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samedi 15 septembre 2012

L'imprécis, le quantitatif et l'indéfini à l'ère de la Nouvelle Grammaire



Si Blogger était moins compliqué, j'aurais mis ce long commentaire directement chez Professeur Masqué ici. Comme avec les élèves, on doit toujours simplifier contrairement à ce que la pétagogo suggère, je me permets ce matin ce long bavardage!

Euh, si je puis me permettre. «Un» et «une» sont certainement définis dans le  sens que tu lui donnes PM, tout comme «aucun». Un chien n'est pas deux chiens! Les chiens, par ailleurs, sont assez vagues et imprécis d'un point de vue quantitatif. Ce qui crée un problème, il me semble... Défini et indéfini, dans la tradition, réfère  donc à autre chose que la précision comme nous allons le voir bientôt. Indéfini a en plus deux sens, comme il arrive parfois et même en math pour le zéro, comme le souligne Missmath. Je note au passage que  je travaille avec un tableau de classe de mots que je promène depuis un moment dans mes valises, qui fait un classement des déterminants en incluant vos déterminants quantitatifs aux déterminants indéfinis. Bref, ce classement ne date pas d'hier comme moutures récentes de la si logique nouvelle grammaire.  Et, je ne pourrai pas m'empêcher ce plaisir de montrer que la logique en grammaire est une lubie de nouveaux grammairiens en plus d'être anti-pédagogique.

J'ai l'habitude d'expliquer la notion de déterminants indéfinis un, une et des, avec un exemple: un chien, une chienne et des chiens sont imprécisés, quelconques, indéfinis, ce peut être n'importe quel chien. Un chien m'a mordu, il est imprécisé. Alors que «le» chien précise un chien en particulier qui est défini dans la situation: Le chien du voisin ou celui de Paul. Le chien, on le connait. Un chien, on ne le connait pas encore. Dans les deux cas (le ou un), on remarque qu'il est assez clair qu'il y en a un!

Apparté : Pour les autres indéfinis, je leur explique que ceux-là le sont par rapport aux dét. numéraux qui comptent précisément. Ils avaient dans l'ancienne grammaire une catégorie à eux et là on les a mis avec un, une et des. Je fais un peu d'histoire de langue vite fait et on n'en parle plus. Moi, pour mes objectifs adaptés in situ, et eux, pour d'autres raisons, on s'en tape un peu!

Mais bon, dans une perspective qui place la connaissance comme une valeur, qui est mienne  bien évidemment, voici pour les collègues la suite:

Je rejoins ainsi Grevisse qui dans sa «Bible» (Le bon usage) explique mieux que moi la distinction pour les articles (déterminants minimaux): «L'article défini s'emploie devant le nom qui désigne un être ou une chose connus du locuteur et de l'interlocuteur (...).» [§564] Alors que: «L'article indéfini s'emploie devant un nom désignant un être ou une chose (ou des êtres ou des choses) dont il n'a pas été question, qui ne sont pas présentés comme connus, comme identifiés.(...) Il peut aussi avoir une valeur générale: Un triangle équilatéral a les trois côtés égaux»[§566].

Quant aux «quantitatifs», ils étaient regroupés dans la sous-classe des déterminants indéfinis par Grevisse qui sont, selon lui, «des mots variés indiquant, soit une quantité non chiffrée, soit une identification imprécise (quelque, je ne sais quel, etc.) ou même un refus d'identification (certain, tel).» [§605; je mets en gras] Il les distinguait des adjectifs indéfinis (autre, même et quelconque) qui ne suffisent pas à déterminer le nom.

Et peut-être, PM, qu'il est là le problème de définition: quantitatif, pour la tradition grammairienne n'est pas juste une quantité vague ou imprécise mais plus précisément une quantité non chiffré dans ce classement. Le «chiffré» dans le langage serait bien la détermination la plus précise du quantitatif. Car le déterminant numéral est évidemment quantitatif. Un et une peuvent selon les phrases produites référer au chiffre ou nombre (numéral) ou à l'idée du quelconque ou du général (indéfini). Aucun n'est pas strictement le zéro (bien qu'il l'évoque assez parfaitement), ce chiffre dont on a disserté chez les mathématicien pour savoir s'il était un nombre. MissMath nous le confirme chez vous. Oui, je sais que de nuances!

