Tiens, je mets en entrée ici un commentaire que je fais chez Prof masqué qui nous entretenait à nouveau sur la difficulté de mettre un 0 à un élève de nos jours qui ne se présente pas à l'évaluation. Mon commentaire déborde sur les échelles de compétence. C'est d'ailleurs le sujet de ma réflexion de ce matin que je viens de publier. Le commentaire présent me permet de compléter mes observations récentes à ce sujet. J'en profite pour corriger les coquilles et certains passages. Mea culpa, maxima mea culpa!
L'évaluation est un sujet compliqué qu'il me semble primordial de soulever en ce moment. C'est à mon sens le nerf de la guerre. C'est, en tout cas, un gros irritant chez bien des enseignants. En même temps, même si l'esprit tordu de la réforme persiste, on sent doucement un vent de changement à venir...
Décidément, l'évaluation est dans l'air. J'ai un texte sur les échelles de compétence sur le feu!
J'ai l'impression Prof, que vous n'avez pas encore pris toute la mesure de la voltige de haut niveau qu'on tente de nous faire faire. Le 0 est un détail...
J'ai réussi pour ma part haut la main deux baccalauréats avec des moyennes de qualité et j'avoue que l'entendement pour faire face à la musique en évaluation me fait défaut et je me sens souvent impuissant (j'ai corrigé la faute de sens de ce passage). J'aurais besoin de 2 ou 3 greffons de cerveau pour arriver à computer leur marmite de concepts, si j'en avais le temps d'ailleurs...
Ce qui est étrange, c'est que les esprits simples s'en arrangent à merveille: on a des traces, on remplit la grille. On peut même éviter de grosses évaluations longues à corriger si on a des traces... Je dois avouer que si je me mets en tête de me foutre de la rigueur et de faire passer tous mes élèves pour m'éviter le trouble des contestations, c'est un système merveilleux! Son opacité est fabuleuse! Enfin, pour ramasser quelqu'un de trop pointilleux, la logique est tellement tordue, qu'on a forcément des incertitudes dans notre jugement. Bref, tout nous encourage à ne pas trop juger sévèrement le jeune même s'il est nul...
Il faut savoir que, au sujet des performances, on n'utilise pas trop ce terme dans les bilans de fin de cycle. Non, on évalue la compétence dans une échelle descriptive à 5 niveaux en fonction de «traces» récentes (production, travaux, performance en somme). Je rappelle que le bilan est un jugement professionnel que l'on pose sur le niveau de compétence d'un jeune pour chaque compétence disciplinaire, en sus des évaluations de l'année aux 3 ou 4 étapes de bulletin... sauf en secondaire 1... (j'imagine que pour pouvoir contrer le décrochage faut l'alimenter quelque part!)
L'échelle est à mon sens un fouillis pire que des grilles d'évaluation classique en écriture, par exemple, qui avait au moins l'avantage de donner une idée de l'importance relative des aspects à considérer et de définir des seuils attendus en terme de minimum de fautes là où c'était quantifiable. Là, chaque niveau combine pêle-mêle des sous-aspects qui vont du contenu à l'orthographe en passant par la syntaxe et la structuration dans un court texte descriptif sans précision, où l'on manie les adverbes d'intensité et les subtilités descriptives pour nous passer la patate chaude du jugement sans nous donner de normes claires. Combien de fautes représentent «peu de fautes dans les termes courants»?
En lecture, l'évaluation représente un défi aussi. On ne parle pas beaucoup d'outils qui permettent de faciliter notre jugement. Savoir répondre à des questions de repérage (éléments explicites), d'autres qui demandent de l'inférence (implicites, subtilité), d'autres des connaissances de vocabulaire est une chose, savoir distinguer un niveau de compréhension acceptable dans tout cela n'est pas aussi simple à mon sens... On nous demande d'évaluer aussi la qualité du jugement critique, la capacité de recueillir de l'information variée et crédible et le recours à des stratégies de lecture... Je ne vois pas ce qu'avait de si dramatique l'évaluation à partir de compréhensions de texte bâties avec soin par des gens compétents avec un corrigé standardisé. La démarche avait au moins l'avantage d'objectiver le jugement. Là, on nage dans un flou artistique de haut niveau... qui est en plus difficile à gérer cognitivement pour les évaluateurs parce que avoir une image claire de chacun de nos 90 élèves et plus dépassent probablement notre entendement! Évaluer la qualité de la stratégie de lecture utilisée de 90 jeunes directement, vous y pensez? Je peux juste l'assumer si le jeune fait bien son travail et soupçonner son absence si le jeune connait une contre-performance ...
