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vendredi 20 mars 2015

Y a franchement de quoi rire: aller chercher les meilleurs maintenant.

Ça va faire 20 ans que le corps enseignant se renouvelle au gré des vagues successives des retraites et, depuis quelques années, le milieu offre moins de possibilités de faire sa place, mais on ira chercher les meilleurs. Pour les mettre où? Ça va régler beaucoup de problèmes, ça!


Va-t-on changer le «brainwashing» aussi? Va-t-on réellement s'attarder à ce qui s'enseigne dans la formation des maîtres? Va-t-on lier cette formation à ce que nous révèlent les recherches en efficacité de l'enseignement? Va-t-on ouvrir les voies à des gens qui n'ont pas de prime abord choisi l'enseignement, mais qui, excellents dans leur domaine, souhaiteraient communiquer leur savoir aux jeunes? Voilà aussi 20 ans qu'on empêche aussi cette mobilité dans le réseau en leur imposant le bac de 4 ans en campus, ce qui en décourage la plupart.


Bonne nouvelle, une des indignées de la semaine s'est dit à la retraite. Celle-là même qui a fait de son essai sur la grammaire une révolution tranquille de la manière d'enseigner cet aspect ardu de la langue. Elle doit se dire, elle aussi, que sa nouvelle grammaire n'a pas été vraiment enseignée et c'est pourquoi sa méthode ne donne pas les résultats espérés.


Si autant de jeunes n'arrivent pas à réussir les examens de français d'entrée, c'est justement que cette méthode logique, séduisant pour l'adulte qui a atteint la capacité de raisonnement, mais trop logique pour un esprit qui se construit, n'a pas su laisser les traces nécessaires à la saisie du fonctionnement de la langue.


Cette saisie suppose l'exercice répété de procédures simples pour s'approprier les régularités et une capacité de mémorisation indispensable dans une langue qui s'ingénie à multiplier les défis pour la mémoire avec ses nombreuses exceptions.


La simplicité, la mémoire, la rigueur, voilà tout ce que ce mouvement d'idéologues patentés de l'éducation a rejeté il y a 20 ans... pour donner soi-disant du sens à l'éducation. Ils n'ont rien compris et continuent de ne rien comprendre à la construction des savoirs dans un esprit vierge, manifestement.

dimanche 22 février 2015

Pour commencer à nommer ce qui ne va pas: les petits génies ou l'école qui fait semblant

Avec la sortie de cette étude sur les effets de la réforme du projet ERES qui vient nous dire que les résultats sont même moins bons qu'avant, nous nous retrouvons encore dans la guerre de clocher habituelle.

Les uns rappellent que cette réforme s'est imposée sans discussion, comme une idéologie qui se mettait en forme lentement via des formations, des programmes arrivant en pièces détachées.Les autres trouvent matière à encore matraquer l'argument que la réforme n'a jamais eu lieu à cause des syndicats.

En tous cas sur le terrain, il y a eu un grand dérangement, une sorte de déportation de l'enseignement traditionnel et de ses développements modernes et en plus un effet d'évitement contrôlé des données de plus en plus nombreuses qui indiquent la marche à suivre pour augmenter l'efficacité de l'enseignement.

Mais franchement de quoi parlons-nous? La réforme a tellement charrié d'idées qu'il serait peut-être un moment donné opportun de faire le point sur ce qui a changé avec elle dans nos pratiques.

Pour le moment, même si la formule s'est assouplie depuis quelques années, les jeunes réussissent de moins en moins bien l'épreuve unique de 5e secondaire en français.  Cet examen trouve acceptable qu'un élève moyen fasse une douzaine de phrases syntaxiquement incorrectes dans un texte de 450 mots.

Il serait peut-être plus opportun de revoir attentivement ces changements au lieu de nous balancer du pour ou contre cette réforme. Je commence ici avec l'influence de la pédagogie de projets sur nos pratiques et le dicta de la transdisciplinarité.

