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mardi 19 octobre 2010

Paradigmanalyse: thérapies éducatives de l'avenir!

- Faut que tu changes, Jo!
- Comment ça?
- Ben, t'es rempli de paradigmes et ce n'est pas bon.
- Tu déconnes, Livingston?
- Ben non, pas du tout, t'es rempli de façons de voir, de valeurs, de pensées désuètes?
- Moi?
- Ben oui Jo, tu n'en es pas conscient, mais tu es plein de préjugés.
- Wow Livingston, tu commences à me faire peur!
- C'est le but!
- Où est-ce que tu as appris cela?
- A l'université.
- Ils veulent qu'on change?
- Oui et, pour cela, il faut que tu prennes conscience de tes paradigmes parce qu'ils sont souvent inconscients.
- C'est une nouvelle forme de psychanalyse, Livingston?
- En quelque sorte, mais ici il s'agit d'ébranler tes paradigmes, c'est de la paradigmanalyse
- Je ne comprends pas trop la différence.
- Ben, c'est simple, quand tu vas en psychanalyse, généralement, tu ne vas pas trop bien, tu es déjà ébranlé par la vie et tu cherches à comprendre ton inconscient, pour changer ta manière de voir et rebondir dans ta vie.
- Ok, je vois et la paradigmanamachin?
- Elle, c'est différent, tu vas pas trop mal ni trop bien, c'est ça le problème. Mais quelqu'un veut que tu changes. Alors il va s'employer à ébranler tes paradigmes, tes convictions en fait, mais il va toujours utiliser le mot paradigme qui fait étrange et, en plus, t'es pas trop sûr du sens de ce mot-là, fait qu'il en profite pour te balloter dans tous les sens avec.
Il va te donner plein d'exemples de situation où les humains se sont plantés dans leur vision du monde pour te suggérer que toi aussi tu peux sans le savoir te planter. Il va te montrer que nous sommes pris dans des habitudes. Et que ces habitudes ne sont pas toujours adaptées. Il ne t'apprendra rien, mais tu vas être captivé par sa démonstration que l'homme est un indécrottable habitué des préjugés. Il te parlera de Copernic et de Galilée, de la vache folle et des réflexes de protections exagérés de l'humain. Des petits vieux qui ne savent pas ajuster une montre digitale ou un lecteur vidéo parce qu'ils ne connaissent pas le nouveau paradigme des boutons. Tout est bon, et les croyances irrationnelles dans le cours de l'histoire ne manquent pas.
- Le paradigme est aussi une manière de faire?
- Tout est paradigme, mon pot, selon eux.
- Ok, je commence à comprendre, Livingston. Mais je me demande où ça mène?
- Ben, à un petit glissement, généralement vers l'avenir. Les exemples du passé sont là pour préparer le futur, mon ami.
- Le futur?
- Ben oui, le futur est un changement qui s'en vient. C'est évident que, dans le futur, les choses vont changer. T'es d'accord?
- C'est évident.
- Et un futur qui change, sais-tu comment ça s'appelle, mon Jo?
- Je sens que tu vas me l'apprendre!
- Tiens toi bien: un futur qui change est une vision de l'avenir.
- Wow, c'est excitant ça, Livingston!
- C'est en plein le but, mon Jo, faut t'exciter avec la vision de l'avenir qui est belle, belle, belle et aussi plein de bébelles nouvelles.
