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vendredi 4 juillet 2014

Quand en finira-t-on avec les compétences transversales?

Avec la fin d'année et les bulletins de fin d'année, est revenu ce détail débile dans la vie d'un prof: n'oubliez pas de faire vos compétences transversales. Le message était adressé au tuteur de niveau qui avait la charge de faire l'évaluation de ces fameuses compétences qui sont, de façon notoire et sans appel, qualifiées d'inutiles à l'unanimité par les profs que j'ai croisés dans ma vie dans les différents et nombreux milieux que j'ai visités.

J'étais donc responsable avec une collègue de poser un jugement sur la compétence: faire preuve d'un jugement critique et savoir communiquer.

Elle enseigne les sciences et moi les maths à ce groupe.

Bref, nous nous rencontrons pour arriver en moins de deux minutes à la conclusion que ces deux compétences si elles sont transversales ne se manifestent pas souvent de façon tangible dans nos deux cours. La prof me dit qu'elle va s'occuper de rencontrer la prof de français... Et au final, j'ai su qu'elle les a évaluées avec celui d'histoire...

Franchement, ce n'est pas sérieux. C'est comme une tâche souvent pas très longue à expédier qui nous fait sentir à chaque fois les dindons d'une farce qui n'a que trop duré. Une farce qu'on balance à la face des parents et des jeunes dans leur bulletin.

Comme le soulignait un collègue, un jeune peut ne pas développer une de ces fameuses compétences et tout de même développer une utilité certaine pour la société. On connait tous d'excellents élèves très timides ou renfermés qui n'ont pas trop d'habiletés sociales et qui feront certainement leur chemin dans la vie. Bref, ces jeunes ont plus de mal à coopérer, leur savoir communiquer est plus difficile que d'autres élèves très loquaces de nature.

Ces qualités souvent plutôt intangibles qui dépendent fortement de la personnalité et du caractère pour se développer ont-elles vraiment à faire l'objet d'évaluation.

Prenons la compétence résoudre des problèmes en exemple

Certaines compétences se développent plus clairement dans le cadre de certains cours au travers, je dirais, des situations plus propices à les faire développer ou s'exercer. La capacité de résoudre des problèmes, par exemple, est travaillée en mathématique et fait l'objet d'un critère disciplinaire qui compte pour 30% de la note.

Juste pour voir un peu, regardons ce que disait le MELS de ce que le jeune doit développer pour cette compétence au deuxième cycle du secondaire:
Au deuxième cycle du secondaire, les élèves doivent résoudre des
problèmes qui présentent un plus grand indice de complexité parce
que peu ou mal définis, ou situés dans des contextes plus ambigus.
Ils sont capables de cerner, dans une problématique donnée, les
caractéristiques des solutions potentielles et de structurer leur
démarche en conséquence. Ils analysent les tenants et aboutissants
de chacune des avenues qui s’offrent à eux. Ils évaluent leurs stra-
tégies et celles des autres afin de trouver la meilleure solution pos-
sible. Pour ce faire, ils recourent à une plus grande diversité de
ressources. Ils transposent les stratégies les plus efficaces pour
résoudre des problèmes analogues. Ils s’exercent à poser un regard
critique sur leur démarche et à mobiliser leurs savoirs antérieurs
pour résoudre des problèmes nouveaux.

Pour avoir fait vivre ce genre de situation problème et avoir évalué les démarches des jeunes, je peux dire que certainement les situations se présentent sous une allure de complexité pour ne pas dire alambiqué. Ces situations sont souvent construites pour mobiliser un maximum de connaissances mathématiques acquises dans l'année et dans les années antérieures au prix de créer un problème qui est rarement de nature à ressembler à des situations de la vie normale. 

De plus, on remarque rapidement un «pattern» dans ces problèmes. Tout est présenté dans des aspects qui vont devenir les étapes de la démarche pour établir des éléments préalables (par exemple, différents items d'un budget) pour répondre à la question centrale (comme un certain élément du budget) pour finir dans un contexte où l'on devra tester différentes solutions en fonction de diverses contraintes qui seront posées vers la fin du problème qui conditionne la solution à trouver. En général, il y a plusieurs solutions possibles et les jeunes doivent démontrer la pertinence de la solution proposée.  La difficulté tient surtout au fait que le problème se présente sur deux pages avec beaucoup d'énoncés à lire et comprendre. Et les jeunes doivent apprendre à discerner dans cet ensemble ce qu'on leur demande de déterminer. L'autre difficulté que j'ai observée chez les jeunes, c'est qu'il oublie souvent de respecter une ou deux contraintes.  Enfin, ils ont un peu de mal à démontrer la pertinence de la solution proposée qui est offerte sans trop de justifications.