D'ailleurs, à mon sens, des pratiques en place, depuis bien avant la réforme, continuent aussi d'avoir peu ou pas d'effet sur l'apprentissage de nos jeunes. Je pense à cette nouvelle grammaire, qui n'a jamais donné des preuves de son efficacité, qui repose sur l'argumentaire écrit au début des années 1990 par une linguiste de l'université Laval qui a depuis totalement dominé par son influence l'enseignement du français au Québec avec son programme mis en place en 1995. Je pense aussi à cette habitude de vouloir faire faire des textes très longs et structurés mimant les textes d'adultes depuis la réforme des années 1980 au lieu de viser pour nos jeunes une honnête maitrise de l'orthographe et de la syntaxe dans des textes courts, ce qui permettrait une régulation des apprentissages bien plus effective que ces monstres bourrés de fautes qu'on leur fait produire et que les enseignants mettent 2 semaines à corriger pour des rétroactions bien trop éloignées dans le temps.

On avait déjà commencé dans les années 90 à promouvoir l'idée que les problèmes en maths devaient avoir une application pratique et devenir le centre des apprentissages. Depuis la manie de vouloir faire des liens avec tout sans arrêt n'a jamais été remise en cause, même si on continue de dire dans les milieux que les jeunes ne savent pas lire quand vient le temps d'effectuer une résolution de problème. 

La manie de faire des liens avec tout est partout présente dans tous nos manuels depuis belles lurettes. La réforme venait sanctifier cette façon de faire mur à mur dans toutes les matières. La semaine dernière, avant de faire des activités de compréhension de texte en première secondaire, il a fallu expliquer le Moyen Âge à mes jeunes. C'est devenu banal de me faire demander si je ne suis pas un prof d'histoire ou de sciences dans mes cours de français. On pourrait voir le côté intéressant de l'affaire, en relevant que ces jeunes ont la chance de parler d'histoire ailleurs que dans leur cours, mais honnêtement pour mes objectifs d'objectiver des pratiques de lecture et de travailler des aspects de langue il s'agit d'un parasita majeur omniprésent de nos jours. Je connais parfaitement le volet des grands inventeurs, des grands découvreurs, les causes environnementales, l'écologie, la sociologie, la géographie, etc. Nous sommes constamment en train  de défricher à la dure des continents d'ignorance en plus de faire du français ou des maths si l'on suit l'état d'esprit utilitariste qu'a repris cette réforme en poussant la logique encore plus loin en voulant nous faire faire des projets en plus transdisciplinaires.

Effectivement, y sommes-nous parvenus? En tout cas, nous faisons un projet d'histoire relié à la culture locale cette année dans mon école. Transdisciplinarités indéniables avec les volets de l'évolution technique, des techniques de chasse et pêche et des moyens de transport. Tous les profs et jeunes de l'école s'improviseront vulgarisateurs d'histoire. Je trouve tout ça fort intéressant, mais est-ce ainsi pour les jeunes? Il faut travailler fort pour les motiver en tout cas et je suis loin d'apercevoir les effets si positifs d'une telle entreprise de copier-coller mis en pancartes associé à un discours rudimentaire sans profondeur dans une exposition pour épater la galerie.

Le problème de l'école en ce moment m'apparait résider exactement là dans cet immense désir de tout faire connaitre aux jeunes avant qu'ils n'aient fait leurs classes.  Dans cette école, les apprentissages de base sont devenus secondaires et la priorité est donnée à vouloir faire mimer la vie et les compétences des adultes spécialistes par des jeunes qui n'ont pas ce qu'il faut pour se mesurer à de tels défis. Résultat: les profs, sans arrêt, doivent se prêter à cette mascarade en arrangeant le film avec le gars des vues.

Je ne vois pas honnêtement comment on peut bien préparer notre jeunesse en leur faisant croire qu'ils ont la trempe d'un spécialiste déjà tout jeune, en les laissant constater que peu importe leur résultat un adulte va les aider à bien présenter, que finalement dans la vie on peut épater la galerie et se faire féliciter pour de faux efforts.




