Pages

mardi 18 janvier 2011

Krach: la météo des prochaines années?

On passe en ce moment la série télé que les réseaux anglais et français ont produit sur le krach de 2008 en 4 épisodes. Je m'intéresse un peu justement à cette histoire depuis 2 ans comme cela, je me tiens au courant de l'évolution de cette crise. J'ai l'impression que le monde va connaitre une certaine mutation qui risque de changer pas mal de choses qu'on croyait acquises. Évidemment que dans un monde qu'on nous vend si stable et rassurant, on a toujours l'air de prendre le discours des illuminés quand on avance ce genre d'idées ou de préoccupations.

Mais bon, curieusement, en lisant la Trilogie berlinoise, trois polars dans le contexte de la montée d'Hitler et je me dis que tout peut changer bien vite dans un monde. Des tas de gens voyaient bien la dérive de ce parti s'installer, mais une orchestration des mentalités adroites a permis de faire de tout un peuple une machine de guerre implacable. J'ai vu aussi dernièrement un film sur le Rwanda, une femme qui échappait de justesse aux massacres devient peu à peu folle... Je me disais que je n'avais pas encore vu le film qui montre comment on a préparé les populations à s'approprier la vie et le bien des gens d'une manière radicale. Or, on sait que là aussi ça s'était préparé...  Bref, quand je vois ça je prends avec un bémol les exagérations de ceux qui tentent de nettoyer le monde des discours dévalorisants... Quand on laisse faire, il arrive parfois des horreurs... Tout cela pour dire que le monde peut changer vite des fois... et que l'illusion de permanence des systèmes ou d'un certain ordre social ne résiste pas à une lecture de l'histoire, même récente.


J'ai visionné le premier épisode de Krach sur Tout.tv en français et bon, comme d'habitude, on peut reprocher à ce genre de documentaire pour le grand public de demeurer à un niveau assez superficiel. Il y a quelques moments intéressants: la pègre russe qui entre dans les banques islandaises, ce hippie devenu trader britannique qui raconte le délire d'une époque récente à la City. La démesure de la plus haute tour à Dubaï, puis la descente de Lehman Brothers avec son incontestable et vindicatif directeur Dick Fuld qui dit qu'il souhaiterait «arracher le coeur et le manger» de ses traders qui lui font perdre de l'argent. Le caractère primitif de la métaphore a de quoi laisser perplexe.

La conclusion de ce premier épisode laisse assez perplexe aussi: après avoir décrit un système complètement sans contrôle qui faisait des affaires en or avec des titres merdiques qu'on fabriquait avec des pauvres qui n'avaient pas les moyens de se payer des maisons, dans un contexte global où l'on laissait faire des choses comparables un peu partout dans une frénésie globale de bulle spéculative probablement jamais vu à cette ampleur dans l'histoire, on conclue qu'on aurait pu sauver Lehman brothers si ce n'eut été de son chef maléfique, on aurait pu sauver cette banque ensuite si les Britanniques avait pris une part des actifs parmi les moins douteux (Eux les ont vu pourris et ne les ont pas pris). Qu'on aurait pu faire quelque chose un an avant quand on a compris le côté malsain juste avec des pare-feux contre une contagion mondiale...

Et aussi que la chute de Lehman a causé le tsumani des pertes d'emplois et des manifestations dans le monde. C'est d'une simplification qui gomme pas mal la responsabilité de l'ensemble des acteurs bancaires et politiques dans le monde. Qui oublie d'expliquer que tout cela est la conséquence aussi d'un système qui n'est pas viable et qui est en bout de course. L'industrie financière qui a une fonction de permettre des échanges et de pouvoir permettre aux individus et aux industries, l'économie réelle, de fonctionner ne peut devenir le coeur de l'économie et remplacer les jobs qui disparaissent dans les pays émergents ou avec l'automatisation pour continuer un monde en croissance permanente. Surtout quand on sait que depuis 2 ans, on n'a pas vraiment changé aucune règle du jeu, ou si peu, dans ce domaine et que les dominos continus doucement de tomber. La valeur spéculative des titres boursiers est toujours surévaluée avec une perception que les investissements rapporteront malgré les signes clairs que l'économie mondiale s'enlise toujours. Il arrive un jour où entretenir l'illusion qu'il y a toujours de l'eau dans la source ne tient plus: quand l'eau vient à manquer.

D'ailleurs, c'est à se demander si ce n'est finalement pas un documentaire préparé pour préparer les gens aux coupures reportées et annoncées qui vont commencer à prendre forme dans nos vies cette année. Et au pire qui s'en vient: quelque chose comme la fin d'un certain monde qu'on a connu. Le système avec ses idées forces pour maintenir les gens tranquilles: travailler, avoir du crédit pour consommer, avoir une retraite, avoir un état avec des services, avoir des moyens de faire profiter son argent si on épargne, tout ce système semble tranquillement en train de se fissurer.

Côté dominos et tsumani justement, la montée du prix du pétrole et des matières premières à cause des spéculateur, la montée de l'or et la frénésie boursière qui monte d'un cran en ce moment, qui ressemble au contexte de l'été 2008 avant la chute de Lehman, annonce selon plusieurs un autre krach dans les semaines ou mois qui viennent et celui-là risque de donner une réplique pas mal plus troublante, voire fatale, dans un monde où la confiance au système est sérieusement affaiblie. Les gros joueurs planquent leur argent... Tous les petits joueurs qui n'ont rien bougé ou qui tentent de se refaire vont se faire ramasser. Et pendant ce temps, cette inflation créée par les spéculateurs augmentent les prix de tout. Les pays pauvres dégustent...

Après avoir connu un certain âge d'or, nous allons être les témoins d'une période qui se prépare houleuse: hier Duvalier, le président dictateur d'Haiti mis à la porte du pays en 1986, a été annoncé de retour en Haiti, la Tunisie a connu dans les dernières semaines une crise sociale d'ampleur. A mon sens, ça ne fait que commencer...

http://www.tou.tv/krach

3 commentaires:

L'engagé a dit…

Si vous voulez comprendre autrement les questions économiques présentent à venir, je ne saurais trop vous recommander Jeff Rubin, «Un tout petit monde»; Peter Maass, « Pétrole brut » et Tar Sand, de Andrew Nikiforuk. Ces trois livres permettent de comprendre un peu mieux le rôle du pétrole dans l'économie et d'anticiper ce que sera l'économie dans avec un baril à 200$. «The end of food», de Paul Roberts explique les conséquences sur le plan alimentaire d'une production agricole et de la distribution alimentaire tributaire qui vivront tout un choc avec cette rareté du pétrole (l'auteur a aussi écrit «The end of oil»).

Vous vous intéressez à la critique du système, il faut absolument lire «23 things they don't tell you about capitalism, du Coréen Ha-joon Chang, un véritable «must» et j'oppose ce livre à «La terre est plate» de Thomas L. Friedman, qui se goure à mon avis, mais il est bon d'avoir une opinion divergente.

Je commente peu votre billet, je suis en général d'accord avec votre propos, mais comme je sais que les questions de fond vous intéressent, je vous assure que vous ne perdrez pas votre temps avec les lectures que je vous propose.

Bonne année

Jonathan Livingston a dit…

Merci pour les suggestions!

Paul C. a dit…

Bonjour,

Lire Naomi Klein - Shock Doctrine
sur le capitalisme du désastre.
La détresse, ça peut-être payant!

En passant, notre CS nous a fait parvenir une invitation:
http://www.pedago.ca/formations/index.php