Bon, j'ai été étonné tout de même de rencontrer des jeunes de niveaux réguliers plutôt bien gérer ce genre de défi. Comme quoi, on peut certainement montrer à faire face à des contextes compliqués par une certaine pratique régulière et en les confrontant à des genres de problèmes qui ont un «pattern» qui structure les démarches. Dans le milieu, des profs ont fait régulièrement vivre ces situations problèmes et ont exigé un certain nombre de pratiques comme la numérotation des étapes et des titres pour chaque étape. En général, 80% du problème est assez aisé à régler pour les jeunes. Les jeunes de ce milieu arrivaient admirablement à offrir des démarches bien structurées avec des titres, une numérotation des étapes et en général en développant assez correctement les calculs. Plusieurs arrivaient très bien aussi à nommer les connaissances mobilisées.   

Honnêtement, je ne sais pas si ces jeunes ont développé une capacité à résoudre des problèmes ou si on les a bien structurés à résoudre des problèmes typiques au cours de maths.  

Toujours est-il qu'on ne me demandait pas de poser un jugement sur cette compétence dite transversale où j'ai eu l'occasion comme prof de maths  de voir les jeunes à l’œuvre, mais sur la capacité de poser un jugement critique ou de savoir communiquer. Et même si j'avais eu à le faire, mon regard aurait été cantonné à l'angle que j'ai sur les jeunes, soit leur capacité à résoudre des problèmes en maths.

Je m'explique. En sciences de secondaire 3, ce ne sont pas les mêmes élèves, mais des élèves un an plus jeunes, j'ai eu l'occasion de faire vivre en atelier un projet où les élèves devaient réaliser une imitation de machinerie fonctionnant avec des mécanismes hydrauliques en utilisant deux seringues remplies d'eau réunies par un tuyau. En activant le bras d'une seringue, on créait un effet sur le bras de l'autre seringue. Les projets de réalisation ressemblaient à ceci: 
La plupart ont choisi de faire une pelle mécanique ou «pépine» comprenant plusieurs bras articulés, des pivots, un pelle, une base et plusieurs mécanismes hydrauliques pour faire activer leur machinerie miniature.

J'ai été étonné d'observer que les jeunes en général, même s'ils ont adoré faire ce projet, ont été en général incapables d'anticiper les problèmes techniques qu'ils ont systématiquement rencontrés. Même si j'avais attiré leur attention sur les caractéristiques qu'ils devaient anticiper, notamment de prévoir comment ils allaient fixer à leurs bras articulés les mécanismes hydrauliques, ils ont en général négligé ce détail pour se retrouver avec la question: comment installer les mécanismes? Et honnêtement, une chance que le prof a quelques années passées dans la rénovation où l'on doit faire preuve régulièrement de créativité pour résoudre des problèmes de ce genre et une bonne connaissance du potentiel des matériaux utilisés et qu'il a fait régulièrement des suggestions, car on n'en serait pas sorti. Le projet, pour la moitié des équipes, s'est prolongé d'ailleurs dans de multiples périodes de récupération.

Bref, je gagerais que ces jeunes s'en sortent plutôt bien dans les situations problèmes de maths de 3e secondaire. 

En fait, on le voit, cette soi-disant capacité générique est fortement tributaire d'une bonne connaissance du sujet ou du domaine pour donner lieu à sa manifestation. Sans les connaissances de maths assez bien ancrées, les jeunes n'arriveront pas à bien cerner les étapes du problème. En atelier, plusieurs jeunes avaient une méconnaissance des matériaux et de leurs caractéristiques, ils ne connaissaient pas l'utilisation des outils pour en exploiter les potentiels. Bref, ils manquaient d'expérience dans un atelier. Il n'avaient pas eu l'occasion comme moi de voir un père, un frère, d'autres employés trouver des solutions à différents problèmes. Ils n'avaient pas fait différentes expériences pertinentes sur lesquelles s'appuyer pour répondre aux exigences de ce défi. Ils n'avaient pas vécu des succès et des échecs dans leur tentative de résoudre des problèmes de natures techniques utilisant du bois ou du métal pour faire des constructions. Et ils n'avaient même pas le sens fin d’observation ou le bon sens simple de copier le prototype que vous voyez sur cette photo!

