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lundi 13 décembre 2010

Quand on utilise les bonnes données pour intervenir...

Dernièrement, un article a attiré mon attention dans le tintamarre de PISA toute garnie de l'Haussé Déus. Il y est question d'une explication sur les meilleurs résultats de l'Ontario au Pisa que le Québec. Là-bas, depuis 2003, on intervient de façon musclé sur un des indicateurs connus de la réussite scolaire depuis longtemps dans le monde de la recherche en éducation: la lecture. Vous irez lire, c'est assez intéressant: en gros, on met le paquet pour intervenir au niveau des matières de base très tôt, dès la maternelle et notamment en lecture. Et l'intervention a un impact non seulement sur le classement au Pisa, mais sur une amélioration sensible de tous les indicateurs de réussite et sur le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires qui a augmenté de 11% en 5 ans là-bas. 


Comme quoi, quand on se donne les moyens, on peut intervenir dans des directions très connues où l'on sait que ça va marcher. 


Je me demande pourquoi au Québec, on a fait juste la moitié du chemin. On a mis des épreuves nationales en 5e année en français, en 2e secondaire qu'on passe pour analyser le progrès des jeunes, mais qu'a-t-on fait par la suite? On a mis de l'argent pour intervenir en milieu défavorisé montréalais, mais qu'a-t-on fait ailleurs? Un gros rien. Aux dernières nouvelles, on a encore trop de jeunes au secondaire qui ne savent pas vraiment lire et franchement, on n'a pas à chercher bien plus loin les raisons du décrochage. 


Bon, évidemment, le lobby des sciences de l'éducation craint pour son steak. Ainsi, la «professeure au département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Louise Lafortune croit que même si l'Ontario a obtenu de bons résultats au PISA, le Québec ne devrait aucunement tout mettre en oeuvre pour l'imiter. Selon elle, les résultats du Québec sont tout à fait louables.» (toujours dans cet article)

«Ça fait 10 ans qu'on tape sur le système de l'éducation québécois. Mais on est parmi les meilleurs au monde! Pourquoi ne pas regarder nos bons coups?» demande-t-elle.

En 2000, Madame Lafortune, le Québec était encore plus en avant dans le peloton de tête. Il y a vingt ans, nous l'aurions été si ce genre de test aurait existé. A regarder la constance des résultats, on a du mal à ne pas voir un certain biais culturel dans ces résultats. Les résultats au PISA dans l'ensemble du Canada sont en plus assez semblables. On voit bien plus un effet Canada dans ses résultats que celui des réformes des dix dernières années parce que ce test n'évalue qu'un aspect fort limité des enjeux de l'éducation.

Par contre, Madame Lafortune, le programme en Ontario avait une cible et il semble l'atteindre après 7 ans d'interventions concertées pour accroître la réussite des jeunes et je comprends mal que vous ne vous intéressiez pas, ne serait qu'un tantinet à la chose, quand on connait la réalité du décrochage scolaire au Québec et les études sérieuses hautement documentées démontrant l'impact de la lecture sur la réussite scolaire que l'Ontario vient en plus de démontrer par un mise en application pratique de cette connaissance.

Non, certains professeurs des sciences de l'éducation préfèrent la prospérité de leur département à la réussite scolaire. Mettre l'accent sur les matières de base comme on l'a fait en Ontario et parvenir à des résultats est une réfutation manifeste des idées de la réforme qu'on a implantée au Québec qui prétend qu'on doit plonger les jeunes dans des projets complexes pour leur faire développer la maîtrise des compétences de bases. Évidemment, ne restons pas dans ce genre de réflexions trop longtemps, cela pourrait nuire à la fortune de certains... Les départements des sciences de l'éducation s'en tapent comme dans l'an quarante de ce genre de réussite et c'est pour le moins suspect. L'important, pour eux, comme on les voit bêler en coeur, ces derniers temps, c'est d'intervenir avec des spécialistes, des orthos, des «patchs», des conseillers pédagogiques, des hyperspécialistes en pédagogie, des conseillers en TICE, que leur département vont former (endoctriner en fait ) pour la prospérité de leur pouvoir sur le monde de l'éducation. Même si c'est inefficace et contraire au bon sens et aux conclusions de recherche.

