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lundi 3 mars 2008

Dialogue avec les fauves, réflexions sur l'apprentissage

Levingston! T’a vu le reportage sur le dressage des félins hier à Télé-Québec? (Dialogue avec les fauves) - Oui, Jo, intéressant non? - Tu parles! On y parlait de principes d’apprentissage. Enfin, de la raison.

Ma copine est monitrice d’équitation, elle a fait cela 17 ans. Elle trouvait que le type qui parlait de son art avait de la bouteille. Il savait de quoi il parlait. Une de ses bonnes amies est dresseuse ici au Québec de chevaux pour des numéros de cirque. Avec un félin qui n’a besoin que de quelques moments pour oublier le contrôle de son maître et « focuser » sur une jambe et sauter dessus pour revenir à son instinct chasseur, la marge est mince. Un cheval fait pareil, il peut vous envoyer une ruade, qui peut être mortelle, pour faire son espace s’il sort du cadre de la leçon d'équitation et de son travail. Il peut oublier qu'il est en travail et se mettre à déconner avec les autres chevaux, ses copains. L'instructeur doit toujours garder ses animaux avec lui. L’erreur ne pardonne pas. Écouter ce type m’a semblé être instructif sur la source de nos erreurs. Moins dangereuses, nos situations d'apprentissage peuvent utiliser ces structures d'apprentissage qui travaillent avec la matière inconsciente et animale en nous. En ne respectant pas ses données de l'apprentissage, peut-être que nous nous compliquons la vie et que nous n'aidons pas nos enfants.

Le dresseur de fauves racontait qu’on devait faire travailler l’animal à son niveau, le pousser mais pas trop. Le faire réussir quoi. Constamment, il gardait une communication avec l’animal, plaçait des demandes et félicitait chaque succès de l’animal. Il le faisait travailler progressivement. Utilisait les lieux de sécurité de l’animal : le premier enseignement, la lettre A de l'éducation d'un fauve, est la ligne droite. Il passe d'une cage refuge à une autre cage refuge. Puis on va placer un obstacle, un tabouret où il doit faire un arrêt, entre deux refuges qui à la longue devient sous l'effet du renforcement de son maître un lieu de transition sécuritaire pour lui. Vous avez sûrement vu dans un cirque un animal qui revient après chaque tour à des positions bien précises sur un tabouret, ou qui va d’un tabouret à un autre. Ce sont ses lieux de sécurité. Le dresseur lui fait apprendre ce qu’il est capable d’apprendre en tenant compte de l’animal. Ma copine dit qu’on procède exactement de la même manière avec les chevaux.

Il montrait aussi que lorsque l’animal avait compris quelque chose, il passait invariablement par une phase où il teste l’autorité. Il ne répond pas à la commande qu'il connaît juste pour voir comment va réagir son dominant. Si on le laisse faire, si on n’intervient pas, la prochaine fois, il fera encore pire, niaisera encore plus longtemps l’autorité de son maître. Bref, on ne laisse pas argumenter un félin qui se sent fatigué ou qui n’a pas le goût. Si on le laisse faire, la fois suivante, il va vous niaiser encore plus longtemps. Si on prend 10 minutes à le recaler. La fois suivante, on mettra peut-être 3 minutes, puis enfin de moins en moins jusqu’à ce que l’animal ne confronte plus son maître. Il a compris que ça ne sert à rien. Que la situation est plus stressante, quand il défie. Encore un truc instructif, pour nos dérives disciplinaires, et notre attitude fasse à l'inertie de certains jeunes, il me semble. Tu ne trouves pas Jo?

Le spécialiste résumait cela en 3 phases importantes de l'apprentissage: l'animal ne sait pas; l'animal sait, il fait le comportement; l'animal sait, il ne le fait pas (défi).

Point capital : il rabroue son animal qui refuse de faire ce qu’il sait faire. Le chicaner sur ce qu’il ne sait pas faire est inutile et dommageable. L’animal va se sentir perdu. Le maître a la responsabilité d’évaluer son animal, c’est lui qui décide quoi et quand faire les choses. C’est sa responsabilité de ne pas trop stresser son animal dans des apprentissages trop difficiles qui va le désorganiser. D’ailleurs, instructif, quand deux animaux travaillent ensemble, si l’un deux se fâche parce que ce qu’on lui demande est trop difficile, il va retourner son agressivité vers son congénère, pas vers le dominant. Méditons cela pour les situations d’agressivité en classe envers les pairs.

L’animal n’a pas besoin vraiment besoin de récompenses comme de la viande-bonbon, c’est le maître des félins qui le dit, mais de sécurité, et sa récompense c’est le contentement de son dominant qui le sécurise qui crée l'harmonie. Ce contentement manifesté par la voix qui félicite et des caresses est tout ce qu’il a besoin.

Quand il est en captivité, il n’a plus à chasser, à se trouver un abri, à se nourrir à se défendre des prédateurs. Son cerveau n’a plus ces enjeux de base pour s’occuper. Bref, de faire travailler un animal occupe son cerveau de manière positive.