Ceci m'amène à la conclusion que cette compétence que l'on se propose de faire développer dans la salle de classe  ou en atelier est un bricolage intellectuel plus ou moins pertinent pour la vie. Sur un chantier, on trouvera généralement dans une équipe des ouvriers d'expériences qui auront avec les années développé une excellente créativité à résoudre les problèmes liés à leur domaine. 

Bref, on s'attaque à un objectif qui ne peut être atteint qu'après bien des années de mobilisation d'une certaine attention à des problèmes typiques au domaine, mais on peut certainement tout de même mettre les jeunes devant des défis de résoudre des problèmes  à l'école sans en faire une fin quant aux chances de se développer avec une certaine pertinence pour un domaine particulier.

Les autres compétences transversales

On pourrait certainement en dire long sur chacune des compétences transversales.

Ainsi, savoir exploiter l'information est une aptitude qui aussi se spécialise et prend des visages multiples en fonction des différents métiers que l'on pourra exercer dans sa vie. Dans mon métier, c'est une compétence assez importante, mais elle ne s'exerce pas comme elle le serait dans un contexte de journalisme, ou dans celui d'un éditeur ou d'un chercheur ou même d'un cadre dans une entreprise. L'école peut bien montrer sa dimension intellectuelle, elle trouvera des visages d'expression assez multiples dans la vie des gens. Ce serait, je pense, une utopie de pouvoir cerner l'ensemble de ces visages et d'abstraire un jugement global dans le développement de cette faculté qui comporte des facettes intangibles si on la considère comme une compétence générique.

Le jugement critique est une compétence tout aussi fortement colorée par le domaine où elle s'exerce et qui suppose évidemment sa connaissance étendue et aussi une certaine expérience de la culture du domaine qui aura permis de cerner l'essentiel de l'accessoire et la valeur des productions qu'on y trouve. A l'école, on ne peut souvent que faire faire une appréciation très amateur de domaines qui demeurent généralement étrangers pour les jeunes qui posent leur regard sur des réalités nouvelles qu'on leur fait aborder.

On pourrait certainement en dire autant des autres compétences proposées par le MELS: mettre en oeuvre sa pensée créatrice, se donner des méthodes de travail efficaces, exploiter les technologies de l'information et de la communication, actualiser son potentiel, coopérer et communiquer de façon appropriée. Ces compétences, qu'on reconnait se développer dans différentes sphères de l'activité humaine, prennent des visages très différents selon le domaine où elles s'exercent. Une connaissance approfondie du domaine et une longue expérience permettent de raffiner ces qualités remarquables que l'on voit développées chez certains experts dans leurs domaines propres.

Il reste que dans l'état de bourgeonnement dans lequel on peut les trouver chez un jeune qui est confronté au milieu scolaire qui lui fait vivre des expériences typiques du milieu scolaire, il apparait prétentieux de poser des jugements sur le fonctionnement d'un jeune pour ces différentes compétences à développer. On devrait d'ailleurs parler bien davantage d'aptitude ou de potentiel que de compétences qui supposent un acquis.