Pour des références officielles, je trouve que ça fait dur...
Là, nos conseillères reviennent avec toutes sortes d'indications fascinantes. Il faut tenir compte de traces récentes, pas des anciens bulletins; si on a manifesté la compétence, on ne peut logiquement l'avoir perdue! Cependant, on peut justifier une baisse par le fait que nos critères et exigences ont augmenté en cours d'année (fiou!). Vous aurez remarqué, en passant, que nous n'avons le droit de regarder le passé que pour s'assurer que le présent n'a pas baissé... Surtout s'éloigner de la pratique du calcul de moyennes qui ne peuvent décrire la compétence actuelle...
On nous conseille de sortir nos marqueurs fluo de toutes les couleurs pour nous aider à comprendre les échelles du ministère, d'en discuter entre collègues, de nous faire des corrections ensemble pour discuter de nos visions de l'évaluation... On n'est pas sortis de l'auberge!
Ah oui, j'entends de ma conseillère que si tout est beau dans le respect du critère, on mets + (ex.: 4+), alors que s'il manque un sous-aspect, on ne le met pas. C'est différent de la prescription du document ministériel qui affirme plutôt que le plus (+) indique le dépassement de cette description sans atteindre la suivante... Enfin, je crois que le ministère a peur que nous soyons trop sévères. Imaginez: la compétence acceptable à l'écrit en 2e année du secondaire est de laisser peu d'erreurs dans les accords les plus simples. Si elle est interprétée rigoureusement disons aux accords sujet-verbe et adjectif-nom, ce qui me semble raisonnable, je prévois une hécatombe structurelle d'ici peu! Mais si justement la nuance du plus est inversée pour tirer vers le haut, ça réduit les risques d'échecs massifs!
En somme, l'évaluation est devenue un fouillis irritant parce qu'on nous demande des exploits d'évaluation quasi impossibles à réaliser en s'abstenant de nous fournir des outils d'évaluation clairs et simples d'utilisation et en réduisant la lisibilité des normes et des seuils clairs de réussite.
Nos moyennes d'étape d'antan, nos % attribués à chaque évaluation en commun, nos sommatifs à 50% discutés entre collègues et choisis dans des banques d'instruments d'évaluation ne faisaient-ils pas la job cibole? Me semble qu'on faisait moins compliqué et plus objectif en fait pour moins de prises de tête.Mais évidemment que pouvait un directeur contre la froide machine à calcul de l'équipe disciplinaire bien appuyée sur les outils standardisés... Il ne pouvait que majorer de manière gênante... Là, on entre dans les salmigondis et l'arbitraire ... Le népotisme a le vent dans les voiles...
Pour moi, on nous file la patate chaude de fixer l'acceptable et on nous dit en prime de s'attendre à des procès (gardez des traces) si quelqu'un n'est pas content! Où sont nos syndicats? Dorment-ils au gaz? calvince!
3 commentaires:
WOW :
''En somme, l'évaluation est devenue un fouillis irritant parce qu'on nous demande des exploits d'évaluation quasi impossibles à réaliser en s'abstenant de nous fournir des outils d'évaluation clairs et simples d'utilisation et en réduisant la lisibilité des normes et des seuils clairs de réussite.''
C'est en plein ça! Merci, c'est un super état de la question que vous nous avez pondu-là.
Ouff! Je suis au BAC en enseignement au préscolaire et primaire et je dois dire que l'Évaluation est aussi un gros morceau à comprendre et à apprendre à intégrer!..
Je partage. On en est rendu à créer des grilles pour s'assurer du succès des élèves.
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