S'il fallait réussir à vraiment faire décoller la réussite de nos jeunes, comment ferait-on tourner les départements des sciences de l'éducation qui cherchent sans trouver depuis longtemps à même les fonds publics et les subventions généreuses des compagnies de patentes informatiques qui s'occupent de leur marché?

Tous les gens que je connais qui suivent actuellement des études en éducation, au bac, à la maîtrise, discutent sans fin dans leur travaux de textes portant sur des approches théoriques en pédagogie qui sont des décalqués ou à peu près de celles de la psychologie théorique (behaviorisme, cognitivisme, constructivisme et leurs justificatifs) pour une prise de tête inutile à monter sur des powerpoints, des diagrammes à bulles qui donnent un semblant d'intelligence à une potion magique imbuvable et même inappropriée aux enjeux de l'éducation sur le terrain. Tout cela, au lieu de réfléchir à ce que des résultats de recherche très précis nous indiquent au sujet de la direction à prendre pour atteindre des objectifs de scolarisation efficace de nos jeunes.

En 1993, avant le bac de 4 ans en éducation, mon superviseur de stage, un fameux formateur me parlait de ces recherches sur les enseignants efficaces: sur les points communs dans leur pratique qui faisaient que les élèves apprenaient vraiment. Toute ma carrière, j'ai été étonné de ne voir l'écho de ces éclairages fascinants que dans des livres marginalisés par la clique du ministère et des sciences de l'éducation.

Plus j'avance dans ma réflexion en éducation, plus je me dis que des  gens ont intérêt à ce que rien n'aille trop bien dans les écoles, ils ont leurs solutions à vendre.

Heureusement, pour nous, le luxe de tourner en rond, que nous nous sommes payés pendant une période prospère de nos sociétés, tire à sa fin. A voir, les institutions gratter les fond de tiroirs ici et là pour garder le navire à flot, on risque d'être bientôt forcé de regarder la réalité en face et d'éliminer ces parasites de l'activité éducative, tout comme on devra pour survivre éliminer ces spéculateurs qui parasitent l'économie mondiale au point de tuer son hôte.

3 commentaires:

Paul C. a dit…

Bonjour,

Oui, quelle lettre tragique... eu...comique. On dirait un texte écrit par des adversaires de la réforme, qui se font passer pour ses défenseurs afin de la ridiculiser. Ce sont peut être les Yes Men...ou Sokal et Bricmont!

Cette lettre est tout un spécimen.
Mais pourquoi juste une lettre?
Est-ce qu'un chanson ou un petit sketche sur le Web n'aurais pas été plus "rayonnant"? Vous allez maintenant dessiner "comment vous vous sentiez au moment de prendre connaissance des résultats PISA".

Je partage votre réaction envers cette lettre, malgré votre retenue.
Toutefois je doute que vous fassiez un très bon agent de "tourisme pédagogique"...

Paul C.

Jonathan Livingston a dit…

Euh, je croyais avoir fait un commentaire sur un article et non sur une lettre, mais bon...

L'engagé a dit…

Lettre ou article, c'est sans importance Levingston.

J'en reviens pas de la limpidité de votre constat et de la simplicité de la solution ontarienne.

Il faut que les jeunes lisent, plus ils savent lire en progressant en complexité, plus le reste des interventions en sera facilité.

Faire comprendre à un jeune du secondaire des notions de grammaire un peu ardues est bien plus facile s'il est capable de lire du Poe que s'il peine à lire Le Petit Prince.

C'est en amont qu'il faut agir, si en secondaire ils savent lire, en dépit des autres difficultés, on pourra les raccrocher.