Un enseignant peut dans l'expérience qu'il vit avec ses jeunes faire à l'occasion des appréciations sur le développement du jeune dans le cadre des cours qu'il fait vivre à ses jeunes. Il est rarement en mesure de poser un jugement clair sur l'ensemble des réalisations d'un jeune à l'école. En fait, il le fait déjà souvent dans le cadre de compétence disciplinaire dont il s'occupe prioritairement: un enseignant de français observe régulièrement le potentiel du jeune pour la communication en lui faisant vivre des situations de production orale et constate souvent l'impertinence de son jugement critique tout à fait normale pour un jeune encore en train de s'imprégner des différents éléments de la culture générale dans laquelle il se développe. Il peut apprécier le fait qu'un jeune utilise ou  non les méthodes qu'il enseigne pour améliorer ses performances dans les productions typiques qu'un cours de français exige.  Un enseignant de français peut à l'occasion amener des jeunes à exploiter les informations ou à utiliser les ressources de la technologie de l'information, mais ces qualités qu'on doit solliciter pour produire de l'écriture ou des oraux demeureront des approches approximatives, partielles et trop rares pour permettre d'approfondir et de développer des aptitudes de haut niveau en ces domaines. Et tant qu'une exigence liée à un niveau de compétence spécifique propre aux nécessités d'un certain boulot n’est pas là, il est puéril de structurer une méthode appropriée d'exploitation des technologies de l'information. (D'ailleurs, quand on voit le programme idéologique parsemé de légendes pédagogiques que nous a produit le MELS avec sa réforme, sans tenir compte de la recherche crédible, il y a quelques-unes de ces formidables compétences que nous aurions aimé voir s'exprimer dans l'effectif humain de ce directif organisme.)

De même, un enseignant de math, s'il a beaucoup de mal à voir ce que son collègue de français examine régulièrement, pourra avec plus d'acuité observer la capacité à résoudre des problèmes, mais toujours dans les limites de la culture du cours de maths. Il pourra aussi évaluer la capacité du jeune à utiliser les méthodes de travail qu'il lui enseigne pour surmonter les défis reliés à sa matière.

On pourrait ainsi faire le tour des matières pour bien établir que l'enseignant ne pourra qu'apprécier que certaines des compétences transversales et avec les limitations que confère sa situation d'observateur dans le cadre de l'expérience pédagogique propre à sa matière.

Enfin, on soulèvera le fait que nous rencontrons beaucoup de jeunes dans une année scolaire et nous aurons en plus quelques difficultés à nous souvenir des particularités propres de dizaines de jeunes, voire de centaines pour certains.

Pour toutes ces raisons, il n'est pas étonnant d'entendre l'unanimité d'un jugement critique de l'ensemble de la profession qui me semble donc assez fondé: les compétences transversales ne sont pas vraiment évaluables et  cette demande toujours répétée de nous prêter à cette évaluation des plus amateur est un embêtement dont on se passerait franchement.

 Bref, quand en finira-t-on avec les compétences transversales?


jeudi 3 juillet 2014

Les gestes et la responsabilité de l'autorité (parallèle entre la gestion de classe et devenir un bon chef de meute pour son chien)

Hier, nous parlions de notre poilu à 4 pattes autour de la table sur la petite terrasse vraiment sympathique que nous avons à ma nouvelle maison. Prendre un repas dehors en ce moment à profiter du temps clément que nous avons en plus est vraiment un moment de grand bien-être après ces mois de concentration et d'action.

Le fils de ma conjointe est là en ce moment. Il est venu vivre avec nous, il émigre au Canada. 

Bref, nous parlions du chien qui, selon Fils, n'écoute pas vraiment! Bon, j'ai un point de vue assez différent et je le lui expliquais. On peut faire un parallèle évident pour la gestion de classe, ce que je ferai plus loin dans cette réflexion sur la manière de gérer l'autorité.

J'ai souvent fait le tour de la petite ville que nous habitions ces derniers mois sans laisse à diriger ce chien qui n'écoute pas par quelques commandes de voix et surtout par des gestes de la main, dont j'ai remarqué l'efficacité pour bien faire comprendre à l'animal mes intentions. Je fais, par exemple, des rotations de la main pour lui indiquer de changer de côté après avoir vainement cherché à lui faire comprendre le concept de gauche et de droite! Ce grand village tassé qui disparait sous des tonnes de neige l'hiver est aussi rempli d'une population canine assez impressionnante. Les gens aiment les chiens dans ce coin de pays. 

Bref, ceux pour qui le monde canin n'est pas étranger comprendront que ce facteur de population peut être assez perturbant pour quiconque comme moi déteste les laisses et aime relever le défi de trouver une communication efficace et préventive pour diriger son animal. D'ailleurs dans ce coin de pays, on croise régulièrement des  maitres qui tiennent péniblement la laisse de leur chien qui manifeste en tous cas leur intention d'aller là où il voudrait aller!

