en déconstruisant la structure des classes adaptés est le vœux pieux de tous les politiciens depuis qu'ils ont tout démoli. C'est depuis ce temps-là qu'on nous dit ne pas être assez compétents parce que des connards dans certaines universités dans les années 90 ont affirmé que des «superprofs» seraient capables d'intégrer dans des classes à 30 élèves tous les EHDAA pour le bénéfice de tous. ET tout cela est arrivé à cause de tous ceux qui ont vu l'économie: quoi, on n'aura plus besoin d'un double ratio avec les EHDAA?

Y a jamais eu d'époque parfaite en éducation, mais notre temps est loin d'être la meilleure période qu'on ait vécu dans nos écoles...

Un peu partout avec l'atmosphère de disette de plus en plus palpable avec les années, on s'arrange avec les moyens du bord. ET c'est loin d'être idéal.

Si on veut redorer le blason des enseignants, ce n'est pas nécessairement en augmentant le salaire qu'on y arrivera, mais en admettant pas que n'importe quel quidam qui ne fait pas ce métier se permette de venir nous dire comment le faire. Que nos directions arrêtent de saper notre autorité, commence à incarner la leur propre, que le ministère arrête de nous prendre pour des imbéciles dont la tâche première est de donner une «bonnes notes» aux jeunes. Qu'on arrête de nous rendre responsable de tout.

Quand on aura compris qu'un jeune cherche avant tout à affirmer son identité et teste très souvent son pouvoir sur les adultes, on verra que les approches qui permettent de mettre un peu d'ordre pour permettre la concentration sur les apprentissages à l'école sont celles qui donnent aux enseignants une certaine autorité effective. Qui permettent à l'enseignant d'être respecté dans les choix qu'ils posent pour faire avancer ses groupes. Outre que chaque prof a besoin de développer son pouvoir personnel pour arriver à s'imposer comme figure d'autorité, il faut qu'autour une certaine structure l'autorise. Il faut un système crédible qui arrête de rejeter la faute sur les autres. 


Il faut aussi arrêter de pratiquer la folie de la réussite à tout prix et reconnaitre que parfois le courage est de dire à la personne devant soi que ses caprices et son inaction sont tout à fait incohérents avec le projet d'apprendre. Il faut sortir les jeunes de la pensée magique et leur faire apprécier la relation qu'il y a entre les efforts qu'ils donnent et leur réussite. 

Dans l'univers actuel, il y a plein de jeunes qui ne sont plus capables de poursuivre leur apprentissage avec les retards qu'ils ont accumulé avec les années. Qu'on arrête de gémir et qu'on reconnaisse enfin que le système de la promotion automatique et l'économie des services adaptés n'aident personne à grandir.


C'est tout un système assez déglingué qui est honnêtement à revoir. 


Mais on peut croire en la formation et en l'ordre professionnel. Il y a toujours des adeptes à trouver pour chaque philosophie.

1 commentaire:

Le professeur masqué a dit…

On se rejoint pas mal. J'adore ce passage: «Que nos directions arrêtent de saper notre autorité, commence à incarner la leur propre.»