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samedi 16 octobre 2010

Le décrochage

Rien de nouveau sous le soleil. Des jeunes décrochent toujours.
 
Sur Cyberpresse, on peut lire ce matin «Le décrochage scolaire fait des ravages, mais encore faut-il comprendre comment il s'enracine. La commission scolaire des Premières-Seigneuries a sondé ses élèves pour en avoir le coeur net. Verdict?»

Les élèves perdent leur motivation devant leurs difficultés scolaires. Quelle nouvelle!

Après 10 ans d'école  réformée qui mise sur les projets significatifs, on devrait se réveiller. Il est clair depuis longtemps que l'école tournée vers une vision académique jusqu'en 5e secondaire ne parvient pas à répondre aux aspirations de tous les jeunes. Pour toute sorte de raisons, bien des jeunes ne se reconnaissent pas dans les activités de type scolaire. Ils n'y arrivent pas. Mais on s'entête toujours à dénier la réalité, à faire croire que leur estime de soi se brise quand on leur fait suivre d'autres chemins de développement que la classe devenue ordinaire. Non, l'estime de soi s'érode aux contacts prolongés avec le sentiment de ne pas être en mesure d'accomplir des  tâches et de n'avoir pas d'autres options pour développer son sentiment de compétence.

Enfin, il y en a un paquet aussi qui aurait pu y arriver si on ne les avait pas conditionnés à se sentir inefficaces dans des tâches trop complexes et ennuyeuses, en leur apprenant à s'en sortir pratiquement  en comptant sur le voisin, en intégrant que les classes sont un lieu de socialisation en attendant d'être grand à 25-30-35 dans une pièce assis à passer le temps en jouant à déstabiliser l'adulte en avant et en compensant l'estime de soi malmené dans la fierté finalement de mettre en échec le système scolaire!

Je travaille dans une école où l'on a réintroduit des filières de cheminement particulier et de cheminement individualisé parce que la situation était délirante, et même violente, en classe normale il y a quelques années. Le calme dans l'école est revenu.  Heureusement, le statut particulier de ces jeunes leur ouvre des portes de formations professionnelles plus facilement dès la 3e secondaire avec des matières de base. On travaille  en tout cas à voir comment faire cheminer cette clientèle avec des besoins particuliers. Au Québec, depuis 35 ans, on a fait le choix de fermer des écoles de métiers et de garder un nombre d'options fort limitées pour une certaine catégorie d'élèves qui ne fonctionnent pas dans la filière académique. Et l'attrait des technologies ou la pédagogie de projet ne changent pas la donne à ce sujet. Depuis, c'est le cul-de-sac qu'on tente de résoudre à grands coups de  «trousses de motivation»!

Si la guerre des changes pouvait faire en sorte qu'on paie plus cher pour les beaux produits de l'étranger émergeant, on finira peut-être par récupérer de l'industrie pour produire localement. Quand on en finira avec la logique des multinationales qui font du monde une communauté de continents spécialisés, on pourra peut-être retrouver un certain esprit collectif plus satisfaisant que l'enflure soufflée du web qui le parodie.

Une société qui compte spécialiser tous ses membres dans la même direction n'a pas compris quelque chose de fondamental. On ne va pas tous faire du multimédia dans 40 ans pour gagner sa vie, bien qu'on sera probablement nombreux à être capable d'en faire avec tous les moyens qu'on met à notre disposition. Mais une chose ne changera pas: tous les talents sont dans la nature répartis entre les membres de la communauté. Quand on dévalorise les aptitudes de certains pour un travail normalement utile dans une société équilibrée, il est tout à fait normal de décrocher et d'aller chercher ailleurs la porte de son salut.

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