Semaine de retour en classe. Lundi: retour sur les examens.C'est souvent une corvée. Ce n'est pas un moment évident. Il faut transmettre des bonnes et mauvaises nouvelles. Il y avait pas mal de mauvaises nouvelles encore. Il faut dire les choses. Et tout le monde est là. Un chance il y a quelques absents. On aimerait quasiment des fois se dédoubler, avoir un isoloir pour prendre le temps de rencontrer le jeune. Mais ça se fait vite au milieu du brouhaha.
Un jeune m'a sorti que je n'encourageais pas les jeunes. J'ai répondu que je n'encourageais pas l'absentéisme, la consommation et le travail non fait. Quand y a du travail, il arrive qu'un prof encourage celui qui fait les efforts.
Plusieurs voient que leur année commence à être fichue. Je leur dis qu'il leur reste 3 mois pour prouver qu'il mérite de passer au niveau suivant. La dernière étape vaut 60 %.
Chez les plus vieux, ça fera un certain ménage. Ceux qui ne font rien depuis le début de l'année en espérant qu'on soit un super prof bonbon qui sauve les jeunes du méchant système se rendent compte après deux évaluations de logique implacable que ça ne va pas changer. Il ne m'avait pas pris au sérieux à la fin de la 1ère étape. Là, ils commencent à comprendre que je ne blague pas avec mes exigences.
Ça parait «dure» comme approche, mais ici, ce me semble nécessaire de prendre cette position difficile. Mais je ne suis pas seul. Parce qu'évidemment, on redoute parfois dans l'équipe que des parents débarquent pour avoir notre peau. C'est possible. On fait nos paris en ce moment. Les bulletins seront remis la semaine prochaine.
Mais, depuis les fêtes, ils se passent aussi une chose que j'avais anticipée. Si on redonne du sérieux à cette école, plusieurs jeunes de la communauté que des parents ont envoyés ailleurs pour s'assurer un meilleur niveau d'éducation vont revenir. Et depuis janvier, ça a commencé. 3 élèves et là, pour cette étape, un nouveau et on entend des rumeurs de d'autres qui vont revenir en septembre.
L'air de rien, dans un de mes groupes, on commence à voir germer un noyau de jeunes qui travaillent alors que, depuis le début de l'année, il y en avait 2 qui avaient une certaine allure tandis que les autres ne faisaient pas grand chose.
L'approche Mère Thésésa des dernières années a pourri beaucoup d'élèves ici. On ne pourra pas sauver tout le monde. On se pose beaucoup de questions. Que va-t-on proposer pour répondre au besoin de ces jeunes pas de niveau qui ne fonctionnent pas vraiment dans des cours réguliers? Et à ces autres qui sont ralentis par l'inertie en ce moment de cette masse de jeunes dans nos classes qui ne répondent pas à l'enseignement par manque de capacité ou par leur attitude butée. On y réfléchit. On pense à un groupe multiniveau avec des privilèges, à l'alternative en classe individualisé pour les mener à un métier. Ou un premier cycle sur trois ans. Faire évaluer par l'ortho tout jeune qui passe au secondaire pour bien le classer.
La limite est toujours qu'on est peu nombreux pour assurer tous ces services. Il y a aussi franchement, la réalité que trop de jeunes sont en difficulté réelle mais non reconnue. Il y a des enveloppes d'argents que l'école ne reçoit pas parce qu'on n'a pas pris le temps dans les années passées par incompétence très probablement d'évaluer correctement des jeunes et de monter des plans d'intervention. Bref, de faire état clairement de la situation. Non, on cachait sous le tapis les problèmes.
En ECR, j'ai décidé d'aborder en ce début d'étape le thème éthique de la justice. Les jeunes embarquent assez après deux périodes dans la discussion: qu'est-ce qui est juste? On examine la répartition des ressources, la négociation, les différentes conceptions de la justice. Je me suis lancé sans vraiment voir que cela allait nous mener à parler de presque tout. Parler de justice, c'est parler du grand problème de l'évaluation des droits et du mérite dans toutes les sphères de l'activité humaine.
J'ai été interpellé quand j'ai ouvert mon dictionnaire comme point de départ:
JUSTICE: I- PRINCIPE MORAL QUI FONDE LE DROIT DE CHACUN
1- Juste appréciation, reconnaissance et respect des droits et des mérites de chacun. Voir droiture, équité, impartialité, intégrité, probité.
Voilà une suite de mots qui a quelque peu perdu de son verni dans un monde où la manipulation, l'influence et le favoritisme sont en progression, dans un monde où le petit moi en besoin insatiable oublie que nous vivons dans une collectivité et que certaines discussions ou certains mécanismes même imparfaits sont nécessaires pour trancher dans cette discussion permanente du partage de la réalité.
3 commentaires:
«Il y a des enveloppes d'argents que l'école ne reçoit pas parce qu'on n'a pas pris le temps dans les années passées par incompétence très probablement d'évaluer correctement des jeunes et de monter des plans d'intervention.»
Le travail d'un prof, c'est vrai, mais aussi d'une direction. Il s'agit de savoir si la vôtre va vous appuyer dans cette démarche. Les enveloppes pour l'aide aux élèves sont dites «fermées», donc on s'assure de ne pas avoir trop d'élèves qui ont besoin d'aide en limitant parfois les PI...
Ce que vous décrivez là m'apparaît être au coeur des problèmes de l'école d'aujourd'hui, et pas seulement la vôtre que l'on sait particulière. À ne rien exiger des élèves, par crainte entre autres du décrochage scolaire, on finit par transformer l'école en une simple formalité qu'il suffit de traverser, comme un rituel pénible qu'on subit passivement en espérant tenir le coup jusqu'à la fin. Quant à moi, je suis assez convaincu que les élèves s'ennuient fermement dans une classe où l'on exige si peu d'eux que cela ressemble à du mépris.
Les jeunes travaillaient cette semaine un peu plus que d'habitude et certains nous ont dit (ce n'est pas arrivé que dans ma classe) que le temps passait plus vite.
Je leur dis souvent: l'école à ne rien faire est la vraie prison où l'on fait son temps.
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