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vendredi 18 janvier 2013

Développer des Tics!

Je ne sais pas pour les autres. Mais bon, je fais mon chemin avec les TICS et, première constatation, après avoir reçu mes 15 portables pour mes classes, je ne suis pas un technicien d'informatique! L'air de rien, gérer son parc d'ordinateurs portables n'est pas si simple.

D'accord, je n'ai pas la haute vitesse dans ma région éloignée, mais juste pour démarrer mes ordis, faire les installations de logiciels, les mises à jour, les configurer un minimum pour éviter des surprises avec mes charmants et créatifs élèves, j'en ai mis des heures et je continuerai d'en mettre juste pour entretenir le parc en ordre. Je parle d'un 60 heures en surplus de tâches depuis que je les ai. Ils sont arrivés au début de décembre.

Je n'ai pas grand notions en gestion de réseau non plus, donc je bricole et m'enlise des fois. Comme la fois où après avoir créé un petit réseau ad hoc et après avoir trouvé le moyen de créer un réseau résidentiel après certainement une quinzaine d'heures de recherche, mes jeunes, à qui j'essayais de montrer la procédure pour avoir accès à mon dossier public sur un ordi faisant office de serveur wifi, s'amusaient à déplacer des dossiers. Enfin, j'ai dû me rendre à l'évidence, avec une classe qui veut s'amuser, c'est difficile de gérer ce genre de réseau, autant revenir à la clé USB ou utiliser des clés identifiées qu'on distribue à chaque cours comme on le ferait avec des cahiers d'exercices. Il y a certainement une façon de gérer un réseau de manière à empêcher ce genre de clowneries, mais j'ignore humblement comment.

J'ai essayé une session par élève. L'ennui, c'est qu'au moindre changement de logiciel, il faut faire des manipulations dans chacune des sessions élèves. Et puis, récupérer les travaux dans 15 portables avec 25 sessions d'élèves, ce n'est pas très pratique. Je jongle encore pour voir comment rendre la collection des travaux un tantinet plus souple. Bon, je n'ai que 25 élèves en tout, mais c'est fabuleusement long tout de même. J'ose à peine penser à ceux qui sautent à pieds joints dans la technologie avec leur centaine d'élèves avec des groupes à 30. Bref, je n'ai pas la science infuse et je tâtonne.

Et puis, je serai étonné qu'on donne à un prof de français le temps d'un technicien pour l'assister. Ici, je compte sur mes moyens.

Dans un monde idéal, j'ai pas mal d'idées pour mes jeunes. Évidemment, j'ai fait recopier des dictées sur Word ou des productions écrites pour en faire corriger l'orthographe à l'aide de correcteurs et je viens d'installer Antidote 8, qui me semble fabuleusement puissant au premier examen. Mais franchement, je ne sais pas trop encore comment mesurer le bénéfice à long terme de ce genre d'activités. Mon penchant à voir dans la facilité un obstacle aux apprentissages réels m'obscurcit peut-être les espoirs, mais bon je jugerai de visu bientôt. En jouant avec le logiciel Antidote, je trouve qu'il a le don d'interpeler le jeune par des propositions simples, je dois lui concéder ce potentiel.

 J'ai aussi pensé mettre la machine à contribution en lecture. J'enregistre, par exemple, des démonstrations d'utilisation de stratégies sur vidéo pour mon groupe multiniveau  de sec. 3-4-5 avec le logiciel ActivInspire pour le tableau interactif: on entend ma voix et on voit la flèche diriger les élèves comme si je donnais un cours. J'ai pensé aussi préparer pour des exercices où j'anticipe des difficultés une sorte d'accompagnement question par question avec ces petites vidéos comme je le ferais au tableau interactif. Je compte distribuer les feuilles et laisser faire par la machine mes démonstrations ou exemples, ou mes explications, pour ne répondre qu'au besoin d'informations supplémentaires. Ce sera pratique dans une classe où, chaque fois que j'interviens pour les besoins spécifiques d'un niveau, les deux autres sont distraits par les interactions et n'avancent plus. Et aussi pratique, dans cette région où l'assiduité scolaire n'est pas vraiment valorisée!

Mais, je n'ai pas encore commencé, je ne sais vraiment pas comment ça va se passer. Je devrais jeter les premières pierres la semaine prochaine.

