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jeudi 3 juillet 2014

Les gestes et la responsabilité de l'autorité (parallèle entre la gestion de classe et devenir un bon chef de meute pour son chien)

Hier, nous parlions de notre poilu à 4 pattes autour de la table sur la petite terrasse vraiment sympathique que nous avons à ma nouvelle maison. Prendre un repas dehors en ce moment à profiter du temps clément que nous avons en plus est vraiment un moment de grand bien-être après ces mois de concentration et d'action.

Le fils de ma conjointe est là en ce moment. Il est venu vivre avec nous, il émigre au Canada. 

Bref, nous parlions du chien qui, selon Fils, n'écoute pas vraiment! Bon, j'ai un point de vue assez différent et je le lui expliquais. On peut faire un parallèle évident pour la gestion de classe, ce que je ferai plus loin dans cette réflexion sur la manière de gérer l'autorité.

J'ai souvent fait le tour de la petite ville que nous habitions ces derniers mois sans laisse à diriger ce chien qui n'écoute pas par quelques commandes de voix et surtout par des gestes de la main, dont j'ai remarqué l'efficacité pour bien faire comprendre à l'animal mes intentions. Je fais, par exemple, des rotations de la main pour lui indiquer de changer de côté après avoir vainement cherché à lui faire comprendre le concept de gauche et de droite! Ce grand village tassé qui disparait sous des tonnes de neige l'hiver est aussi rempli d'une population canine assez impressionnante. Les gens aiment les chiens dans ce coin de pays. 

Bref, ceux pour qui le monde canin n'est pas étranger comprendront que ce facteur de population peut être assez perturbant pour quiconque comme moi déteste les laisses et aime relever le défi de trouver une communication efficace et préventive pour diriger son animal. D'ailleurs dans ce coin de pays, on croise régulièrement des  maitres qui tiennent péniblement la laisse de leur chien qui manifeste en tous cas leur intention d'aller là où il voudrait aller!

Enfin, j'ai croisé des chiens cet hiver que mon chien aurait évidemment souhaité flairer de plus près et il ne me quittait pas d'un mètre, et ce, sans aucune laisse.

Ma chienne, comme tous les membres de sa race, a ses caractéristiques: elle aime flairer tout ce qui dégage une odeur, elle est chasseresse comme pas une: gare à la perdrix idiote qui ne l'a pas vue arriver, les lièvres n'ont qu'à bien se tenir. Bref, l'instinct est fort chez cet animal que nous avons adopté au nord il y a 3 ans et, si on ne tient pas compte de cela, on peut trouver que l'animal n'écoute pas...

Bien exercer l'autorité avec un tel animal, qui n'a rien à voir avec le précédant chien que j'ai eu qui était nettement moins obsédé par cette envie irrésistible de sauter sur tout ce qui bouge, suppose que je reste concentré sur l'état d'esprit de mon animal et que j'intervienne régulièrement pour détourner son attention pour éviter qu'elle ne s'excite au point de ne plus se contrôler. Bref, je dois garder le contact avec mon chien. J'ai compris ce principe en regardant comme d'autres ce maitre qu'on voit à la télé ces dernières années  et qui soigne les chiens traumatisés ou les bêtes dont les maitres n'arrivent plus à contrôler certains comportements indésirables. Le controversé César m'épate pas mal avec son approche des animaux. Si on suit bien ce qu'il dit, il applique à toute situation un nombre très réduit de principes de gestion des comportements animaux. Il faut se comporter en chef de meute avec son animal. Et cela consiste surtout à entrer dans une certaine relation avec son animal généralement dans un moment clé où peut s'établir cette relation: dans la marche quotidienne. D'ailleurs, César intervient régulièrement sur les animaux en nous parlant de cet état de calme à faire vivre aux animaux, à ce niveau d'excitation à contenir pour éviter les comportements souvent instinctifs, ces décharges d'énergies incontrôlées que l'animal va manifester dans certaines situations si on n'intervient pas pour garder son niveau d'excitation. D'ailleurs, ces interventions curatives consistent le plus souvent à faire vivre à l'animal ce calme  dans les situations où il perdait le contrôle.

Bon évidemment, il emmène aussi les chiens vivre la meute pour leur apprendre les bons comportements de meute. Il n'y a rien à faire ou presque sinon que de laisser les chiens eux-mêmes s'éduquer en contrôlant les débordements possibles surtout si le chien n'a aucune culture de la meute et se comporte sans respecter les hiérarchies. 

De ce côté, mon chien connait très bien le code canin, car elle a passé les premières années dans un milieu où la meute du village le lui a appris. Régulièrement, nous la lâchions pour la laisser vivre avec ses congénères. Dans le nord, enfin chez les autochtones, on rencontre souvent de ces bandes de chiens libres en cavale dans le village. 


Je dirais que le problème de la plupart des chiens que nous rencontrons dans nos marches vient souvent de leur peur quand il rencontre d'autres chiens, ils ne savent pas comment se comporter avec les autres chiens. 

Enfin bref, quand on ne connait pas ces paramètres, il peut s'avérer plus difficile d'améliorer l'état d'esprit de son animal et de développer une relation avec lui et on peut ainsi déclarer qu'un animal n'écoute pas sans vraiment savoir que si on se donnait la peine de développer une relation avec ce dernier, on aurait certainement un autre point de vue sur l'animal.