Enfin, j'ai croisé des chiens cet hiver que mon chien aurait évidemment souhaité flairer de plus près et il ne me quittait pas d'un mètre, et ce, sans aucune laisse.

Ma chienne, comme tous les membres de sa race, a ses caractéristiques: elle aime flairer tout ce qui dégage une odeur, elle est chasseresse comme pas une: gare à la perdrix idiote qui ne l'a pas vue arriver, les lièvres n'ont qu'à bien se tenir. Bref, l'instinct est fort chez cet animal que nous avons adopté au nord il y a 3 ans et, si on ne tient pas compte de cela, on peut trouver que l'animal n'écoute pas...

Bien exercer l'autorité avec un tel animal, qui n'a rien à voir avec le précédant chien que j'ai eu qui était nettement moins obsédé par cette envie irrésistible de sauter sur tout ce qui bouge, suppose que je reste concentré sur l'état d'esprit de mon animal et que j'intervienne régulièrement pour détourner son attention pour éviter qu'elle ne s'excite au point de ne plus se contrôler. Bref, je dois garder le contact avec mon chien. J'ai compris ce principe en regardant comme d'autres ce maitre qu'on voit à la télé ces dernières années  et qui soigne les chiens traumatisés ou les bêtes dont les maitres n'arrivent plus à contrôler certains comportements indésirables. Le controversé César m'épate pas mal avec son approche des animaux. Si on suit bien ce qu'il dit, il applique à toute situation un nombre très réduit de principes de gestion des comportements animaux. Il faut se comporter en chef de meute avec son animal. Et cela consiste surtout à entrer dans une certaine relation avec son animal généralement dans un moment clé où peut s'établir cette relation: dans la marche quotidienne. D'ailleurs, César intervient régulièrement sur les animaux en nous parlant de cet état de calme à faire vivre aux animaux, à ce niveau d'excitation à contenir pour éviter les comportements souvent instinctifs, ces décharges d'énergies incontrôlées que l'animal va manifester dans certaines situations si on n'intervient pas pour garder son niveau d'excitation. D'ailleurs, ces interventions curatives consistent le plus souvent à faire vivre à l'animal ce calme  dans les situations où il perdait le contrôle.

Bon évidemment, il emmène aussi les chiens vivre la meute pour leur apprendre les bons comportements de meute. Il n'y a rien à faire ou presque sinon que de laisser les chiens eux-mêmes s'éduquer en contrôlant les débordements possibles surtout si le chien n'a aucune culture de la meute et se comporte sans respecter les hiérarchies. 

De ce côté, mon chien connait très bien le code canin, car elle a passé les premières années dans un milieu où la meute du village le lui a appris. Régulièrement, nous la lâchions pour la laisser vivre avec ses congénères. Dans le nord, enfin chez les autochtones, on rencontre souvent de ces bandes de chiens libres en cavale dans le village. 


Je dirais que le problème de la plupart des chiens que nous rencontrons dans nos marches vient souvent de leur peur quand il rencontre d'autres chiens, ils ne savent pas comment se comporter avec les autres chiens. 

Enfin bref, quand on ne connait pas ces paramètres, il peut s'avérer plus difficile d'améliorer l'état d'esprit de son animal et de développer une relation avec lui et on peut ainsi déclarer qu'un animal n'écoute pas sans vraiment savoir que si on se donnait la peine de développer une relation avec ce dernier, on aurait certainement un autre point de vue sur l'animal.

C'est pourtant simple avec un animal qui a une connaissance des principes de la meute. Il faut créer un contact régulier avec lui, par des gestes, des rappels à l'ordre, des marques d'affection quand il écoute, lui faire tenir sa place régulièrement qui est de marcher derrière pour établir que nous sommes le chef de meute. Il faut bien entendu prendre la responsabilité de ce rôle et l'assumer correctement et aussi arrêter de s'attendre que le chien va obéir au doigt et à l’œil sans que nous aillions à travailler pour obtenir ce résultat.