Bref, pour un champ où l'on prétend faire de l'éducation une science, je me trouve la plupart du temps en train de défricher un continent! En fait, je suis dans un processus d'essai et erreur.

Mais bon, honnêtement, je me permets cet aparté, on développe tout le temps l'enseignement, notre art, de cette manière, peu importe ce qu'en dit le haut clergé pédagogique de l'heure (en passant, ce texte chez Prof qui fesse est vraiment au diapason de ce que je développe dans ce paragraphe sur l'art d'exercer ce métier). Je le répète aux nouveaux de la profession ou à ces collègues venant d'un autre domaine connexe (on en a ici plus qu'ailleurs, faute de candidats) qui, devant leurs difficultés, croit qu'un retour aux études règleraient leurs problèmes, notre expérience d'élèves observateurs d’antan fonde au départ 80% de notre manière d'enseigner. Les études nous font découvrir le système scolaire, maîtriser certains savoirs, nous donnent des concepts pour réfléchir à la pratique. Mais l'art d'enseigner se développe surtout, je crois, dans l'action et à partir de ce que l'on a été comme apprenant exposé à des enseignants. Pour enseigner, il faut du sens pratique, de la capacité de rester à l'écoute du destinataire pour voir si ce qu'on fait ou dit percute et une grande capacité à dynamiser les autres dans l'action qui mène à des apprentissages et cet art se développe à partir de ce que l'on est en interaction avec les jeunes qu'on a devant soi. Et un gros, énorme, brin de souplesse relationnelle! Qu'on devra développer si l'on ne l'a pas! Ici plus qu'ailleurs, car on navigue dans l'interculturel avec des conceptions opposées de l'encadrement éducatif en plus. Il y a de quoi en perdre son latin! On a eu un licenciement et une démission depuis une semaine, c'est dire que ce n'est pas gagné tout le temps. Bon, cette conjoncture particulière n'arrive pas souvent quand même.

Ici, si je reviens à la question, je peux bien me permettre d'expérimenter puisque, de toute façon, les méthodes usuelles sont assez nulles à faire réussir vraiment les jeunes assez particuliers que j'ai devant moi. Ailleurs ou d'un point de vue de parents, on pourrait être certainement un peu surpris que l'enseignement soit si expérimental. Rappelons tout de même que nous transférons dans ces recherches notre expérience et que les jeunes sont toujours mis devant des défis pédagogiques. C'est l'impact qui est souvent difficile d'anticiper.

Mais c'est une réalité puisque je ne trouve pas de méthodologie valide pour baliser mes gestes. On a beau dire que la Commission scolaire Esthern Township machin a hissé ses élèves dans les palmarès avec le développement des TICS, je ne vois pas encore les canaux de partage de compétences qui permettent de faire avancer ceux qui s'y mettent un peu partout. Avec ces nouveaux outils, nous devenons tous des pionniers malgré nous.

Bon, j'ose à peine penser à ceux qui, parmi nous, peinent encore à ouvrir des mails... Il y en a! Ils n'ont aucune chance dans ce dédale de pièges incommensurable!

Mais honnêtement, je suis venu à l'enseignement pour son côté expérimental qui allume mon esprit et là, je suis servi!

mercredi 9 janvier 2013

Folie évaluative

Épreuves uniques, épreuves obligatoires, prototypes, épreuves régionales, c'est pas mêlant, j'ai à mes 5 niveaux du secondaire 2 gros examens auxquels je dois préparer mes jeunes vraiment en difficulté avec notre langue. Quand je regarde l'avalanche de documentations qu'on me balance pour soi disant me préparer à préparer mes élèves, ça me sort par les oreilles. Et toutes ces folies auront lieu en mai. Autant dire que mon année d'enseignement se terminent en avril avec eux. Après, il restent une semaine ou deux avant l'autre session d'examens de juin. Ridicule.

