Cette année, j'ai la chance incroyable, oui incroyable, d'intégrer une école où un certain esprit d'équipe s'est installé naturellement. A l'occasion d'un mouvement de personnel majeur dans cette petite école, plus de la moitié des effectifs de l'équipe du secondaire s'est renouvelée et, en peu de temps, sous l'action de la mise en place de certains leviers par la direction et puis de l'implication d'une enseignante chef d'équipe, tranquillement s'est installé une ambiance positive, porteuse de changement. C'est incroyable, parce qu'en presque 10 ans de métier à parcourir bien des établissements scolaires, j'ai peu rencontré d'équipe de profs qui travaillaient ensemble, peu rencontré aussi d'équipe-école qui partageait des valeurs, un projet, des objectifs.
Malheureusement, dans la plupart des écoles secondaires publiques, l'équipe des profs du secondaire est trop vaste pour permettre ce genre de cohérence globale qui fait que l'école avance avec un certain enthousiasme vers les défis à relever de l'éducation. La «polyvalente» a quelque chose de monstrueux à ce chapitre. Comment créer la solidarité enseignante qui permet d'offrir aux jeunes une cohérence d'encadrement et de soutien dans une telle machine. Combien de nouveaux profs se retrouvent perdu dans un recoin de ces grands immeubles éducatifs, de nos jours, plongés dans un défi qui les dépasse sans avoir autour d'eux l'opportunité de trouver du soutien, de l'inspiration, des gens d'expérience pour les guider ou les accompagner dans le projet de devenir prof.
Dans les écoles privées, souvent de tailles plus modestes, j'ai vu parfois de bonnes énergies. Mais ce n'est pas simple là non plus de trouver les chimies inspirantes. J'en ai vu des atmosphères assez merdiques, je ne regrette pas tant que cela d'avoir butiné les milieux longtemps, insatisfait chaque fois par l'ambiance des écoles trop souvent moches. Je suis bien content de ne pas m'avoir accroché à l'idée d'une permanence trop vite et d'attendre de trouver un milieu qui me conviendrait davantage, qui mobiliserait plus naturellement ce que je peux donner aux autres.
Il y a certes des milieux meilleurs que d'autres, heureusement, certaines salles de profs bien pensés, certains adjoints ou profs affirmés, animés d'idées, véhiculant des valeurs et exerçant un certain leadership pédagogique font qu'on se sent mieux intégré ou porté dans notre travail par l'impression qu'on participe à une entreprise coordonnée qui va quelque part. Mais ce n'est pas dans tous les milieux qu'on les trouve ces énergumènes rares. Dans les grosses écoles, parfois, on sait tous que, par exemple, en secondaire 3 ou dans l'équipe des maths, il y a parfois des petits miracles de fraternité enseignantes qui lèvent et fait qu'on voit souvent le sourire aux lèvres des profs de ces équipes.
Car, avoir une équipe qui se tient, se parle, s'entraide, s'amuse, qui porte des projets, qui prend plaisir à travailler ensemble, à se relancer, à créer et organiser le milieu ensemble, c'est franchement plus dynamisant et excitant quand on entre le matin travailler. Les jeunes le sentent et la bonne humeur générale est contagieuse. J'ai cette chance de plonger cette année dans ce genre d'ambiance et d'y donner du mien à un moment de ma carrière où je me sens de plus en plus en meilleure possession de mes moyens.
L'effet d'une telle énergie sur les élèves est directement palpable. La vitesse à laquelle s'installe les relations avec les élèves est assez fascinante cette année. En 5 semaines, on en a fait du chemin. Un a un, même les cas un peu difficile trouve leur place et s'ouvre tranquillement à l'école qui prend du sens.
Mais bon, on a des conditions favorables: une petite équipe dont les membres s'adonnent bien ensemble, peu d'élèves qu'on partage tous puisque nous enseignons tous les niveaux et nous nous prêtons à ces fréquentes réunions qui permettent de coordonner nos actions. Cette situation tombe bien pour le milieu, je crois, parce qu'ici les défis sont grands et la créativité a sa place.
Évidemment, rien n'est parfait, il y a des tiraillements, mais ce qui caractérise toujours une équipe dynamique, quand j'en ai rencontré, c'est la capacité de ces membres de se dire franchement les choses, de débattre, et donc de faire émerger des idées nouvelles, des solutions, des projets qui conviennent à la plupart. Une bonne majorité de l'équipe a une bonne confiance en soi et d'écoute pour permettre l'expression des idées. Quant aux quelques autres, on le voit tranquillement, la contagion de l'énergie et la confiance les gagne.