Gérer une classe est en gros similaire. Évidemment, différence évidente, les élèves se présentent en groupe et ce sont des humains bien évidemment! Mais si on veut avoir de l'impact et créer une bonne atmosphère, il m'apparait important d'apprendre à bien se comporter comme chef de la meute humaine.  Il est impératif de garder une attention à la classe et à ses membres pour gérer le niveau d'excitation du groupe et de garder son calme et sa confiance pour rétablir le calme sans créer d'autres problèmes en manifestant une excitation de colère qui va se répercuter dans le groupe pour un effet contraire à ce qu'on veut obtenir. Bref, une bonne gestion de classe suppose qu'on intervienne régulièrement pour contrôler le niveau d'excitation de ses membres. Et ceci s'obtient assez simplement dans l'habileté à rétablir le contact régulièrement avec les membres qui s'excitent facilement. Quand on réussit à les apaiser par des contacts qui peuvent être des gestes, des paroles, des approches avec des interventions rapides, on s'évite bien des débordements.

On peut aussi éduquer son groupe à se désorganiser juste un peu et à le ramener à l'ordre. Le faire régulièrement d'ailleurs augmente l'efficacité dans notre capacité de reprendre le contrôle. Évidemment, il faut développer son langage avec le groupe, ses codes, ses gestes. Cela fait, on peut laisser le niveau d'excitation monter et savoir qu'on va tranquillement reprendre le contrôle en moins d'une minute.

Depuis que je vois ma gestion de classe comme une gestion de l'énergie d'excitation de mes groupes et de ses membres, j'obtiens de bien meilleures atmosphères de classe. Bon, ce n'est pas aussi simple qu'il y parait et on n'arrive pas toujours à bien garder cette attention à la classe puisque nous sommes dans le multitâche complexe minute après minute.

Enfin, comme avec les animaux, il faut veiller à faire en sorte que le groupe réponde à ses besoins propres. Le besoin irrépressible de socialiser que nous pouvons observer, par exemple, il faut s'arranger pour le gérer. Je trouve toujours un moment pour laisser mon chien répondre à son besoin de sniffer partout. Je le laisse régulièrement partir faire sa ronde ou aller devant pour le rappeler avant qu'il ne m'oublie! D'ailleurs, plus je le laisse faire sa ronde et que je le rappelle, plus il revient aisément. Il faut aussi que je comprenne que parfois un site de «snouffage» odorant peut être pour ma chienne très intense. Qu'elle peut mettre plusieurs longues secondes d'entêtement à bien sentir cette odeur avant de me revenir.

Aussi, on peut laisser le temps aux jeunes de socialiser: je donne des micros récrés régulièrement. Je me souviens d'une prescription de laisser un trois minutes pour socialiser quand les jeunes se mettent au travail en équipe. Et j'ai observé que ça fonctionne bien. Le fait de leur donner un moment pour répondre au besoin très humain de faire contact avant de se mettre au travail au lieu de chercher à empêcher cette force naturelle de s'exprimer va créer des conditions gagnantes pour un bon climat de travail. Parfois, il faut perdre du temps pour en gagner.

Enfin, pour arriver à tout cela, je pense qu'il faut prendre la responsabilité et le temps de bien établir la relation d'autorité que nous avons besoin  pour bien conduire un groupe dans une atmosphère favorable aux apprentissages. C'est surtout important quand on a les plus jeunes qui s'excitent facilement et qui n'ont pas parfois encore intégré tous les codes de la meute.  Je me rappelle avoir pu perdre du temps parce que j'étais simplement un suppléant avant d'avoir ma charge et mes objectifs d'apprentissage. J'ai passé un bon trois-quart d'heure à apprendre les noms des élèves en jouant avec les mots et les liens qui me venaient et à plaisanter avec d'autres associations que le groupe générait pour m'aider quand ils ont compris que j'apprenais leurs noms de cette manière. Les gens sont très heureux qu'on leur accorde une attention particulière et le fait de les interpeler par leur prénom est déjà un grand pas dans cette direction. Cette perte de temps a tellement servi par la suite que je crois  que mes premiers cours ne seront jamais plus les mêmes dorénavant. 

