Pages

samedi 11 décembre 2010

PISA ou être dans le peloton de tête de la production de pas trop nuls pour les petits boulots...

Quand j'ai lu les résultats aux tests PISA et les réactions qu'ils ont suscitées, je me suis demandé pourquoi des tests internationaux semblent invalider 15 ans d'observations de terrain à sentir franchement une dégradation dans la capacité de l'école à faire apprendre une matière scolaire d'une façon un tant soit peu consistante. Comment, dans le bordel régulier des classes, où l'on doit tenter de passer à des élèves qui n'ont pas les préalables un programme trop ambitieux souvent juste inapproprié, peut-on tout de même se démarquer dans des études internationales? Comment un système qui envoient plus de 50% des effectifs qui passent aux études post-secondaires dans des cours de rattrapage en français peut franchement croire qu'il fait le boulot pour lequel il est prévu?

Certains ont parlé de l'échantillonnage au Québec qui n'a réussi qu'à obtenir que 69% de répondants, ce qui pose certaines questions au sujet d'un biais probable dû à l'impact de sujets volontaires sur l'ensemble des données. En effet, au niveau de l'interprétation, on ne pourra pas ne pas discuter de la possibilité que certains sujets ne veuillent pas compléter un test qu'ils ne croit pas capable de faire. Enfin, comme le souligne Prof Masqué dans son dernier et excellent billet, si on met dans la balance les décrocheurs, nos résultats pourraient être assez dopés.

Mais  bon, c'est en France où on n'a pas obtenu des résultats qui satisfont qu'on finit par comprendre un peu mieux ce show de boucane un peu ésotérique de l'OCDE qui s'appelle PISA. Je vous invite à lire cette analyse de Nico Hirtt.

D'abord, Hirtt discute la nature des résultats: pourquoi parler de 529 points ou 479 points? 12 points de recul veulent dire quoi au juste? Au Québec, personne ne s'est proposée pour remettre ses scores en perspective. Les PISA sont des moyennes de tests où l'on peut faire 1000 points au maximum. Remis en  pourcentage, le Québec obtient 52,2 % en lecture de moyenne comparé avec d'autres provinces qui ont à peine un peu plus de 53% de moyenne. 12 points de recul est baisser de 1,2% de moyenne depuis 2000. Quand on regarde la distribution des données, on trouvera que près de la moitié des élèves ont un niveau tout juste minimal en lecture pour participer «à la vie productive», «dans un monde mondialisé», ce que prétend mesurer ce test:

«Il y a dix ans, l’OCDE a donc lancé l’initiative PISA, dans le double but d’encadrer et d’encourager la réforme de l’enseignement dans ce sens. PISA c’est une batterie de tests standardisés qui mesurent à quel point les élèves de 15 ans ont atteint ces compétences de base et rien d’autre. Comme l’explique clairement le rapport que vient de publier l’unité de l’Université de Liège, qui coordonne l’étude PISA en Communauté française : « La question est moins de savoir ce que les élèves de telle année peuvent faire, mais bien comment les élèves de 15 ans sont préparés à entrer dans la vie adulte. C’est pour cette raison que PISA évalue la culture mathématique ou scientifique, et pas les mathématiques ou les sciences. Ce qui pourrait sembler être un détail terminologique traduit la volonté de l’OCDE de voir si la culture des jeunes en mathématiques et sciences est suffisante par rapport aux demandes des sociétés industrialisées ». En langue maternelle, par exemple, on n’évalue ni les techniques de base, ni l’orthographe, ni la vitesse de lecture, ni la maîtrise d’un vaste vocabulaire, ni bien sûr le plaisir que l’on prend à lire, ni la qualité de ce qu’on lit, ni l’imagination dont on fait preuve dans la rédaction d’un texte... mais principalement la capacité de comprendre un texte dans un contexte directement opérationnel. Car c’est cela qui est demandé par les marchés du travail, particulièrement dans les emplois à faible niveau de qualification.»

Quand on comprend ce que mesure PISA, ce test tout sérieux qu'il soit, on se demande si mesurer des minimas de débrouillardises pour une adaptation au milieu du travail sans grande qualification à l'échelle internationale pour comparer des systèmes scolaires a une quelconque signification dans la perception de la qualité de notre système scolaire. Un système scolaire a d'autres enjeux à s'occuper: socialisation, instruction, préparation à des études post-secondaires, préparation à des formations professionnelles beaucoup plus poussées, transmettre des connaissances sur le monde pour participer comme citoyen aux débats publics,etc.

Être dans les meilleurs à comprendre les minimums de la «culture» des math ou des sciences requis pour être vendeur, je ne sais pas, vous, mais moi j'attends un peu plus du système scolaire.

Le problème de  PISA est de mesurer une seule finalité de l'école, alors que tous système scolaire en vise bien davantage. Ce n'est qu'une mesure parmi bien d'autres qui nous disent souvent tout à fait autre chose. Et c'est justement dans sa manière de se structurer pour rester compétente dans l'atteinte de ces finalités que nos critiques se déploient notamment concernant cette réforme et la concomitante intégration des élèves en difficulté à la classe ordinaire. Si notre but est de former des ignares fonctionnels en emploi, évidemment PISA a de quoi conforter! Car Pisa n'évalue que ça: la productivité du futur employé dans le monde mondialisé. Pas trop besoin de comprendre le monde pour ça... Même qu'avec la mobilité docile (et consommatrice) de la main d'oeuvre qu'on souhaite, il y a de quoi se méfier d'une étude qui est orchestrée par un organisme voué à la promotion du capitalisme mondial  et qui est devenue la bible pour juger les systèmes éducatifs depuis 10 ans. 

Bref, on peut être fier: avec 52,2% de moyenne dans les premiers au monde, après un biais d'échantillonnage, en lecture de textes fonctionnels, une bonne partie de nos jeunes  pourront peut-être lire les commentateurs des médias et avoir juste assez de culture mathématique pour comprendre que nous sommes dans le peloton de tête des systèmes scolaires et faire que le business des sociétés informatiques et l'expansion des facultés des sciences de l'éducation continuent de prospérer dans le meilleur des mondes.  Un bémol dans cette apothéose des auto-congratulations, comme l'a bien souligné Prof Masqué hier, après 10 ans d'école des compétences, les élèves actuels seraient devancés par ceux de 2000 éduqués dans les «méthodes d'arriérés» qu'on pratiquait dans les années 90 et avant.




Aucun commentaire: