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mercredi 25 septembre 2013

Le ridicule des autres et de la neutralité à l'école

Je lis un peu, je n'ai pas le temps d'écrire vraiment ni de beaucoup réfléchir à autres choses que mes problèmes de rénovation à résoudre. Je mets mes énergies beaucoup dans mes bras  pour le moment  et mes rénos avancent bien.

Mon métier est en pause totale, je devrais me remettre à sérieusement me chercher une place où œuvrer dans quelques temps, pas si lointains. 

Évidemment, toute cette question de charte me turlupine. Je ne sais pas trop exactement ce qui est juste pour tout le monde mais, si on me demande mon avis, je dirais que je trouve assez préoccupant que les religions prennent toujours autant de place dans le vécu collectif ici et ailleurs. Ces visions fermées du monde porteuses de valeurs indiscutables  me semblent à la source d'un bon nombre d'aberrations dans notre monde. On condamne les sectes, mais les grandes religions, qui fonctionnent selon le même mode opératoire, ne sont pas remises en question. On sait l'effet de certains endoctrinements qui ont des conséquences assez dommageables. Les manchettes internationales en font régulièrement état.

Bon, dans tout cela, une grande question est abordée, le sens de l'appartenance à un groupe.  C'est pour les gens une dimension délicate qui a à voir avec le sentiment de sécurité, le besoin de se sentir important, valorisé ou conforté dans ses choix et ses valeurs.

Nous sommes de plus en plus confrontés à la pratique religieuse et à la présence de cultures étrangères. Quand j'étais jeune, elle se confinait à Montréal, ville cosmopolite, mais de plus en plus, on voit l'effet de l'immigration continue un peu partout au Québec et, pour avoir voyagé un peu, on a l'impression souvent que le monde se métisse inexorablement selon, parait-il, la volonté d'un certain pouvoir de pacifier le monde par la cohabitation des cultures et leur mixage dans la vision économiste globale.
 
D'autre part, il semble que les religions permettent de calmer certaines personnes de l'angoisse de réfléchir à leur valeur, à ce qui est bon pour eux et les autres. Et  parfois, je préfère un religieux calme d'esprit et posé à un bipolaire qui réinvente le monde et devient activiste ou, encore plus,  à ces gens sans consistance qui n'ont pas de référents internes stables pour agir dans leur interaction avec les autres.

J'aime bien la diversité culturelle mondiale, mais j'aime me retrouver dans le Québec où je reconnais les miens aussi. 

J'ai eu des collègues qui faisaient ramadan et c'est toujours une curiosité. Mais c'est aussi tabou de parler, de remettre en question quoi que ce soit et de simplement discuter ces questions, comme toujours avec les religions. On se retrouve à supporter psychologiquement des individus d'une culture étrangère qu'on ne comprend pas ou à prendre des airs compatissants quand le collègue s'inflige par choix une discipline et des tourments étranges.

J'ai eu une voisine, conjointe d'un collègue,  dans un édifice de  profs en région éloignée, qui courait se cacher quand je cognais à sa porte et qu'elle ne portait pas son voile à la maison. Je l'ai entraperçu un jour dévoilée sur le pas de sa porte. Les femmes enseignantes discutaient tranquillement avec elle. Et moi, le mâle, en sortant de chez moi, j'ai déclenché une espèce de frousse religieuse à la voisine qui a couru se couvrir.  J'avoue avoir trouvé tout cela, moi l'agnostique, fort ridicule en 2013.

Je me demande ce qui pourrait bien lui faire enlever ce voile pour aller travailler pour l'état. Elle renoncerait certainement à un job du genre. 

C'est fort les croyances et ce sentiment d'appartenance et la conviction que de se découvrir les cheveux devant un homme qui n'est pas son mari est une sorte de péché qui excite la sexualité. 

En même temps, par rapport à la norme commune ici en vigueur, c'est totalement ridicule.

C'est ainsi qu'on est de plus en plus collectivement amené à accepter le ridicule des autres et à en faire des débats passionnés.

Je ne suis pas xénophobe ou ethnocentriste, mais simplement contre le ridicule!

Sur la neutralité

Enfin, je tiens à préciser une chose sur mon métier. Quand je travaille avec des jeunes du secondaire, rester neutre est impossible. Les jeunes  aiment savoir ce qu'on pense et connaître nos positions et ce serait contraire au sens de la rencontre de se taire totalement sur ces questions. On ne peut pas être un modèle pour la jeunesse et rester neutre. On ne peut pas vraiment, peu importe ce qu'écrit le MELS dans son programme d'ECR rester neutre totalement. Le problème n'est d'ailleurs pas là, il est dans le prosélytisme qui est contraire à l'esprit enseignant que je valorise. J'enseigne pour les outiller dans un esprit humaniste, non pour imposer une vision du monde ou faire la promotion de certaines idées. 

Bref, je ne martèle pas à répétition mes positions tranchées, je n'affiche pas mes convictions, je ne fais pas de religion ou d'idéologie. Mais, si on me demande ce que je pense, j'explique souvent, si c'est d'une certaine pertinence, mes positions le plus clairement possibles et d'une façon la plus nuancée possible voyant là une occasion de proposer aux jeunes une réflexion  construite et murie sur un sujet, et ce d'autant plus que je leur enseigne dans un niveau l'art de l'argumentation et la dissertation. Je ne vois pas comment on peut apprendre à construire une position sans observer d'abord celles des autres et ensuite, en s'y mettant, en essayant de développer son propre point de vue.