- Mais où est donc le problème et pourquoi une paradigmanamachin?
- Paradigmanalyse, Jo, ne déformes pas tout. Ce sont tes vieux paradigmes d'impatience qui agissent sans que tu le saches.
- Ok, ok. Paradigmanalyse. Chu pas con, là. Mais je ne vois toujours pas le problème.
- Mais c'est simple, mon vieux, tu dois te préparer pour la vision. Tu dois changer ta manière de faire les choses.
 Tu vas résister au changement, c'est statistique, et c'est là ton problème.
- T'es sûr de ça, Livingston?
- Ils le disent à l'université, fait que... Et là, la paradigmanalyse commence vraiment: on t'explique ce que tu dois faire dorénavant et, à chaque fois qu'un malencontreux mais ou une objection se dessine en toi, on va te faire remarquer tes paradigmes inconscients.
- Astucieux, je dois dire.
- En fait, quand tu réagis, tu confrontes tes expériences de vie avec la nouvelle façon de faire. Et vu que c'est de l'inconnu,  tu te remplis de doute, et ce n'est pas trop sain pour la vision de l'avenir, tu comprends?
- Mais si ce n'est pas ma vision de l'avenir, Livingston, je vais peut-être comme tu dis résister ou enfin, ne pas changer ma manière de faire, tu ne crois pas?
- C'est là qu'intervient la paradigmanalyse, on va mettre l'accent sur ta résistance au changement et sur le dévoilement de tes paradigmes problématiques et te répéter que de toute manière l'avenir, lui, il change et que tu es fait à l'os mon vieux, si tu te maintiens dans ton confortable paradigme du présent. Tu vas être dépassé.
- Bref, j'ai un sacré problème!
- C'est le but, mon vieux, faire en sorte que tu aies un sacré problème de confort pour que tu te mobilises au changement et que tu diffuses la nouvelle vision toi aussi, que tu rejoignes les rangs éclairés de l'avenir qui change.
- C'est pas fou, Livingston! Mais bon, je m'adapte quand il faut et au fur et à mesure. Moi les boutons digitaux, ça fait longtemps que je sais comment ça marche même si j'aime bien les montres à aiguilles.
- Mais es-tu sur Facebook?
- Non, pourquoi?
- C'est un exemple. Tu vois, tu as un problème, car Facebook, c'est l'avenir mon vieux. Pourquoi n'es-tu pas sur Facebook?
- Ben, je sais pas, j'ai connu les réseaux sociaux du temps de mon célibat, avec les amies, les profils, les tchats rooms et tout le tra-la-la. J'avais une motivation à l'époque. Mais bon, j'ai finalement trouvé l'âme sœur sur la route, par hasard, dans la vie bien réelle et, depuis, je dois dire que je m'intéresse moins de passer mon temps à pianoter sur un clavier pour simplement discuter ou me montrer. C'est simplement une question de choix de vie, je vis avec les gens ici un peu plus et avec les gens au loin un peu moins.
- Tu fais une crise paradigmatique, mon vieux. Tu ne vois pas que tu laisses le progrès te dépasser. Que tu t'éloignes de la vision de l'avenir: le virtuel.
- Peut-être, Livingston, merci de m'en informer! Mais bon, je sens que tu veux me manipuler un peu, non?
- Moi non, mais les paradigmanalystes peut-être.