Encore récemment, dans une soirée de «party» de profs de fin d'année, j'ai pris le temps d'apprendre les noms de conjoints de profs que je ne connaissais pas en plaisantant sur cette difficulté tout en répétant au moins 4 fois leur prénom dans les secondes qui ont suivi les présentations. Le sourire illuminé des gens quand je les interpelais par leur nom plus tard dans la soirée m'a confirmé que nous adorons que les gens nous portent une attention positive et particulière. L'art de la relation est à rechercher dans ces petits détails qui font une différence.



mardi 1 juillet 2014

Quand on décompresse! (Bilan: première partie)

La mission est terminée. Retour à la maison depuis quelques jours et, sans être malade, je me sens un peu vidé. Les siestes sont bonnes! J'ai ma maison rénovée l'an dernier, qui m'interpelle avec ses mille petits détails à finir, mais l'énergie est basse ces jours-ci.

Je remarquais ces derniers jours, rêver d'école. Tous les gros noyaux conflictuels sont revenus se souvenir à moi sous forme de mises en scène métaphoriques, comme dans une évacuation du stress des derniers mois. Enfin, se rappeler pour être rapidement oublié... C'est la magie de la machine de l'hygiène psychique.


J'ai le projet de coucher sur papier un bilan au sujet de ces derniers mois. Je commence.

Enseignement des maths

Au cours des derniers mois, j'ai renoué avec cette matière qui se découpe bien en  petites unités d'enseignement. Les objectifs sont clairs, même si le matériel didactique est souvent défectueux ou à éplucher pour en repérer les écueils. Je suppose que ceux et celles qui conçoivent du matériel ont le souci de bien couvrir les objectifs des programmes et de susciter l'intérêt des jeunes en les mettant au défi, question après question, mais, dans le feu de l'action, à gérer les difficultés des jeunes d'un groupe où tous les niveaux de talents pour la matière s'observent, on souhaiterait un peu moins de surprises et plus de progressions douces du niveau de difficulté. Il est notable de remarquer dans les exercices proposés aux jeunes des séries trop courtes d'apprentissages fondamentaux et de constater qu'on mène de front bien des apprentissages dans une même page d'exercices.

J'ai pallié à cette difficulté en incorporant à mes présentations théoriques où je présente les notions et les fais noter comme on a l'habitude de le faire dans la culture de cette matière des exercices clés à réaliser en groupe pour préparer les jeunes aux exercices. Je sélectionne évidemment les exercices à faire en triant l'essentiel de l'accessoire: il faut y mettre du temps. Mes courtes expériences du travail en dyade de fin d'année m'ont permis d'observer de visu l'efficacité à trouver dans de telles séquences.

Plus d'enseignement efficace.

Si j'enseigne à nouveau cette matière prochainement, j'aimerais davantage transformer la pratique de cet enseignement en un format de l'enseignement efficace. Moins de notes de cours qui consomment beaucoup de temps pour peu de résultats et plus de courtes expositions d'enseignement efficace en démontrant avec de multiples exemples, suivis d'exercices à faire en pratique guidée en dyade avant de passer aux exercices. Comme je le lisais sur un blogue, le temps en enseignement est précieux, on ne doit pas trop le perdre avec des pratiques qui en consomment beaucoup pour peu de rendement. Prendre des notes est certes utile dans la vie. Mais, quand on est jeune, ce n'est peut-être pas le moment le plus approprié pour en prendre l'habitude. En même temps, j'ai observé aux niveaux supérieurs du secondaire des jeunes vraiment utiliser leurs notes pour travailler avec une certaine autonomie. J'en ai même vu plusieurs conserver les notes des années antérieures et y référer au besoin. Avant de chambouler une tradition qui a ses réussites, on doit peut-être rester prudent.

Les devoirs à la maison, les outils de révision, et... la délicate question de l'adaptation du matériel

