Pages

mardi 22 février 2011

Ce n'est pas le salaire qui me motive, mais le bon sens qui pourrait revenir...

Si je suis devenu enseignant, c'est d'abord parce que je voulais transmettre une certaine éducation à laquelle je donnais de la valeur.


Quand je vois les Legault régler la question d'un coup de baguette budgétaire pour augmenter les salaires en contre-partie d'une évaluation du rendement des enseignants en terme de réussite de leurs élèves et d'une prise de responsabilité accrue, je me dis qu'on ne va pas s'en sortir.


C'est tellement simplificateur: comme disait prof solitaire avec verve sur son blogue: «Une classe, c'est pas une usine de montage de toasters. Une école, c'est pas une PME.»


On pourrait se servir d'argent supplémentaire pour voir à bien mieux pourtant. Mieux détecter les difficultés des jeunes, mieux organiser des services adaptés: des classes spéciales, des écoles spéciales. Orchestrer des avenues de formation professionnelle réalistes pour ces clientèles. Libérer la classe ordinaire de cette hétérogénéité insensée. Revoir les programmes pour clarifier des objectifs clairs et réalistes et produire un matériel didactique plus adapté au besoin de la classe ordinaire. Remettre au programme les connaissances de base qui édifient solidement les bases intellectuelles et permet une préparation adéquate au niveau supérieur du développement au lieu de plonger avant le temps les jeunes dans la résolution des problèmes du monde adulte. Arrêter de mettre toutes les clientèles dans le moule de ce que sont capables les élèves doués ou issus de couches très favorisées culturellement: une utilisation rapide des connaissances après un temps d'assimilation court. La plupart des élèves ont besoin de consolider plus régulièrement et systématiquement leurs acquisitions. Les tenir dans des activités trop complexes qui dépassent leur capacité les font développer plutôt l'art de la falsification ou de la dissimulation plus que la consistance. Elles leur font développer une estime de soi vacillante qui confine à la déviance, la tricherie, le doute d'eux-mêmes et de ce qui les entoure.

Ce qui frappe dans les manuels quand on les parcourt, c'est le niveau élevé de difficulté des questions et problèmes sans jamais offrir de préparation adéquate. Le tout a des allures superficielles, on survole dans toutes les directions.  On dirait qu'on assume que l'intelligence et la compréhension ou l'éclair de génie surgit spontanément dans l'esprit du jeune en apprentissage.

C'est dans les méthodes qu'il faut mettre l'argent, dans l'évaluation des programmes et des méthodes sans a priori idéologique.

Augmenter nos salaires pour donner davantage aux syndicats, aux impôts, à l'assurance salaire, au régime de pensions, etc. ne va pas changer d'un iota ma fatigue grandissante de voir autant d'énergie gaspillée et de pensée magique autour de moi et de me sentir toujours et de plus en plus impuissant à éduquer vraiment les jeunes que je reçois dans mes classes.

Mettre de l'argent à expliquer aux gens, aux parents que l'école a ou avait un fonctionnement contraignant pour arriver à ses fins. Un jeune a besoin de rencontrer l'effort, de prendre conscience de ses erreurs, de vivre avec elles, de découvrir qu'il peut comprendre s'il cherche un peu.

Mettre de l'argent à stopper l'invasion des petits besoins personnels des petites personnes donc fragiles que leurs parents chouchoutent et défendent contre la vilaine école.  Arrêter de légitimer la dévalorisation de l'effort, les discussions stupides pour négocier à la baisse les exigences des profs, le droit à l'évaluation quand ça leur chante, j'en passe et des meilleures.

Hier, mon directeur disait qu'il allait éliminer les périodes d'examens de 1ère étape et 2e étape: «Ça crée trop de chicanes». Sans raison, les jeunes ne se pointent pas à l'examen et les parents débarquent pour intimer des reprises. J'ai beau travaillé depuis un moment dans des communautés particulières qui ne valorisent pas trop l'école, je suis franchement déconcerté. Quand l'école doit éviter la chicane et négocier à la baisse sans cesse ses exigences, où allons-nous? Peut-on me le dire?

J'ai l'impression que l'école dans l'idéal que je m'en faisais un peu se dégonfle chaque jour un peu plus... et devient une grosse coquille vide. Enfin, je suis toujours là, planqué dans l'enseignement adapté, là au moins je comprends pourquoi je fais des concessions. J'attends quelque part le signal que se pointe un certain retour au bon sens dans ce monde de fous.








Aucun commentaire: