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dimanche 29 avril 2012

Questions d'interprétation et autres joyeusetés scolaires

On m'informe via mail que le 10% de la note en lecture pour la qualité de la langue est révolu.

Bref, je me bats pour un peu de respect de la norme dans les réponses de mes élèves pour rien, parait-il. Je n'y peux rien. L'absence de majuscule et de point dans une réponse m'énerve l’œil. Et je ne parle pas de ce que j'observe entre les deux.

C'est une représentante enseignante de nos organisations qui est allée suivre une formation du ministère en lecture qui nous envoie ça avec un paquet d'autres précisions: on devrait tendre vers la pondération (...):40%  compréhension (objectives), 30% interprétation (subjectives, mais sur fond de compréhension objective du texte), 10 % réaction (d'opinion) et 20% porter un jugement critique (sur la valeur des textes). Les parenthèses sont des ajouts.


Suit ce mini-résumé:


Une question de compréhension entraîne une réponse objective. (il ne devrait y avoir qu'une possibilité de réponse pour l'élève). Elle peut toutefois porter tant sur le texte explicite qu'implicite.

Une question d'interprétation suscite une réponse davantage subjective. Elle nécessite une bonne compréhension du texte mais va plus loin. Les réponses peuvent être multiples mais doivent demeurer logiques et en lien avec la compréhension du texte.

Une question de réaction s'apparente à la question d'opinion. On ne jugera donc pas de l'aspect personnel de la réponse de l'élève; seule la justification sera évaluée dans sa réponse.

Une question de jugement critique porte sur l'écriture du texte. Même s'il y a un certain degré d'opinion dans la réponse attendue, celle-ci n'a rien d'aussi personnelle que la question de réaction. L'élève doit se distancer du texte pour juger de sa valeur. La réponse sera donc évaluée en entier.

Les questions de réaction et de jugement critique sont des questions à développement. Les questions de compréhension et d'interprétation peuvent être à réponses courtes, longues, à choix de réponses.

 

Ça vous parle? Oui, oui, on lit toute cette poutine avec quelques précisions en moins dans les programmes, Ça manque d'illustrations comme informations, vous ne trouvez pas? On comprend néanmoins un peu plus pourquoi on voit de plus en plus de questions tordues dans les compréhensions de textes prototypes.


Je ne sais pas pourquoi ces informations, qui sont souvent données à des représentants en formations, ne sont pas communiquées dans des lieux publics clairement. Quelqu'un pourrait avoir la chance de s'indigner du peu de cas que font nos décideurs de la qualité de la langue, par exemple. Et pour des gens qui développent la pensée critique de notre jeunesse, on remarquera que les formules Powerpoint des formations élaguent pas mal la justification et les illustrations des soporifiques présentations théoriques.

Dans les branches, par exemple, on a entendu que l'épreuve unique d'écriture en 5e secondaire du MELS est maintenant un examen «certificatif». Que, maintenant, les jeunes doivent  «démontrer le bien-fondé d'une certaine façon de penser» au lieu de suivre des recettes argumentatives classiques (révolues?) .  Comme dans le dossier pour les élèves qu'on a sous examen en ce moment. Les jeunes vont devoir démontrer qu'on peut réduire notre empreinte écologique parce que tout le dossier de préparation tend vers cette idée: un dossier qui démontre surtout à mon sens l'opportunisme écologique d'un paquet de gens: des stars, des organisations sportives, des organisations TIC et la naïveté de bien d'autres. Les jeunes n'ont pas vraiment de contre-thèse à évaluer, ou les facteurs qui font qu'on peut être assez dubitatif en ce qui concerne l'humanité sur cette question ne sont pas vraiment évoqués. Bonjour, la pensée critique. On leur fait écrire un pamphlet écologique jovialiste à l'ère des téléphones jetables. 

Et je vous jure, la recette est enseignée. Un texte est toujours là pour préparer son sujet amené (contexte). Le titre du document ou la page 3 où il y a d'écrit une formule-choc permet de détecter la question à répondre qui peut être formulée de différentes manières pour demander une réponse: oui ou non. Pour ou contre est révolue! Cette année: Des empreintes effaçables? 

Un coup la question détectée, l'enjeu cerné, il faut voir les exemples et points de vue qui vont dans le sens du point de vue idéologique qu'on tente de nous faire adopter pour collectionner des arguments. Ensuite, ils restent à organiser cela et à le codifier sous forme de mots-clés et de citations utiles dans la feuille de notes. J'ai une feuille qui a déjà eu bien du succès: Des trucs, des trucs, des trucs pour la structure et les formules appropriées à différents moments du texte à pondre. 

Non, les textes qu'on fait écrire maintenant sont tout aussi typés qu'avant, mais surtout plus orientés idéologiquement.


Pas de danger qu'on les aurait fait écrire sur l'accessibilité à l'éducation ou la grève étudiante. Nonon! Faut rester dans les grands domaines de formations de l'école québécoise. La très haute voltige. De toute manière, la modération des résultats ou de l'hécatombe va faire réussir autour de 82% des élèves à cette épreuve: on va retenir 80% des moins pires copies!

Mais bon, cette année, ma cuvée devrait  se planter - je ne suis même pas sûr, remarquez! Avec la constatation des 80% -, même avec toute ma science, parce qu'aucun d'entre eux n'a produit le moindre bout significatif de pensée argumentative à travailler cette année, malgré les multiples occasions que je leur ai données. C'est ça donner 71% de moyenne bonbon en sec.4 à un jeune et lui décerner un méritas académique quand ils ne sait pas écrire et comprend à peine ce qu'il lit. C'est ça faire passer systématiquement des jeunes chroniquement absents de l'école qui ne produisent jamais rien et ne font pas vraiment d'apprentissage. Mes jeunes ont des retards incurables et des habitudes de travail inexistantes. J'en ai pris mon parti. J'ai déjà fait mon deuil là-dessus. Ils s'attendent peut-être que je leur remette 3 textes à copier le jour de l'examen qui les feront passer comme l'a surement fait ma prédécesseur.


Mais revenons à Con entendu les moutons en lecture.


A titre d'illustration que j'ai pu voir, les questions d'interprétation donnent des questions du genre : Quelles solutions proposerais-tu au gouvernement mexicain pour améliorer son système éducatif? à des élèves de secondaire 1 qui se sont tapés la lecture de deux textes sur les systèmes scolaires du Japon et du Mexique.


Je ne sais pas vous, mais moi, j'en reste estomaqué. Évidemment, la meilleure de mes élèves n'arrivent pas à écrire quoi que ce soit de sensé à ce genre de questions. Je pose la question: ne vaudrait-il pas mieux travailler la qualité de la langue, révolue, à la place? Ne vaudrait-il pas travailler le vocabulaire? Et la compréhension objective du texte? Et garder ce genre de simagrées pour leur développement futur?

1 commentaire:

Le professeur masqué a dit…

Je comprends pourquoi je n'enseigne lus en cinquième secondaire...