samedi 16 octobre 2010

Le décrochage

Rien de nouveau sous le soleil. Des jeunes décrochent toujours.
 
Sur Cyberpresse, on peut lire ce matin «Le décrochage scolaire fait des ravages, mais encore faut-il comprendre comment il s'enracine. La commission scolaire des Premières-Seigneuries a sondé ses élèves pour en avoir le coeur net. Verdict?»

Les élèves perdent leur motivation devant leurs difficultés scolaires. Quelle nouvelle!

Après 10 ans d'école  réformée qui mise sur les projets significatifs, on devrait se réveiller. Il est clair depuis longtemps que l'école tournée vers une vision académique jusqu'en 5e secondaire ne parvient pas à répondre aux aspirations de tous les jeunes. Pour toute sorte de raisons, bien des jeunes ne se reconnaissent pas dans les activités de type scolaire. Ils n'y arrivent pas. Mais on s'entête toujours à dénier la réalité, à faire croire que leur estime de soi se brise quand on leur fait suivre d'autres chemins de développement que la classe devenue ordinaire. Non, l'estime de soi s'érode aux contacts prolongés avec le sentiment de ne pas être en mesure d'accomplir des  tâches et de n'avoir pas d'autres options pour développer son sentiment de compétence.

Enfin, il y en a un paquet aussi qui aurait pu y arriver si on ne les avait pas conditionnés à se sentir inefficaces dans des tâches trop complexes et ennuyeuses, en leur apprenant à s'en sortir pratiquement  en comptant sur le voisin, en intégrant que les classes sont un lieu de socialisation en attendant d'être grand à 25-30-35 dans une pièce assis à passer le temps en jouant à déstabiliser l'adulte en avant et en compensant l'estime de soi malmené dans la fierté finalement de mettre en échec le système scolaire!

Je travaille dans une école où l'on a réintroduit des filières de cheminement particulier et de cheminement individualisé parce que la situation était délirante, et même violente, en classe normale il y a quelques années. Le calme dans l'école est revenu.  Heureusement, le statut particulier de ces jeunes leur ouvre des portes de formations professionnelles plus facilement dès la 3e secondaire avec des matières de base. On travaille  en tout cas à voir comment faire cheminer cette clientèle avec des besoins particuliers. Au Québec, depuis 35 ans, on a fait le choix de fermer des écoles de métiers et de garder un nombre d'options fort limitées pour une certaine catégorie d'élèves qui ne fonctionnent pas dans la filière académique. Et l'attrait des technologies ou la pédagogie de projet ne changent pas la donne à ce sujet. Depuis, c'est le cul-de-sac qu'on tente de résoudre à grands coups de  «trousses de motivation»!

Si la guerre des changes pouvait faire en sorte qu'on paie plus cher pour les beaux produits de l'étranger émergeant, on finira peut-être par récupérer de l'industrie pour produire localement. Quand on en finira avec la logique des multinationales qui font du monde une communauté de continents spécialisés, on pourra peut-être retrouver un certain esprit collectif plus satisfaisant que l'enflure soufflée du web qui le parodie.

Une société qui compte spécialiser tous ses membres dans la même direction n'a pas compris quelque chose de fondamental. On ne va pas tous faire du multimédia dans 40 ans pour gagner sa vie, bien qu'on sera probablement nombreux à être capable d'en faire avec tous les moyens qu'on met à notre disposition. Mais une chose ne changera pas: tous les talents sont dans la nature répartis entre les membres de la communauté. Quand on dévalorise les aptitudes de certains pour un travail normalement utile dans une société équilibrée, il est tout à fait normal de décrocher et d'aller chercher ailleurs la porte de son salut.

Déséducation

Le mot se répand comme une traînée de poudre dans la blogosphère. On attend la série de «webisodes» d'un enseignant sur la déséducation.


Je ne peux voir la bande annonce. Ici, dans mon patelin éloigné, Youtube est censuré pour des raisons pratiques de bandes passantes limitées et je fonctionne numériquement avec cette «connexion».  Bizarrement, je peux voir les Dailymotion.


Mais enfin, j'ai l'impression qu'on attend toujours le messie. Et que l'on vit en attente de quelque chose de meilleur pour le monde de l'éducation. En attendant, on répète ce gros mots: déséducation, ...,
déséducation, ...., etc.

Comme si on ne savait pas. En lisant l'histoire de cet anonyme dans les blogues et les journaux électroniques, qui prépare son entrée dans l'arène comme une pub bien rodée, j'ai l'impression de lire  la 4e de couverture de ce petit livre de Benoit Séguin sur lequel je suis tombé l'an dernier, Pour en finir avec l'éducation. Il publiait en 1996. 

Le terme a l'air à la mode en France, on parle de la Déséducation nationale pour critiquer le système là-bas.

Le terme renvoie étymologiquement à l'idée qu'on «sépare» les jeunes d'une véritable éducation. Comme d'habitude, tout ceux qui participent au débat peuvent y projeter leurs vues. Les tenants d'un pédagogie nouvelle vont répéter que la déséducation était l'école qu'on faisait avant le constructivisme et que la déséducation provient de la rigidité face au changement qu'ils proposent. Les critiques de ces approches nouvelles y attendent sûrement un autre allié pour pourfendre leur vis-à-vis institué ces dernières années qui est la cause de tous leurs maux. Parce qu'au fond, qu'est-ce que l'éducation? On ne s'entend pas même, de nos jours, sur le sens de ce terme.


Bref, on attend inquiets cette belle occasion de croiser le fer encore sur ces questions si juteuses!