Pages

vendredi 13 août 2010

Pour en finir avec l'argument de l'estime de soi, crédo pro-réformiste

Le professeur masqué critique l'argument de l'estime de soi que, Josée Bouchard, la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)  nous resert pour contrer l'imminence du bulletin unique que tous ceux qui en ont assez des stupidités  des 12 dernières années attendent:

« Le nouveau modèle d’évaluation de Québec pourrait nuire à l’estime personnelle des enfants en difficulté en les faisant redoubler. Avec le système de pondération suggéré, les mauvaises notes du début de l’année scolaire pourraient faire doubler l’élève même s’il se reprend avec succès en juin.

Selon elle, des recherches ont démontré qu’un enfant qui a redoublé a plus tendance à décrocher.»


Alors finissons-en avec cet argument, crédo pro-réformiste:

Tout le monde, pro-endormant, évoque l'estime de soi en s'économisant de bien définir de quoi l'on parle tout comme, en passant, on abuse de l'expression «les études démontrent» qui n'est pas vraiment un argument quand on ne cite pas des sources précises, ni l'ensemble du contexte de recherche. Attachons-nous donc à une référence en la matière, la tradition de recherche en psychologie.

Pour la majorité des chercheurs reconnus s'étant attachés à cette dimension psychologique de l'être, l'estime de soi ne construit pas à l'évidence sur l'approbation en situation d'incompétence manifeste. Ce style de manipulation positive s'apparente davantage à la flagornerie intéressée si ce n'est pas à des habitudes sectaires hautement suspectes dont abusent les gourous. Il faudrait lire le résumé des définitions de l'estime de soi que Wikipédia  en donnent pour bien cerner ce dont on parle. Ce qui ressort dans ces tentatives documentées de comprendre cette donnée sensible du sentiment de valeur personnelle de l'individu, c'est qu'on s'estime en rapport avec un idéal de soi (valeur de ce qui est important pour soi).

«Il n'existe actuellement pas de consensus sur une définition de l'estime de soi. Mais la plupart des chercheurs, malgré des divergences parfois importantes, s'entendent sur un point : l'estime de soi se mériterait. Soit qu'il s'agisse de gagner un sentiment d'appartenance en se conformant aux exigences du miroir social (Mead, 1934), soit qu'il faille atteindre un objectif particulier pour s'autoriser une fierté personnelle (Coopersmith, 1967), soit enfin qu'il convienne de respecter des « piliers » moraux afin que la réalité récompense la vertu (Branden, 1994). Pour jouir du privilège d'une bonne estime de soi, il faudrait donc s'ajuster à des principes extérieurs à soi.» (Wikipedia)

Prônez la réussite de tous sans affirmer des critères extérieurs de réussite correspondant à une exigence sociale valorisée ne favorisent pas une estime de soi, mais encourage une inflation de soi, une illusion. Et l'école n'a manifestement pas à sanctionner positivement l'incompétence ni des mirages de réussite bidon. Car ce faisant, elle ne serait qu'une contrefaçon de l'éducation et le sentiment d'estime de soi soi-disant qu'elle engendre en ce contexte, une fausseté susceptible de connaître un naufrage des plus navrant.

Enfin, l'école n'est pas le vecteur principal de l'estime de soi, ce sont les valeurs parentales qui seraient bien plus importantes. De fait, dans une famille où l'on estime les études, ne pas réussir peut conduire à une problématique d'estime de soi. Mais réussir sans effort dans un système disqualifié permet-il de satisfaire nos valeurs de réussite scolaire? Il reste, dans l'esprit de tous, un gros doute, si ce n'est un mépris pour ce qui n'est que faussement valorisé, ce qui ne peut en aucun cas, sauf idiotie flagrante, conduire à de l'estime de soi. En gardant un système scolaire mou, on fabrique donc de l'estime de soi faible chez tous ceux qui ne réussissent pas vraiment, mais qui satisfont «minimalement» les exigences.

On peut construire une estime de soi en autant qu'on réussisse vraiment dans un domaine qui compte à nos yeux. L'école n'est qu'une des nombreuses possibilités de développer un sentiment d'estime de soi.

En somme, la meilleure façon de détruire la valeur de l'éducation a été d'empêcher les enseignants de fournir aux jeunes une rétroaction continue et claire des exigences scolaires.

Aussi, l'évaluation reste le nerf de la guerre concernant la valeur que l'on met dans notre système scolaire. Madame Courchesne, qui nous quitte, avait bien compris cela. La mécanique de faussaire des «pro-réformes» ne nous dupera plus très longtemps.