Selon mon souvenir, les quantitatifs ou déterminants indéfinis de Grevisse étaient rangés traditionnellement dans la sous-classe des adjectifs indéfinis qui regroupait les formes déterminantes autres que les articles définis, indéfinis, partitifs et les adjectifs numéraux, démonstratifs, possessifs, etc (autre que qualificatif). Cette sous-classe fourretout incluait parfois autre chose que la notion de quantitatif, du qualitatif notamment (certain, je ne sais quel, etc.), de l'identité, de la ressemblance et de la différence (Même, tout, autre). Dans le Précis de Grevisse que je viens de reconsulter et d'où je tire cette  explication, on réglait la chose ainsi pour le scolaire, avec des remarques qui évoquaient les imperfections de classement.

Avec la nouvelle grammaire, on a refait le classement global selon la fonction grammaticale et l'article indéfini et l'adjectif indéfini ont souvent fusionné en déterminants indéfinis, bien qu’ils manifestent bien des phénomènes de langue distincts. Certains semblent en avoir profité  pour régler une situation fort complexe de classement et ont créé les quantitatifs en remplacement du défunt  adjectif indéfini qui était, on l'avouera peut-être, pratique comme fourre-tout de ces foutus déterminants. Mais, comme on le voit maintenant, les quantitatifs regroupent des éléments qui ne quantifient point, même vaguement ou, pire, qui ne déterminent pas tout à fait, lorsqu’employé seul devant le nom!  puisqu'ils ne viennent pas seul devant le nom et nécessite un autre déterminant!

Bon, à mon sens, pour l'aspect pratique qui est de faire voir des classes, des natures ou sortes de mots pour opérer des accords, on ne devrait pas trop s'embarrasser de ces querelles de grammairiens et se rappeler d'une chose à passer aux élèves qui est fondamentale: le déterminant fait de n'importe quel mot un nom et fait partie d'un duo assez inséparable, celui du dét.-nom à part quelques emplois du nom (mois, jour, attribut, complément du nom, etc.). Ce duo essentiel est parfois trios et même plus quand on lui ajoute des adjectifs et il importe de les voir dans les phrases pour les accorder avec ce foutu noyau donneur d’accord! Il me semble important aussi de faire remarquer qu'un mot habituellement déterminant, mais sans le copain nominal, devant un verbe devient (promotion!): pronom. Des exercices courants leur montrent à être sur leur garde d'ailleurs. En cas de doute, un verbe «peut être négatif » (ne... pas). Ce truc ou test, que je préfère à l'appellation de manipulation-machin, a un côté assez pratique en passant. Je préfère les techniciens aux manipulateurs!

Pour les miens, ce n'est pas évident! Plusieurs ont vraiment du mal à identifier des noms, des adjectifs et confondent les déterminants avec les pronoms, les prépositions, les conjonctions. Le duo dét-nom et le trio dét-nom-adjectif est une notion  simplificatrice et pédagogique que j’ai développée pour remédier à ce manque de perception!  A force de répéter, dans tous les sens du terme, ça entre lentement. J'ai les conditions pour le faire, je peux suivre un jeune pendant tout son secondaire. Je n'évalue pas la connaissance des sous-classements des classes de mots, mais j'en parle et les montre parce que la mémoire, elle, s'occupe de ces choses (l'organisé). Évidemment, si on choisissait en éducation, d'aller du simple au complexe avec une grammaire pédagogique (qui simplifie et qui nuance par la suite avec des procédés standardisés dans la profession) et de faire mémoriser des classements uniformisés même imparfaits au primaire, nous ne serions pas à refaire, année après année, ces bases fondamentales. Faute de cette intelligence pédagogique noyée par les idéologues, par ceux qui se soucient de garder la connaissance entre certaines personnes ou par quelques imbéciles heureux, nous sommes réduits à faire de l'histoire de langue vite fait et de patauger dans des méthodes fastidieuses et incohérentes d'une série à l'autre. Ils ont bien servis notre enseignement! A nous de gérer les nausées.