Mes jeunes ne sont pas des cent watts ni très motivés par l'école, en partie en réaction face à la langue seconde pour des raisons culturelles. Leur rythme de travail est lent et ils ont besoin de soutien constamment. Il manque de vocabulaire à un point où un texte d'une page d'un bête fait divers devient souvent un défi de compréhension. Après pas loin d'une quinzaine de mois avec eux, j'arrive à les faire travailler un peu notre langue de Molière en  faisant attention de ne pas trop les brusquer, en évitant de les mettre en situation d'échec constamment et  en essayant de monter une à une les marches de l'escalier de l'apprentissage. Le fait de rester avec eux plus qu'une année, au contraire de la plupart de profs qui passent par ce village éloignée de la consommation névrotique et trop froid en hiver, me permet d'obtenir cette modeste réussite. Je déploie beaucoup d'énergie de trouver de nouvelles façons de les exposer à la langue. Bref, je fais de l'adaptation scolaire en plein programme régulier.

Mais, nos charmants programmes et nos institutions provinciales et régionales s'acharnent à nous faire atteindre l'inaccessible et, en regard de leurs exigences, nous serons probablement encore cette année dans les bas-fond de l'échec.

De gros textes, avec des démarches d'annotation, de prise de notes, des questions Réagir au texte, ou Porter un jugement critique sur le texte courant ou littéraire en fonction de critère et ce, dès secondaire 1. Mes jeunes ont du mal à lire un texte d'une page en ce moment et à répondre à des questions de repérage simples (où? quand? quoi ? pourquoi? comment?). Porter un jugement critique? Sur des extraits de roman en secondaire 1 (la découverte d'hier dans mes documents d'info). Pffff! Je n'arrive pas encore à faire lire un roman par année à la majorité d'entre eux et ce, à tout niveau, il faudra que je consacre des périodes de lecture en classe animées pour y arriver et j'hésite à me lancer là-dedans, car il faudra sacrifier ce temps précieux pour autre chose d'aussi important. Je sais, on me dira, fais-les lire à la maison. Faut pas rêver, ils ne font rien à la maison pour l'école par ici. Les devoirs ne rentrent pas déjà. Et ces jeunes, dans leurs cultures, sont libres, peu encadrés depuis toujours. C'est à l'école qu'ils apprivoisent cela.

Ainsi, il faudrait que je passe la moitié de mes années à leur montrer comment gérer convenablement ce genre de démarches d'évaluation qui s'étalent sur des semaines. Et ce n'est malheureusement même pas praticable, ils s'enliserait certainement, car leur développement cognitif ne permet pas vraiment de gérer ce genre de tâche. D.'ailleurs, à ce stade, c'est tout le contraire qu'il est indiqué de faire: sérier les tâches, garder ça simple, miser sur la répétition qui mène à des petites maîtrises. Ce n'est absolument pas encore le temps de les lancer dans les aventures intellectuelles.

Car les bases, faire de bonnes phrases, maitriser un peu mieux l'orthographe, savoir lire, développer du vocabulaire, ne sont même pas là pour une bonne partie d'entre eux. Dès qu'un texte dépasse une certaine longueur, il n'en finissent plus avec les tâches demandées.

Ils nous arrivent du primaire dans un tel état de vacuité d'apprentissage qui consterne au début. Et quand on sait toute l'agitation que vivent les profs au primaire par ici avec des enfants difficiles à gérer, qui ont encore tout à apprendre de l'éducation de base, on comprend que l'apprentissage en souffre.

Pendant ce temps-là, on nous bassine toujours avec des concept oiseux comme la pédagogie différentielle. Pffff! Où est l'espace pour faire différent avec cette folie de cols blancs qui se fichent de la réalité de certaines situations du plancher des vaches? J'ai demandé de décaler de quelques jours l'examen d'écriture obligatoire en sec. 2, parce qu'ici, on sera en relâche la semaine d'avant (congé culturel traditionnel) et qu'on ne pourra pas faire les activités de préparation convenablement. On m'a répondu que ça ne demandait que trois heures de préparation et qu'on pourrait trouver le moyen de faire faire ça les deux jours qui précèdent l'épreuve.

C'est une réponse de fonctionnaire. Ils se prennent vraiment au sérieux ces mecs et «mèques»! Pour une épreuve corrigée par ici, où il n'y a aucune surprise de dernières minutes, qui ne sanctionne pas grand chose aussi. Le pire est que l'organisme régional qui devrait être plus sensible au réalité d'ici se prend autant au sérieux, bref, j'aurai trois niveaux (sec. 1 à 3) de situations d'écriture à gérer dans ce contexte pas très favorable aux performances. On me parle de rigueur, je pense rigidité.

Bref, folie.