Voilà à l’œuvre toute la logique du changement de paradigme, du développement des compétences, de la pédagogie de projets, des programmes fourre-tout, des compétences transversales qui nous a conduit là en passant avec le résultat navrant que nos jeunes n'ont qu'une faible connaissance de leur base. On comprendra alors que des enseignants se donnent parfois l'objectif de faire bande un peu à part pour suppléer à cette ambiance si peu consistante pour nos jeunes et tentent de leur donner les outils que nous avons reçus de l'école dans un temps pré-réformes.

Mais ils peinent, car, malgré le discours de la réforme qui ne se serait pas faite, il est difficile de prioriser les bases dans nos classes de nos jours avec cette pression à faire faire à nos jeunes des activités pour épater la galerie des parents qui veulent voir leurs jeunes comme des petits génies.

dimanche 8 février 2015

L'opium des réformateurs

Ici on démonte la mécanique du discours du constructivisme qui séduit. Un petit texte éclairant. Il séduit et dope tant de gens qu'on ne peut plus repenser le système maintenant...

Système en perdition

Vous l'avez vu cette semaine. La réforme n'a pas donné les résultats attendus, même qu'on fait moins bien qu'avant, notamment chez les garçons et les élèves en difficulté qui ont augmenté en nombre dans le cadre de la réforme. Les élèves du renouveau ne réussissent pas en plus grand nombre qu'avant. Ils ne sont pas plus motivés qu'avant. Dans les médias, on parle d'échec.

Réponse du ministre dans le Devoir:

« Dans toutes les provinces, les filles réussissent mieux que les garçons au secondaire. Il faut s’attarder à ça pour offrir aux garçons des [programmes] plus adaptés à leur façon d’apprendre », a répondu le ministre. Il a toutefois défendu le Renouveau pédagogique, en minimisant l’étude et alléguant que l’échantillon n’est pas suffisamment grand et que les cohortes étudiées proviennent des débuts de la réforme. « Le chercheur le dit lui-même, il faut être prudent », a souligné M. Bolduc.

Y de quoi s'énerver avec cette mauvaise foi évidente.

L'échantillon, plus de 3724 élèves et 3913 parents, trois cohortes réparties dans le temps, avant la réforme et après qui montrent que les résultats empirent. 

D'ailleurs, on l'a vu à la télé, notre valeureux ministre trouve que c'est normal au début de rencontrer des difficultés. 15 ans, 10 ans pour le secondaire. Me semble...

Bref, comme d'habitude, nous aurons eu un vague espoir, vite perdu, vite oublié.

Examiner la pédagogie qui se pratique et ses résultats n'est pas dans les priorités ministérielles en ce moment. On ne veut que s'occuper de cette fusion des administrations qui va faire économiser le trésor public. On va annoncer des lieux communs, du rapiéçage.

J'ai lu en diagonale le rapport. Les écarts sont rarement significatifs, mais constamment en défaveur des jeunes qui ont subis la réforme pédagogique (RP). Les élèves de la dernière cohorte examinée ont terminé en 2013.

Le rapport développe longuement sur 3 théories motivationnelles sociocognitives. Je trouve ces théories assez nulles et on peine à trouver des fondements à ces théories qu'on ne peut valider qu'en lançant tout un système dans une RP alambiquée. Et on constate que les résultats ne changent pas, même qu'ils se détériorent. Pourtant, c'est l'évidence, on ne peut pas tant que ça faire s'autodéterminer un jeune, car c'est une injonction paradoxale.

Dans la réalité, plusieurs jeunes accumulent des déficits d'apprentissage que l'incitation à l'autodétermination ou l'automotivation ne va pas aider. Ces jeunes requièrent plus d'encadrement et de soutien sinon, on le sait, ils vont échouer, se laisser aller dans une structure qui les laisse trop libres d'errer et de ne pas réaliser les tâches.

On est au cœur de cette erreur monumentale de stratégie pédagogique. 

On travaille toujours sur des composantes à impact limité sur les facteurs de réussite.

Il faut intervenir jeune et surtout bien encadrer dans des tâches productives les jeunes pour les préparer à  accéder en secondaire avec une certaine force des acquis. L'apprentissage de la lecture est capital. En maths, on en parle peu, on devrait resserrer les objectifs pour permettre une fluidité du calcul mental qui semble sous-exercé. C'est une véritable limite à la compréhension et à la pratique des exercices au secondaire. En français, on devrait  ramener de la simplicité et de la répétition dans les apprentissages des composantes de la langue.

C'est tout le contraire de ce que fait cette école depuis 15 ans dans trop de milieux sous l'influence d'un PDF qui erre et ne cible pas les priorités.

Les jeunes arrivent au secondaire avec des lacunes en calcul mental qui sont franchement questionnant. L'incapacité de rapidement mémoriser de nouveaux termes clés servant de repères dans les apprentissages est aussi une observation banale. En français, ils ne distinguent pas grand-chose dans les classes de mots qui permettent d'aller plus loin dans la compréhension des mécanismes de la langue.

Je discutais avec le prof d'univers social, il serait périlleux de nos jours de tenter de faire mémoriser la carte du monde et le nom des 180 pays ou à peu près et de leur capitale comme nous le faisions naguère. Non, on se promène dans le monde sans cartes mentales dans les cours de géographie. On part de réalité d'ici pour observer la réalité d'ailleurs sans avoir d'abord une représentation intériorisée du monde qui soit assez solide pour permettre de se construire une représentation unifiée et intériorisée des réalités du monde que l'on observe à l'école. On fait du tourisme «fast-food» à l'école via des manuels, finalement. Et on le fait dans tous les cours: en français, j'aborde des textes qui portent sur les favélas de Rio de Janeiro avec des jeunes qui ne travaillent pas les cartes. Mes manuels sont remplis de textes pour faire des liens avec les autres matières. La difficulté est la même qu'en math: le dénominateur commun est difficilement discernable!

L'utilitarisme de cette RP détruit la possibilité de fonder l'apprentissage sur un socle stable de connaissances. On lance les jeunes constamment dans la complexité en espérant que l'exposition à cette diversité va enrichir leurs représentations. Malheureusement, pour la plupart des jeunes, l'apprentissage ne fonctionne pas de cette manière. On les perd, on les éloigne du cœur de ce que l'on veut enseigner dans nos cours en les plongeant dans la perplexité.

Paradoxalement, on leur montre davantage qu'avant dans ce système à apprendre dans l'instant présent au gré des tâches à accomplir qu'à se construire une représentation de base qui permet d'entrer en relation avec les nouveaux savoirs pour se développer une représentation riche des réalités du monde. Ils oublient tout rapidement parce qu'ils n'ont pas de repères intérieurs qu'on ne travaille plus de nos jours. D'ailleurs, cet oubli est normal quand on multiplie les tâches et les diversifie systématiquement pour répondre à l'exigence d'enrichir les représentations et d'offrir des parcours qui intéressent. On en voit  trop, tout simplement.

Malheureusement, on passe à côté de l'essentiel: le besoin d'un socle solide de représentations stables pour fonder l'activité intellectuelle qui se pratiquera plus tard chez ces jeunes. On ne peut réfléchir quand on n'a rien appris.

Car apprendre, c'est bien cela, acquérir des représentations stables pour les réutiliser plus tard. 

Bref, nous n'en avons pas terminé avec les «patchs», les trucs et les raccourcis qui ne marchent pas.

dimanche 7 décembre 2014

Progression dans le flou en éducation

Chez le Professeur masqué, je disais que le grand brouillard du Conseil supérieur de l'éducation traduit la brume croissante dans les milieux de l'enseignement. On ne parle plus trop de réforme. Il n'y a plus de direction et tout (et n'importe quoi) surgit dans le climat des plans de réussite et des conventions de gestions qui font qu'il faut décider sur un coin de table en quelques minutes de la stratégie de l'école pour atteindre des objectifs de réussite. Il s'agit évidemment de grosse poudre aux yeux, car personne ne sait vraiment où l'on va pour faire avancer le bateau.

Dans les dernières années, il est de bon ton partout de parler de la salutaire progression des apprentissages qui clarifierait tout... sans plus d'explications, on n'a qu'à la lire, cette bible des temps nouveaux.