Pour le reste, je sais présenter des contre-thèses pour étendre la discussion et la réflexion et je n'ai jamais évalué mes jeunes que sur la cohérence et la qualité du français et non sur la nature de leur prise de position. 

Bref, tout en étant engagé à l'occasion, je ne crois pas avoir causé de tort à quiconque. Je le répète: le tort n'est pas de présenter ses points de vue aux jeunes, mais de faire du prosélytisme. 

Je trouve que d'afficher des symboles religieux en des lieux publics comme une école constamment s'apparente certainement plus à du prosélytisme que d'expliquer à un moment à nos jeunes ce qu'est notre religion ou notre athéisme et les raisons qui ont motivé notre choix sur ces questions. 

Je tiendrais aussi le même discours sur les questions politiques, je ne suis pas payé pour défendre une cause et l'afficher, mais pour amener mes jeunes à réfléchir et à bien exprimer leurs points de vue et donc à offrir un modèle sans l'imposer. Afficher un carré rouge aurait été à ce titre un peu inconvenant à ce qui me semble.

Je suis donc contre la pub à l'école! Et je mettrais le crucifix aussi hors de vue.

4 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

Tsé, je suis encore en réflexion, mais j'avoue que ton avis me rejoint.

Louise a dit…

Je recommence, petit à petit, à tous vous relire depuis peu. J’arrive donc là devant cette réflexion qui m’interpelle sur quelques points de vue, je suis aussi étonnée que toi de l’importance que l’on accorde de plus en plus à ce qui est pour moi une aberration, la croyance religieuse. Je suis aussi ouverte à découvrir les autres et à m’imprégner d’autres philosophies et encourage mon fils, tel un Piscine Molitor, à développer une réflexion qui évoluera au fur et à mesure qu’il vivra. Mais, je crois au contraire que les élèves qui sont devant moi peuvent profiter de mon bagage et de mes idéaux pour les mêmes raisons qu’ils peuvent profiter d’une discussion avec un confrère de classe qui vient d’arriver ici et qui a une histoire à raconter. J’ai habitué Fiston à découvrir l’autre alors qu’il m’a vu interroger et discuter avec une sikhe à l’épicerie au sujet d’une recette, le propriétaire du dépanneur ou de l’épicerie marocaine du quartier, avec les résidents de l’endroit où nous sommes les visiteurs... Des heures à échanger et à s’abreuver de l’autre qui finalement est tout à côté, depuis toujours.
En passant, j’ai porté mon carré rouge à l’école. Je n’ai pas converti ces jeunes à la cause, mais je les ai amenés à réfléchir sur la question et à se renseigner avant de sortir les formules toutes faites transmises par des sources populaires et populistes. Je m’implique et les implique. Mes consœurs et mes confrères qui restent neutres le sont tout autant dans leur façon d’enseigner et la braise que j’entretiens avec vigueur doit être ravivée après chaque passage devant ces neutrons.
Je sens que ma réflexion prend une tangente là puisque je réalise que l’on profite de nos blogues pour émettre nos opinions et que sous prétexte que l’on est enseignant, on devrait sans doute, se taire lorsque l’on se trouve en interaction réelle, pour ne pas influencer, abuser, infléchir… Eh bien, j’ai été atteinte par mon prof d’histoire, de français; par l’animateur de pastorale qui nous a martelés avec les textes de Gaston Miron et de Claude Péloquin, les chansons de Léo Ferré, de Jacques Brel, de Jean-Pierre Ferland… Et je leur en suis reconnaissante.
Je te remercie de me permettre d’approfondir ma réflexion ainsi.

Jonathan Livingston a dit…

Salut Loulou, je suis justement aller lire ton blogue hier et j'ai trouvé que ton histoire mettait en scène justement ces «ridicules» exigences de natures religieuses que l'étranger qui vient s'installer ici nous fait vivre au point où l'on se demande où l'on est.

En ce qui concerne l'enseignement, notre personnalité est l'un des aspects clés dans notre outillage pour marquer les jeunes et leur enseigner. Chaque enseignant a sa tonalité et rester neutre est pour cette raison impossible en ce qui me concerne même si cela semble possible pour certains de mes collègues.

La question de l'influence qu'on a et de l'utilisation qu'on peut et doit en faire est une question éthique délicate que chacun doit négocier avec lui-même et les autres. Notre position publique auprès des enfants est toujours un peu politique. Il faut être capable de justifier ce qu'on fait et de répondre de nos actes puisqu'on nous accorde une grande responsabilité.

Ma ligne de conduite est de répondre (si je le peux) aux demandes des jeunes qui m'interrogent. Je ne rentre pas à l'école avec des intentions de changer l'opinion des jeunes, mais souvent avec celle de leur donner matière à enrichir leur réflexion quand ce n'est pas basiquement leur transmettre les outils de la réflexion.

Mon rôle est d'ouvrir des horizons, pas de les bloquer dans des systèmes de croyances fermés!

Louise a dit…

Je suis, je l'avoue, un-peu beaucoup proactive, mais je montre également beaucoup d'ouverture. Je démontre ma capacité à entendre et à comprendre l'autre. Je peux même humblement affirmer que j’y réussis assez bien puisque nous restons souvent à discuter après la classe et nos échanges sont toujours justes.
Ce que je souhaite susciter, c’est l’éveil, l’implication sociale consciente. Alors, j’adhère à la théorie qui stipule que l’intérêt de l’interlocuteur est amplifié lorsqu’on le touche personnellement. Ça marche et en plus cela me convient bien.