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mercredi 24 octobre 2012

Passages à gué

Enseigner en région a son lot de petites misères, ici on a nos particularités en plus : pas de cloches depuis janvier, pénurie de 81/2 x 11 dans les dernières semaines, les commandes qui n'arrivent jamais, vraiment jamais, la salle informatique qui se déglingue, de la bande passante limitée (pour ceux qui ne savent pas ce que c'est: disons que l'internet n'est pas aussi fluide que dans le sud à fibre optique), 5 niveaux de français à gérer, des élèves absents, un après l'autre, des conflits avec des élèves la première année assez chiants, des accusations infondées, enfin la liste est longue.

En passant pour ceux qui me lisent, l'accusation n'a pas été retenue: celle d'avoir «pogné» le postérieur d'une jeune fille en plein corridor avec plein de monde autour... Et la jeune fille est revenue dans mes cours et la vie continue, je suis passé à autre chose et elle aussi. J'ai même eu la visite de la grand-mère lors de la première rencontre de parents. Comme quoi, faire la relation avec certains jeunes, dans ce métier, tient du rodéo de haute voltige! Faut avoir un peu les nerfs solides... moi, qui les ai eu fragiles en d'autres circonstances!

Mais bon, dans une deuxième année au même endroit, une chose change, et radicalement, c'est la qualité de la relation avec les jeunes. Celle-là, dans mon cas et dans celui de plusieurs, on la gagne à l'arraché!

L'enseignement est un métier de patience. Comme le jardinage. L'effet est lent, très lent et c'est la trame du quotidien qui le nourrit doucement, imperceptiblement.

Je choisis et rechoisis finalement d'être ici pour cette possibilité de construire quelque chose avec ces jeunes qui partent de loin dans le contexte d'un peuple qui se relève encore d'un énorme cataclysme culturel qui a eu lieu il y a une grosse cinquantaine d'années pour réussir le 2e plan Nord, car ce n'était pas le premier, en passant,  il y a eu celui de Lesage après celui du fameux Duplessis. Et, comme on sait, il y a eu celui de Bourassa, etc. , etc. Notre bouclé national n'a rien inventé. Du moment qu'on a commencé à voir ce qu'on pouvait tirer du territoire du Nord, le sort de nos étranges indigènes du coin étaient scellé, eux qui avaient coexisté pendant un bon 350 ans avec nous sans changer leur mode de vie.

Trois ans que je partage leurs vies, dans deux endroits, sans les comprendre, à tranquillement raboter mes préjugés et à sortir du jugement, à apprendre notre histoire et à réfléchir à notre avenir.

J'imagine aussi que ce cheminement permet aussi quelque chose.

Toujours est-il que cette année, il y a, par moment, comme une magie qui s'opère, un changement de perspective. Moins de chocs, plus de rencontres et d'attention réciproque et d'ouvertures pour l'apprentissage. Peu à peu, je trouve des passerelles, des passages à gué nouveaux!

Au final, malgré les nombreuses frustrations d'un milieu désarçonnant qui n'a jamais la fiabilité et la constance de ceux du sud, comme on dit par ici, quelque chose émerge et certaines ouvertures deviennent possibles.

On a toujours besoin d'enseignants par ici en passant! Si la vie vous intéresse!

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