Comme on met beaucoup d'énergie à nous former au TIC, à nous balancer du matériel informatique sans avoir une espèce d'idée des méthodes à employer avec tout ce bazar. On met dans les mains des jeunes HDAA de jolis joujoux avec des idées simplistes sur leurs effets. Chez nous, on croit dans le milieu que de bien faire utiliser une souris scanner pour que les jeunes s'écoutent leur texte à travailler avec la voix imbécile de Word Q va leur faire comprendre leur texte. Les jeunes eux-mêmes ont compris que ça ne les avançait pas et ils délaissent souvent d'eux-mêmes cette quincaillerie lourde et inutile. Les adultes comprennent le message? Ben non! Ils les chicanent de ne pas utiliser la solution couteuse qu'on leur a donnée. Je soulève doucement mes observations avec des collègues... C'est toujours comme ça: je suis presque toujours le premier à poser la question de l'efficacité. Pourtant, ça crève les yeux.

On en parle, on en parle, de l'enseignement explicite en lecture, mais je ne vois pas plus les jeunes prendre un crayon pour souligner et annoter un texte qui a des effets pourtant bien documentés. Pourtant, partout où je passe, on prétend qu'on l'enseigne et éternellement, je vois des jeunes beurrer au complet leur texte d'un surligneur vert ou pire bleu! J'enseignais pourtant ça en 1995 dans une école pour élèves en trouble d'apprentissage et je n'ai jamais recommandé les surligneurs, un crayon à mine fait l'affaire pour le soulignement et les annotations (tout-en-un, nous ne sommes pas en art plastique). Évidemment, une stratégie comme celle-là coûte du papier, c'est quand même moins cher qu'un portable et des licences qui font vivre une industrie qui ne veut évidemment pas que le brouillard se dissipe trop vite, car ils ont tout plein de «bidus» d'éclairage antibrouillard à nous vendre.

Mais revenons à cette progression dans le brouillard. Je suis content pour ceux que la progression a éclairés. Je reste encore surpris qu'on dorme tranquille quand 30% des élèves du réseau public se plantent dans l'épreuve unique de français qui n'est pas l'évaluation la plus sérieuse qui soit. Et la tendance est à la baisse «progressive et itérative» ces dernières années!

Mon analyse me porte plutôt à croire qu'on met beaucoup d'énergie à perpétuer des approches inefficaces pour la raison simple qu'elles sont bien trop ambitieuses au lieu de réfléchir à une stratégie qui permettrait l'atteinte d'objectifs plus réalistes.

L'approche «graduelle et itérative», que le Conseil supérieur de l'éducation souligne, est pleine de bon sens à la condition qu'on ne surcharge pas le contenu d'objectifs irréalistes. Sinon, on voit tout superficiellement, année après année, dans un climat d'urgence. Après, on se plaint que les élèves ne se souviennent de rien.  Le programme de français est tellement surchargé. Si on fait la grammaire en y mettant le temps qu'il faut, on n'en a plus beaucoup pour travailler les objectifs en lecture. On veut tellement être exhaustif dans les milieux universitaires qu'on en oublie que le jeune lui n'est pas prêt à tout embrasser du même coup.


Par ailleurs, la progression des apprentissages a remis les genres au menu, mais les manuels sont toujours faits pour voir tout en même temps au premier cycle en particulier, ce qui permet peu de fixer ou de stabiliser la connaissance. Nous devons souvent nous tourner vers du vieux matériel pour retrouver des séquences plus limpides et claires pour favoriser les apprentissages.

En français, je trouve qu'on veut tellement conscientiser des processus de stylistique avec une approche lourde, rébarbative et tout un jargon qu'on en perd l'attention des jeunes qui me maitrisent pas pourtant de nombreux aspects plus élémentaires de la langue. On devrait s'inspirer de l'apprentissage dans d'autres domaines: je ne crois pas qu'on donne les conseils appropriés aux athlètes de haut niveau à de jeunes débutants. Un temps pour chaque chose.