Au niveau inférieur, j'ai eu recours à l'emploi de devoirs à la maison soutenus pour des résultats palpables. J'ai craint longtemps d'avoir négligé ce facteur déterminant aux niveaux supérieurs, mais en constatant la réussite globale, massive et à des niveaux inespérés de ces élèves aux évaluations ministériels, je dois avoir bien fait le boulot. En tout cas, j'ai mis beaucoup d'énergie à donner aux jeunes des documents de révisions pour bien les préparer aux évaluations. Bon, honnêtement, je n'ai pas respecté toutes les règles de l'art dans la préparation de ces documents où j'ai pigé allègrement dans les différentes sources disponibles sans les citer et sans me soucier toujours des contraintes impossibles qu'on nous demande de respecter: je ne savais pas que nous sommes dans l'interdit de constituer des documents de révision qui sont des repiquages et assemblages de différentes sources. Il parait qu'on doit respecter l'intégrité des documents, même ceux dont on a les droits étendus pour la reproduction, ils ne peuvent être utilisés pour constituer des documents maison de révisions. Honnêtement, si on veut m'empêcher de faire mon boulot qui est de trier, organiser, canaliser les efforts des jeunes en fonction des objectifs de réussite à atteindre, il n'y a pas mieux pensé que ce carcan de règles dont je ne nommerai pas le principe pour attirer l'attention (ou la foudre!) des militants de ces causes nobles d'un autre point de vue.

Adapter du matériel mal pensé ou peu approprié pour les élèves qui sont là, en ce moment, avec moi, dans mes classes est un gros morceau de mon impact. Quand je pense qu'on paie des droits pour venir ensuite se faire contrôler et vérifier qu'on respecte ce carcan jusqu'en donnant à certains profs sans compensation l'obligation de noter exactement la source de tout ce qui est photocopié. L'organisme (je ne savais pas qu'existait ce COPIMACHIN DE BEC!) en question vient contrôler l'an prochain le milieu que je quitte en ce moment: je crois que j'aurais mal vécu ce passage si j'étais resté. Ce système est simplement mal pensé pour la pratique des enseignants qui se veulent efficaces et on est obligé par son existence de se placer dans une position délicate.

Je m'explique.

Je comprends que l'on devrait respecter le gagne-pain de certaines personnes qui contribuent à créer les exercices que nous pouvons utiliser pour faire l'éducation publique. 

D'un autre côté, l'école a les moyens de se payer les droits pour une méthode par matière et par niveau, souvent choisie à la hâte. Dans les dernières moutures en plus, les méthodes arrivaient par pièces pendant l'année. Enfin, une méthode comporte généralement beaucoup de limites qu'on découvre à l'usage avec les élèves. 

Ensuite, dans nos écoles, de multiples exemplaires de cahiers d'exercices divers foisonnent sur les rayons de nos bureaux d'enseignants. On nous les envoie pour les faire acheter aux élèves. Mais bon honnêtement, on ne peut les faire tous acheter, et même pas 2 exemplaires. Dans ce monde idéal, jamais personne ne dépasserait les quotas d'utilisation de ces ressources disponibles, mais dans la pratique j'observe deux comportements d'enseignants: ceux qui généralement ne se posent pas beaucoup de questions et qui utilisent la méthode achetée sans prendre de risque. Et d'autres qui pigent sans trop se faire de complexes pour atteindre les objectifs de l'enseignement en se tapant de devoir faire des corrigés régulièrement. Je vous laisse deviner où je me situe.

Je ne tiens pas vraiment de registre de ce que je photocopie pour les jeunes, pour la simple raison que je n'ai pas que ça à faire. Et honnêtement, si on devait m'imposer de le faire, je remettrais probablement sur-le-champ ma lettre de démission pour la simple raison que je ne vois pas comment je pourrais alors faire un bon boulot d'enseignant.

J'ai l'air de me fouter des règles et ce n'est pas loin de cela!

Mais disons que tout ce système semble avoir été pensé par des messieurs ou des madames en complet propre qui n'enseigne pas sur le plancher des vaches. On ne peut, parait-il, réclamer de ces fameux droits si on produit du «matos» dans le cadre de son travail pour un employeur qui alors a le droit, lui, de réclamer ces droits en son nom ou celui de sa compagnie.

Alors je pose simplement la question: pourquoi ne pas faire produire du «matos» par des enseignants dont on dégagerait une partie de tâche d'enseignement pour cette fin: mettre à la disposition des enseignants une variété étendue de matériel didactique , testé sur le terrain, libre de droits et qu'on arrête de nous faire sentir coupable pour une nécessité vitale du métier? Évidemment, une telle option remettrait en cause le gagne-pain de certains messieurs et madames en complet et leurs contrôleurs probablement tout aussi en complet propre typique d'une certaine classe de moralistes...

C'était ma montée de lait exprimé à couvert dans un monde mal foutu...

(À suivre)