Il n'y a pas de classements parfaits, et un classement avec trop de sous-classes surcharge la mémoire au lieu de l'aider! Pour des élèves d'enrichis, on peut peut-être entrer dans les détails des chicanes des grammairiens et entrer dans l'imperfection des classements! Enfin que deux classements se contredisent sous leurs yeux permet un questionnement. Bon, si on ne veut pas y entrer, on constate que les gens qui font des livres ne sont pas toujours d'accord et que la description de la langue n'est une science parfaite, on peut faire un peu d'histoire de langue vite fait et rappeler que l'essentiel n'est pas là, mais dans le fait de reconnaitre et distinguer les déterminants quand on écrit pour identifier les noms et faire des accords. Et que les classements permettent de fixer en mémoire.

La langue est une bête vivante dans la bouche de locuteurs et résiste à toutes sciences qui tentent de la décrire logiquement.  Elle traine ses évolutions et ses manifestations variées dans son écriture. C'est pourquoi elle en embête plusieurs (pronom indéfini ou quantifiant!).

Enfin, je me rappelle qu'on jugeait inutile de me former en grammaire et en histoire de la langue à l'université. Une étude approfondie de ces sujets nous auraient bien servis, nous sommes obligés de suppléer par une formation autodidacte forcément incomplète, au gré de nos questionnements. J'espère qu'on retourne aux sources parfois plutôt que de répéter le sophisme que tout ce qui est nouveau est mieux.

2 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

Jonathan:

On s'entend sur pas mal de choses.

Un chien quand on s'intéresse à l'aspect nombre est un déterminant numéral. «Un chien vaut mieux que deux, tu l'auras.»
Un chien, quand on ne sait de quel chien, on parle est indéfini. «Un chien est entré dans la maison.» n'a pas le même sens que «Le chien est entré dans la maison.».

Pour les quantitatifs, je comprends la logique générale qui permet de les associer à des déterminants indéfinis. D'ailleurs, on parle de pronoms indéfinis quand on emploi «certains» dans la phrase suivante «Certains m'ont dit que...»

Par contre, là où je décroche est de voir «aucun» ou «nul» rangé parmi les indéfinis.

Jonathan Livingston a dit…

Bon, on vit avec les incohérences et le changement.

Mais je crois que le classement qui gardent une sous-classe à part, celle des adjectifs indéfinis de naguère en déterminants quantitatifs et de quantité comme je vois dans mes cahiers que je viens de faire acheter, apparait plus juste, puisqu'il offre un classement sans trop d'exceptions. J'ai pour ma part un peu de mal avec «divers» devenus déterminants quantitatifs et je vois bien autre chose que de la quantité dans plein de ces mots.

Je note que tous les grammairiens parlent quelque part de la promotion du déterminant (pas en ces termes) en pronom et c'est pourquoi on retrouve grosso modo les mêmes sous-classes chez le pronom à l'exception des pronoms personnels. Je remarque que les pronoms indéfinis qu'on avait peu de mal à appeler indéfinis sont maintenant des pronoms de quantité avec entre parenthèse pronom indéfini ou l'inverse, car évidemment «quelqu'un» par exemple n'est pas très quantitatif mais plutôt quelconque!

Ainsi ces sous-classes apparaissent un peu fourretout bien que ces éléments ont le plus souvent un aspect quantitatif manifeste.

Je crois que la fusion malencontreuse dont tu te plains est antérieure ou parallèle à celle de la mouture avec déterminants de quantité et pronoms de quantité (indéfinis). Il est difficile de trancher dans une catégorie fourretout ou l'on doit créer des catégories avec un ou deux membres...

La tendance générale des manuels que j'ai sous les yeux est d'en faire des quantitatifs au niveau des déterminants pour j'imagine garder intacte la notion
de l'article indéfini et son sens particulier; et des quantitatifs (indéfini) ou des indéfinis (quantitatif), je vois les deux présentation, au niveau des pronoms.