8 commentaires:

Françoise Appy a dit…

Tout d’abord laissez-moi vous dire que je suis heureuse d’avoir enfin retrouvé votre blog qui avait disparu momentanément de mes écrans !

"Les études démontrent que… ".
Cette phrase est utilisée soit par ceux qui veulent donner plus de crédit à leur propos, mais ne sont pas en mesure de montrer quoi que ce soit. Ce n’est alors qu’une formule rhétorique. Elle est utilisée aussi par ceux qui sont en mesure de montrer les données. Mais à ceux-là, les précédents répondent par une mise en doute des études avancées.

Se pose ainsi la question de l’utilisation des données probantes en éducation qui est loin d’être entrée dans les mœurs. N’hésitez pas à lire l'excellent article de S.Bissonnette, C.Gauthier et N.Péladeau sur le sujet. Ces chercheurs, entre autres, oeuvrent pour ce qui sera sans doute un jour ou l’autre une véritable révolution des mentalités, une révolution sûre mais lente.

Il est tout de même extraordinaire de constater à quel point des idées erronées sur un plan cognitif (le meilleur exemple en est tout ce que l’on a pu suggérer en matière de méthodes d’apprentissage de la lecture) sont populaires et sont recommandées par les instances. Tout comme si un médicament était mis en vente sans avoir une autorisation de mise sur le marché.

Mais l’utilisation des résultats du projet Follow Through reste le meilleur exemple de cette attitude. Sur la question de l’estime de soi, ce projet FT a bien mis en évidence qu’une méthode d’enseignement directe et structurée (Direct Instruction), augmentait l’estime de soi, simplement en contribuant à la réussite d’un grand nombre d’élèves. Alors que d’autres méthodes en compétition avec le DI, qui elles avaient pour but plus spécifique de travailler sur l’estime de soi, ont eu des résultats bien moindres.Malgré cela, il n'y a pas eu de "révolution pédagogique" dans les pratiques de classe pendant les années qui ont suivi.

L’estime de soi est une conséquence de la réussite scolaire vraie, donc de l’utilisation d’une méthode pédagogique efficace. Il ne s’agit pas comme vous le dites de flagorner et de faire croire aux élèves qu’ils ont réussi en leur donnant des tonnes de bonnes notes factices. Les élèves ne sont pas idiots et ce serait œuvre démagogique. Or, la démagogie n’a pas lieu d’être en enseignement si nous nous attachons à l’efficacité.

Bien le bonjour de France et longue vie à votre blog !

Françoise Appy

Jonathan Livingston a dit…

Bonjour Françoise,

Bien le bonjour! De France encore une semaine... Les vacances s'achèvent!

Oui, j'ai suspendu le blog le temps de voyager et de réfléchir à la suite.

Votre lien ne fonctionne pas. J'imagine qu'on trouve l'article sur votre site.

Merci pour vos encouragements!

Françoise Appy a dit…

Désolée pour le lien, je ne sais pas ce qui s'est passé ! Nouvelle tentative:
article

Bonne fin de vacances,

Françoise

Jonathan Livingston a dit…

Je crois que Blogger a des limites quant à la possibilité de proposer des liens actifs dans les commentaires. Peut-être vaut-il mieux laisser le lien explicitement pour permettre de le recopier dans le fureteur. Car, à l'évidence, il ne fonctionne toujours pas!

Jonathan Livingston a dit…

Je crois avoir trouvé l'article dont vous suggérez la lecture:

- Steve Bissonnette, Clermont Gauthier et Mario Richard
La profession enseignante vue de l’intérieur et de l’extérieur - L’enseignement en 2010 : l’urgence de recourir aux données probantes !

http://www.3evoie.org/telechargementpublic/canada/bissonnette2010b.pdf

Merci pour votre excellent travail de documentation et pour votre site (http://www.3evoie.org/)!

steve bissonnette a dit…

voici le lien dont Françoise parle:

http://www.3evoie.org/telechargementpublic/canada/bissonnette2010d.pdf

Françoise Appy a dit…

Oui, c'est bien de ce lien qu'il s'agit. Désormais, je reproduirai les liens tels quels, ce sera plus simple! Pourtant l'aperçu de page semblait correct...
A bientôt,
Françoise

Paul C. a dit…

Bonjour,

Curieusement, je suis de ceux qui pensent que les gens, en général, ont TROP d'estime de soi. En fait, quand un "intervenant" se met à parler d'estime de soi, je devient méfiant et l'interlocuteur perd de la crédibilité à mes yeux.

Comme certains l'ont relevé, l'estime de soi ne saurait précéder l'acomplissement; c'est plutôt le résultat d'un travail accompli.

Paul C.

Paul C.