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mardi 20 juillet 2010

Sur la route de Chlifa 2 ou parfois suivre son chemin en dépit du sens commun

Bon, je ne sais pas si je vais continuer dans les impertinences comme hier. Je vais donc essayer de reprendre la route de ce roman de Michèle Marineau que j'ai dû laisser hier pour d'autres occupations!

Bref, il y a deux jours, posant enfin ma première brique de la trilogie d'Avant Dune, rédigé par  le fils de Frank Herbert, Brian, et un certain Anderson à partir de quelques indications de feu le père (je recommence), j'ai pris un des romans de ma pile de romans jeunesse Sur la route de Chlifa.

J'avais lu Cassiopée ou l'été polonais pour un cours de roman jeunesse de le même auteure il y a bien des lunes et, dans mon souvenir, je me souvenais d'une écriture intéressante avec des personnages attachants fouillées psychologiquement.  Aussi je me disais que c'était probablement le bon bouquin pour entamer la tâche de me taper quelques romans jeunesse cet été. 


Bien, je n'ai pas été déçu. Captivé, j'ai passé au travers dans la journée. Le début nous plonge dans une classe  de 5e secondaire multiethnique au Québec avec toute sa couleur locale et moderne. Il est parfois désarmant de  reconnaître aussi crûment  la réalité de nos classes. On y retrouve notamment tout le sans-gêne et l'irrespect de certains jeunes qui constamment transgressent disons un certain niveau de langage, éructent, flatulent et tiennent des propos racistes et désobligeants. On se demande franchement où sont les adultes qui ne semblent pas vraiment gérer les débordements. Il est intéressant de voir tout le choc culturel que vivent la plupart des jeunes nouveaux arrivants aux constats de cet abandon de l'autorité à une certaine zizanie assumée par tous.

Mais bon, la peinture de cette discorde, qui serait accentuée par l'arrivée en classe en milieu d'année d'un jeune Libanais, mystérieux et fermé, qui suscitent les passions et les hostilités, est un prétexte pour raconter une autre histoire. En effet, ce climat va dégénérer en un événement dramatique assez surprenant que la suite va peu à peu éclairer.

On se retrouve donc à Berouth fin des années 80, où le jeune Karim avec la population tente de continuer une vie normale entre les bombardements d'une guerre oubliée, qui régulièrement reprennent de la vigueur, en passant des heures à attendre que ça cesse. Mais les drames vont s'enfiler. Car la guerre tue absurdement et au hasard des innocents. C'est ainsi que le premier béguin de Karim, Nada la belle, s'évanouit sous la destruction la plus aléatoire. Ce drame est l'occasion d'une rencontre: Karim découvre l'existence de la jeune soeur de 12 ans de sa défunte amie, Maha seule survivante de sa famille, avec son petit frère encore bébé, qui a une seule idée en tête: rejoindre Chlifa, un village à une centaine de kilomètres de Berouth. 


C'est le point de départ d'une longue expédition dangereuse  à la conclusion dramatique. C'est ainsi que le jeune et «parfait» Karim va se retrouver sans trop savoir pourquoi dans l'aventure la plus inconcevable: «A son grand étonnement, il se rend soudain compte que ce qui l'a décidé à partir, c'est justement le côté insensé de cette expédition par delà le mont Liban. Une expédition qui est aux antipodes de la vie qu'il mène depuis des mois. Le contraire de la peur, des cachettes souterraines, de l'inaction. Brusquement, Karim a le goût de vivre, pas de végéter.» (p.102)

Le récit de cette aventure où l'on découvrira le personnage haut-en-couleur de la jeune Maha vaut certes le détour. Initiatique pour le jeune Karim, l'expédition hasardeuse le mettra en question, mais aussi le mènera au traumatisme. Car ce livre est aussi dur, dur comme la réalité des bombes et l'horreur dont les hommes sont capables. Voilà donc un livre qui a le potentiel de susciter pas mal de discussions en classe.


Le livre a aussi l'intérêt de jouer adroitement dans différents niveaux de lecture dont la symbolique des lieux et des objets et de permettre un dialogue entre des réalités contrastée: entre les bombes de Berouth et la classe agitée dans la quiétude relative du Québec, on s'amusera à faire certains parallèles. Mais par dessus tout, j'ai été fasciné par la capacité de l'auteur de soulever le voile de l'univers intérieur des personnages qui justifient leur conduite en dépit du bon sens. Maha, à 12 ans, étonnamment ne se laisse absolument pas «formater». Comme je le soulevais hier, ces forces intérieures singulières et propres à chacun sont peut-être les grandes oubliés de notre époque normalisée. Je me suis plu à voir l'absurde de l'humanité transpirer de cette œuvre bien au delà des situations de guerres, ainsi qu'à constater sa surprenante capacité d'y survivre.

Enfin, on savourera de nombreux passages qui alimentent des réflexions intéressantes notamment sur la vérité, l'idéalisation du passé, la religion, l'oubli des drames et atrocités...

6 commentaires:

L'engagé a dit…

Je me souviens encore de lire «Cassiopée» à 12 ans, entre les histoires d'amour, de famille et d'école, on est initié à la poésie de la bicyclette et à celle de Paul Éluard.

Franchement avant-gardiste la Marineau, dans son roman suivant, le couple s'engueule à propos des cartes topographiques.

Pour les «avant-Dune», je dirais que tout amateur de la saga les lira par obligation, mais que les deux trilogies (celle des trois familles, puis celle du Jihad) et enfin la «suite» nous laissent un peu sur notre faim. Il y avait là du matériel pour faire un livre, pas 7, on sent malheureusement la volonté d'étirer la sauce uniquement pour l'argent.

Dommage.

Le professeur masqué a dit…

Si tu as envie d'un policier jeunesse: Rouge Poison. Simple. Efficace. Adoré par les élèves.

Jonathan Livingston a dit…

L'engagé: je ne sais pas comment sont reçus les romans de Michèle Marineau par les jeunes, je trouve qu'elle a l'art de partir de leur réalité et de les emmener dans des univers à découvrir.

Pour les Dune, j'y reviendrai si je trouve les mots pour en parler (l'univers d'Herbert est tellement riche), mais bon effectivement je suis content de replonger dans cette peinture fantaisiste et mythique des travers humains riche en symboles. Pour le moment, le changement d'auteurs ne me fatigue pas trop! Enfin, je ne crois pas que c'est pour l'action qu'on savoure l'univers de Dune, mais pour ses peintures de personnages fouillées, pour ses petites réflexions surprenantes...

PM: merci pour la suggestion!

Stéphanie Fortier a dit…

La route de Chlifa est un roman que nous devions lire dans un collège privé près de chez moi. Mon frère a dû le lire presque 5 ans plus tard pour les mêmes raisons.

En tant que prof et libraire dans une librairie près de chez nous, c'est un incontournable à conseiller aux jeunes qui veulent lire.

Je dois par contre avouer que ce roman est assez difficile à digérer pour les âmes sensibles, surtout vers la fin...

Autre suggestion... j'ai eu jadis, une enseignante qui a écrit un roman et ensuite deux autres:
Au sud du Rio Grande.(chez Pierre Tisseyre et par Annie Vintze)

Très intéressant et ça part aussi des intérêts des jeunes... un jeune lavalois qui part voir sa famille...
Le plus étonnant, c'est que j'ai passé deux années affreuses avec cette enseignante... elle est pourtant une excellente auteure!!!
bonne lecture d'été!

Anonyme a dit…

Je suis un élève du collège Notre-Dame du sacré coeur et le livre la route de Chlifa était très bien comme lecture. Ce livre a nécéssité plusieurs reflexion profonde. Tous les élèves de la classe a adoré ce livre. Même qu'on va lire plusieurs livres de Michèle Marineau.

Anonyme a dit…

Je suis un élève du collège Notre-Dame du sacré coeur et le livre la route de Chlifa était très bien comme lecture. Ce livre a nécéssité plusieurs reflexion profonde. Tous les élèves de la classe a adoré ce livre. Même qu'on va lire plusieurs livres de Michèle Marineau.