Aussi, un milieu me revenant en mémoire, j'ai pensé à ce coordonnateur qui, dans la grande équipe de 30 profs inspirés que j'ai connue au début de ma carrière, donnait beaucoup d'appui aux nouveaux et à ces profs peut-être même moins expérimentés ou moins efficaces pour toute sorte de raisons. Je crois qu'il faut résister à cette tentation qui nous vient parfois facilement même dans les bonnes équipes de casser du sucre sur le dos du prof qui semble moins bien s'en sortir avec les élèves. C'est une bonne occasion peut-être d'ouvrir le jeu et de s'entraider. C'est probablement la marque d'une grande équipe d'arriver à même intégrer et d'épauler ses maillons qui en ont besoin. Car, perdre un prof en cours d'année peut aussi se révéler le pire scénario quand on connait la difficulté d'embaucher d'ici.
En terminant, je ne sais pas si les profs ont conscience de la force qu'ils peuvent développer ensemble. Je crois qu'on se tire dans le pied si l'on oublie de donner ne serait-ce qu'un peu de son attention et idéalement un peu d'énergie au contexte qui entoure la situation dans nos classes. Il faut cultiver de l'ouverture d'esprit, se réserver un peu de temps pour travailler à améliorer l'ambiance. Combien de leaders de comités sociaux d'école, par exemple, dans plusieurs établissements travaillent à créer le réseau, la collégialité positive qui permet à un milieu de travail de s'humaniser? Dans une école où il n'y en a pas, j'en ai vu, on a hâte de finir son contrat et de partir ailleurs.
4 commentaires:
C'est drôle. Cette semaine, je marchais dans les corridors plutôt vides de mon école, il était 7h45, j'arrive toujours dans les premières à l'école, et je me disais que j'étais bien où je travaille. Que je m'y sentais comme chez moi. Que je me sentais considérée, écoutée, appuyée. C'est pas rien. Il est important de sen sentir ainsi, cela nous aide ensuite à donner le meilleur de nous en avant, lorsqu'on enseigne.
On a un bon réseau à notre école. Certains prennent plus de place, d'autres moins, mais je crois que le plus important, c'est que tous soient authentiques, et c'est le cas.
Billet très pertinent. On devrait évalluer les équipes-école, pas les profs. La formule Legault va nuire à l'esprit d'équipe si on se base sur ce qui se fait aux États-Unis.
Je ne sais pas si on devrait évaluer les équipes-écoles, mais bon les idées de Lego ne m'inspirent pas vraiment, c'est un peu simpliste et j'ai passé l'âge!
Malheureusement, au Québec, c'est de leadership pédagogique avec des approches qui vont quelque part qui nous manquent après les déferlantes d'idées de cons trop payés dans des ministères ou certaines confréries universitaires de mèche avec bien trop de pouvoir qui sont venus mettre la merde partout.
Lego est un guignol qui ne connait rien à l'éducation qui utilise un vecteur payant pour mousser ses objectifs: c'est bien de casser du sucre sur le dos des enseignants, on va les mettre au pas ces incompétents! Ses formations en administration des affaires et de comptable le disqualifient un peu. Quant à son expérience, son passage au ministère a été peu édifiant. N'était-il pas ministre de l'Éducation quand je suis tombé sur un article dans son journal de propagande de l'époque (1998 ou 1999)où j'ai lu un article d'un universitaire dont j'ai oublié le nom qui remettait en cause la pédagogie de projet pour des enfants en bas de 18 ans en fonction de ce qu'on connaissait alors du développement psychologique et cognitif des jeunes? Il ne lisait pas ses journaux, le Lego. C'est bien sous son règne d'ailleurs qu'on a commencé à installer cette réforme. Bref, ce type comme d'autres s'est occupé d'éducation et veut s'en occuper encore sans voir la différence fondamentale entre un entreprise et l'école. Même en management, les approches de nos jours disent qu'il faut favoriser l'implication des employés dans l'amélioration de l'entreprise en leur donnant de l'espace pour de l'initiative, pas leur faisant pendre des sanctions au bout du nez, pas en leur demandant des résultats avec des colonnes de chiffres de cons.
Ces dernières années en éducation, on regarde les chiffres avant de déployer ou de penser aux stratégies à mettre en place au lieu de mettre ces dernières en avant plan et de regarder les chiffres ensuite pour évaluer leurs effets.
Et effectivement, c'est l'équipe-école stimulée par un leadership pédagogique véritable qui est selon moi le vecteur d'amélioration de l'école, pas les boni ni la paye au mérite qui inciteront à la tricherie.
Remettre du sens dans l'école, c'est inciter les enseignants à être d'authentiques bons maîtres pas des faux-culs.
On n'est pas rendus.
Il y a des jours, je doute même qu'on soit parti...
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