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samedi 21 novembre 2015

Lecture: la technique du résumé

Dans la série, on n'est pas là pour glander: la technique du résumé!

Ceux qui me connaissent doivent trouver que j'ai un peu une fixation sur cette stratégie. Je demande des résumés très souvent dans de multiples situations. J'ai des élèves du coin qui, par une association, rencontrent de mes autochtones des dernières années et j'aurais même une réputation en ce qui concerne les résumés!

Sur le plan du programme, un fanatique dans mon genre peut vous assurer que l'objectif de faire maitriser le résumé en quelques leçons en 3e et 4e secondaire en français est une farce peu comique. Il faut miser sur la persistance, sur plusieurs interventions et enfin sur des pratiques continues pour faire évoluer un jeune dans cette activité qui sollicite de sa part une certaine réflexion, de la relecture, des efforts de représentations de ce qui est lu et du destinataire. C'est une excellente pratique qui mène au questionnement sur le texte. 

Il y a longtemps que je soupçonne que les jeunes de nos jours ne lisent pas les romans quand les enseignants se mettent la tête dans le sable en leur donnant des beaux petits projets portfolio. Faire lire L'alchimiste et leur laisser le choix de faire l'activité très joliment multidisciplinaire de faire des dessins qui s'inspirent de l’œuvre a un impact assez nul sur l'élève en terme d'acquisition si ce dernier connait le moindrement les ressources du Web. Mes trois gars de 5e, l'année dernière, m'ont confirmé candidement n'avoir pas trop eu à lire de romans de tout leur secondaire quand il ne s'agit que de faire de coquets comptes-rendus de lecture.  Y a-t-il encore un enseignant qui fait lire Les dix petits nègres dans cette province? Faites la recherche. Vous serez sidérés... En long et en travers, tout est là de ce que vous pouvez imaginer comme matière prédigérée pour des travaux sur ce roman. Ça en devient presque ridicule de le lire.

C'est tellement la réalité que cette année quand j'ai dérangé le petit nid de douce paresse qui se vautrait en 4e et 5e secondaire, alors que j'ai expliqué`mes exigences, j'ai eu droit à des petites crises et déclarations assez significatives: «Je ne suis pas capable de lire moi, comment je vais faire!» (4e secondaire après au moins 15 œuvres obligatoires au secondaire) Bon, presque un cahier Canada plus tard, ce jeune a été tout à fait capable de  faire des résumés potables de 10 nouvelles jusqu'à maintenant. «Aille, j'ai jamais lu un roman de ma vie, c'est pas toé qui va me faire lire un roman». En tout cas, elle a peut-être sauté des lignes, mais elle a lu Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo depuis, je peux l'assurer.

Bref, je me donne peut-être de l'ouvrage (remarquez, c'est ma mission), mais je fais résumer chaque chapitre et, en plus, je fais même parfois du découpage à l'intérieur de ceux-ci pour m'assurer que mes élèves rapportent l'ensemble des éléments importants du chapitre et je contrôle 2 à 7 fois en cours de lecture l'avancée de ce travail sur un roman, selon mon énergie et les besoins. Et je ne me contente pas de traces! Je leur fais sortir des mots de vocabulaire aussi.  Enfin, j'ajoute à l'occasion des travaux à la fin de ces lectures: portrait, critique, dissertations, résumés synthèses, etc. Évidemment, difficile d'être aussi contrôlant avec des romans au choix. Mais bon, au début de l'année, ce n'est pas le moment: je leur montre le résumé. Bref, je fais avec les séries disponibles ou je fais lire 2-3 romans, quand il manque de grosses séries et fais faire des cercles de lectures et je lis moi-même les 2-3 romans. Je fais même les résumés parfois pour sentir la difficulté. Enfin, quand on a moins le temps, on repère assez vite certains élèves doués qui font d'excellents résumés qui serviront de comparatif pour porter des jugements et intervenir avec certains élèves.

Défaisons un mythe: j'ai des jeunes en première secondaire qui l'ont fait l'an dernier avec 5 romans et ils sont pourtant tous sortis avec une impression plus positive de la lecture que celle qu'ils avaient au début de l'année. On peut supposer qu'après avoir été forcé de lire 700-800 pages, on commence à en prendre l'habitude. Aussi, pour apprécier la lecture de roman, il faut en avoir au moins lu un au complet un jour... Enfin, tous ces jeunes savent mieux résumer que beaucoup de mes 4e et 5e secondaires de cette année, ce qui montre aussi que ma fixation n'est pas partagée par mes confrères.

Autre utilité: pour travailler un texte, je leur demande, à l'occasion, un 10 lignes qui résume l'extrait. Par la suite, les échanges s'en trouvent passablement bonifiés.

La faculté de synthèse en est une qui se travaille. J'ai besoin parfois d'une intervention d'une heure pour rectifier les différentes déviances que l'on rencontre dans cet exercice. Je lis avec le jeune un extrait et on discute de ce qu'il faut noter avec un modèle très simple: en gros, qui fait quoi? Et après? Après on raffine, en leur faisant mettre des explications occasionnelles, en les rendant attentif au changement de temps et de lieu, à l'entrée de nouveaux personnages qu'il faut un peu caractériser, à l'emploi des pronoms, etc. En 5e secondaire, j'encourage le commentaire occasionnel pour amorcer le résumé critique.

De nos jours, on leur fait faire mille trucs pour n'en maitriser aucun. Je reste convaincu qu'une bonne formation de base devrait reposer sur quelques pratiques qui structurent et qui devraient être largement partagées par les enseignants pour permettre aux jeunes de faire de ces techniques et connaissances centrales des automatismes qui permettent ensuite de construire en soi une représentation des savoirs et de posséder des instruments d'acquisitions. La technique du résumé pourrait être une de ces pratiques. Évidemment, je conviens que dans le contexte de tâche normale avec 90 élèves (ou même 120), ce peut être un peu lourd à gérer, mais bon il y a longtemps aussi que je croie que, pour faire apprendre, il faut beaucoup contrôler, et qu'en français notamment, nous avons trop d'élèves à nos charges pour vraiment encadrer significativement leurs apprentissages.

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