C'est pourtant simple avec un animal qui a une connaissance des principes de la meute. Il faut créer un contact régulier avec lui, par des gestes, des rappels à l'ordre, des marques d'affection quand il écoute, lui faire tenir sa place régulièrement qui est de marcher derrière pour établir que nous sommes le chef de meute. Il faut bien entendu prendre la responsabilité de ce rôle et l'assumer correctement et aussi arrêter de s'attendre que le chien va obéir au doigt et à l’œil sans que nous aillions à travailler pour obtenir ce résultat.

Gérer une classe est en gros similaire. Évidemment, différence évidente, les élèves se présentent en groupe et ce sont des humains bien évidemment! Mais si on veut avoir de l'impact et créer une bonne atmosphère, il m'apparait important d'apprendre à bien se comporter comme chef de la meute humaine.  Il est impératif de garder une attention à la classe et à ses membres pour gérer le niveau d'excitation du groupe et de garder son calme et sa confiance pour rétablir le calme sans créer d'autres problèmes en manifestant une excitation de colère qui va se répercuter dans le groupe pour un effet contraire à ce qu'on veut obtenir. Bref, une bonne gestion de classe suppose qu'on intervienne régulièrement pour contrôler le niveau d'excitation de ses membres. Et ceci s'obtient assez simplement dans l'habileté à rétablir le contact régulièrement avec les membres qui s'excitent facilement. Quand on réussit à les apaiser par des contacts qui peuvent être des gestes, des paroles, des approches avec des interventions rapides, on s'évite bien des débordements.

On peut aussi éduquer son groupe à se désorganiser juste un peu et à le ramener à l'ordre. Le faire régulièrement d'ailleurs augmente l'efficacité dans notre capacité de reprendre le contrôle. Évidemment, il faut développer son langage avec le groupe, ses codes, ses gestes. Cela fait, on peut laisser le niveau d'excitation monter et savoir qu'on va tranquillement reprendre le contrôle en moins d'une minute.

Depuis que je vois ma gestion de classe comme une gestion de l'énergie d'excitation de mes groupes et de ses membres, j'obtiens de bien meilleures atmosphères de classe. Bon, ce n'est pas aussi simple qu'il y parait et on n'arrive pas toujours à bien garder cette attention à la classe puisque nous sommes dans le multitâche complexe minute après minute.

Enfin, comme avec les animaux, il faut veiller à faire en sorte que le groupe réponde à ses besoins propres. Le besoin irrépressible de socialiser que nous pouvons observer, par exemple, il faut s'arranger pour le gérer. Je trouve toujours un moment pour laisser mon chien répondre à son besoin de sniffer partout. Je le laisse régulièrement partir faire sa ronde ou aller devant pour le rappeler avant qu'il ne m'oublie! D'ailleurs, plus je le laisse faire sa ronde et que je le rappelle, plus il revient aisément. Il faut aussi que je comprenne que parfois un site de «snouffage» odorant peut être pour ma chienne très intense. Qu'elle peut mettre plusieurs longues secondes d'entêtement à bien sentir cette odeur avant de me revenir.

Aussi, on peut laisser le temps aux jeunes de socialiser: je donne des micros récrés régulièrement. Je me souviens d'une prescription de laisser un trois minutes pour socialiser quand les jeunes se mettent au travail en équipe. Et j'ai observé que ça fonctionne bien. Le fait de leur donner un moment pour répondre au besoin très humain de faire contact avant de se mettre au travail au lieu de chercher à empêcher cette force naturelle de s'exprimer va créer des conditions gagnantes pour un bon climat de travail. Parfois, il faut perdre du temps pour en gagner.

Enfin, pour arriver à tout cela, je pense qu'il faut prendre la responsabilité et le temps de bien établir la relation d'autorité que nous avons besoin  pour bien conduire un groupe dans une atmosphère favorable aux apprentissages. C'est surtout important quand on a les plus jeunes qui s'excitent facilement et qui n'ont pas parfois encore intégré tous les codes de la meute.  Je me rappelle avoir pu perdre du temps parce que j'étais simplement un suppléant avant d'avoir ma charge et mes objectifs d'apprentissage. J'ai passé un bon trois-quart d'heure à apprendre les noms des élèves en jouant avec les mots et les liens qui me venaient et à plaisanter avec d'autres associations que le groupe générait pour m'aider quand ils ont compris que j'apprenais leurs noms de cette manière. Les gens sont très heureux qu'on leur accorde une attention particulière et le fait de les interpeler par leur prénom est déjà un grand pas dans cette direction. Cette perte de temps a tellement servi par la suite que je crois  que mes premiers cours ne seront jamais plus les mêmes dorénavant. 

Encore récemment, dans une soirée de «party» de profs de fin d'année, j'ai pris le temps d'apprendre les noms de conjoints de profs que je ne connaissais pas en plaisantant sur cette difficulté tout en répétant au moins 4 fois leur prénom dans les secondes qui ont suivi les présentations. Le sourire illuminé des gens quand je les interpelais par leur nom plus tard dans la soirée m'a confirmé que nous adorons que les gens nous portent une attention positive et particulière. L'art de la relation est à rechercher dans ces petits détails qui font une différence.



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