On va me confier le mandat de préparer des jeunes pour l'épreuve unique et je peine à trouver un matériel récent qui mise sur les ingrédients essentiels. Non, on veut faire conscientiser tous les phénomènes de langue et de logique à ces pauvres grands enfants hypothéqués par les lourdes approches inefficaces de la langue et qui ne veulent que réussir leur examen. J'aimerais qu'on m'explique ce qu'on gagne à enseigner la notion de fondements de l'argument. Elle est loin d'être évidente à saisir et observer, surtout en ce qui a trait à la notion de valeur assez impalpable pour beaucoup de jeunes, quand on peut leur proposer de soutenir leur argument par une explication qui intègre de manière cohérente des faits, des statistiques, des points de vue experts, des exemples qui corroborent. Ces éléments aisément discernables dans un texte sont bien plus simples à faire réinvestir dans les productions. Je ne parle pas du fondement qu'on nomme dans cette théorie raisonnement, j'ai moi-même du mal à conscientiser des processus qui, la plupart du temps, émerge dans un mouvement réflexif sans que je me sois une seconde aperçu que je fondais mon argument sur un raisonnement.

Évidemment, mon approche simple ne fera pas des rhétoriciens de premier plan. Mais, franchement, est-ce le but immédiat pour des jeunes qui auront encore bien des occasions d'évoluer vers ce sublime objectif si ce domaine les appelle? J'espère juste réalistement leur donner une allure présentable pour la certification.  

La théorie argumentative en vigueur trahit une vision toujours limitée de l'acte de convaincre qui s'acquiert surtout par l'exercice et les prises de conscience que cette pratique génère, pas par l'enseignement d'un vaste bréviaire de notions abstraites qui, à la limite, empêche la réflexion d'émerger. La théorie précédente, plus simple, issue du modèle des années 80 (pratique, objectivation, acquisition, pratique, etc. ) convenait bien davantage au niveau d'entendement général des jeunes de ces âges. Je m'emploie donc à m'y inspirer.

Je rigole quand je vois, dans un ouvrage dirigé par un pontife du domaine me parler de canevas de texte (la notion de plan étant bien trop simple, j'imagine), qui ne doit pas être une forme où verser son texte. Comme si d'enseigner le modèle scolaire, qui est évidemment bien trop structurant pour rendre compte de la diversité des formes du genre argumentatif, n'avait pas tout de même l'avantage indéniable d'aider à fixer un certain ordre dans les esprits en formation.  On ne verse pas son texte dans un plan, on le dessine et le construit dans une structure lisible qui favorise la communication. On voudrait tellement avoir encore une fois (je pense ici à cette néo-grammaire en passant) une théorie sans faille qui rend compte de tout ce qui se manifeste, sans voir que ce souhait est irréalisable et que, sur un plan pédagogique, le genre d'enseignement qui s'en inspire est voué à l'échec parce que l'esprit ne peut s'encombrer ainsi pour se déployer efficacement. On est voué à l'imperfection et à la lente acquisition des savoirs qui demeurent des balises dans un océan de possibilités. 

De vieux principes de l'apprentissage ont été oubliés. Mais bon, c'est toujours la même (et son clan) qui dicte depuis 20 ans ce qu'il faudrait enseigner dans les classes de français au primaire et au secondaire.

Quand on aurait besoin de conseils, on nous donne le lien d'un portail de l'université Laval qui n'a que la même approche tordue à proposer: de jolies et rares séquences didactiques faites selon une logique de linguistes modernes par de jeunes apprentis-enseignant(e)s ou enseignant(e)s qui n'ont pas une longue expérience de l'enseignement et qui semblent avoir beaucoup de temps pour penser à des activités souvent inapplicables et inutiles.

Je ne sais pas d'où viendra le vent du changement, mais il est à réclamer à mon sens. Une didactique efficace se doit d'émerger dans son contexte d'expérimentation quotidienne: la classe ordinaire; et ce, avec un regard critique et réflexif qui constate ce qui se passe et qui ne se laisse pas aveugler par des présupposés répétés ad nauseam par des gens déconnectés de la pratique de l'enseignement avec des jeunes. Enfin, il n'y a qu'un critère valable: l'impact et sa mesure.