On croit, dans des philosophies "gnagnans", dirait ma copine, qu’il est affreux de dresser des animaux. Or, les animaux en captivité qui n’ont pas ce genre de défi s’en sortent bien mal, développent des troubles du comportement et on voit de plus en plus de clinique psychologique pour animaux de nos jours. Hier, les dresseurs de félins confirmaient cela aussi. Le cerveau de l'animal est conçu pour faire un travail. L'apprentissage est une façon d'occuper ce cerveau à quelque chose de stimulant et les animaux dressés présentent un meilleur équilibre. De toute façon, un animal social vivant en liberté vivra dans le cadre hiérarchique de sa bande. Le fonctionnement de la bande a besoin de cela pour survivre. Et tous lui montrent, l’éduquent dans le sens d’une conduite appropriée et respectueuse de la hiérarchie et tous lui montrent les tâches de survie à maîtriser. Un jeune membre se fait corriger quand il s'éloigne du troupeau. On apprend aussi très jeune à faire attention aux autres, car une charge peut être mortelle.

Voilà pourquoi peut-être qu’on observait dans un autre reportage que j’ai vu je crois la semaine dernière, cette fois sur des chevaux sauvages remis en nature, des conduites très agressives dans le troupeau. Tous ces animaux, élevés en captivité, n’avaient pas été éduqué par la horde à faire attention, à respecter des distances, à respecter une hiérarchie.

Quand on voit ce maître des félins travailler, on remarque qu’il ne laisse pas faire l’animal. Cet animal a un potentiel de force destructrice fabuleux, il pourrait dominer. Et va chercher à le faire, il va tester la hiérarchie régulièrement. En gestion de classe, on nous parle de cette attention constante au groupe qui font parti des habiletés à développer pour que le groupe fonctionne bien.

Faire travailler un animal dans le cadre du dressage, d’un apprentissage, dit le spécialiste des fauves, c’est essentiellement faire apprendre un langage commun, un même langage. Assis, signifie tel comportement pour l’animal et le maître. Bref, c’est de l’association.

A mon sens, on aurait tous avantage à méditer cela, l’humain est un animal avec un cerveau conçu pour des enjeux de survie et de vie sociale, il est très capable de développer un langage par association claire d’événements comme le font les animaux sociaux. L'éducation n'est-il pas de faire maîtriser des concepts, des méthodes, des comportements, des habiletés, pour enfin un jour voler de ses propres ailes et avoir en poche des outils qu'on pourra par la suite utiliser ou adapter à nos tâches de la vie adulte? N'ai-ce pas la pratique d'habiletés simples qui permet plus tard en collaboration avec d'autres habiletés maîtrisées d'effectuer une tâche complexe de manière appropriée. Avant d'arriver au stade de la gestion cognitive de différentes tâches permettant d'atteindre un but, ne faudrait-il pas d'abord bien développer chacune de ses tâches ou habiletés simples? Dans le mirage du cognitivisme, n'avons-nous pas oublié le B-A BA-A de l'associationnisme orienté et contrôlé par un maître qui permet de développer des apprentissages de base? N'avons-nous pas oublié qu'il faut un maître et des apprentissages de base avant de passer à l'intégration, à la maîtrise? Regardez, les principes qui gouvernent notre monde de l'éducation sont tous ancrés dans un cognitivisme de maîtrise et cette tactique échoue lamentablement sous nos yeux. Avons-nous oublié qu'un enfant n'est pas un adulte? L'enfant n'est-il pas à l'âge d'acquérir des autres les habiletés de base utiles qui lui permettront plus tard de viser des maîtrises professionnelles, artistiques, sportives, personnelles? En le plongeant dans des projets visant des situations significatives de vie réel, n'est-on pas en train de lui faire perdre un temps précieux pour acquérir adéquatement les bases de son intelligence adulte?

Comme le souligne le spécialiste, les mêmes principes d’apprentissage s’appliquent à tous les animaux : travailler avec le besoin de sécurité, respect du rythme d’apprentissage, association d’un langage, récompense sous forme de contentement, donnée par la voix et le langage du corps, du dominant qui sécurise, qui crée l’harmonie pour l’animal, corriger quand l’animal confronte le maître pour tester son autorité, sa valeur de dominant. L’emmerder quoi jusqu’à ce qu’il s’exécute. Apprentissage progressif, appuyé sur la maîtrise des phases précédantes. Après chaque animal a ses spécificités. L'humain fonctionne de la même façon, si on regarde derrière le vernis de civilisation. Il a bien sûr ses spécificités.

Nous, en éducation, nous faisons comme si montrer au fauve se faisait dans l’arène avec les spectateurs (situation de vie réelle) en allant vers la ligne droite d’une cage à une autre (deux lieux de sécurité) qui est la lettre A de l’apprentissage du fauve (apprentissage des détails permettant d’exécuter un comportement de vie réelle organisé et complexe). On est complètement fou. Une chance que nos enfants n’ont pas de griffes!

On met nos enfants constamment devant des tâches cognitives trop exigeantes sans avoir consolidé des bases solides (jetons un coup d’œil à nos manuels). On ne travaille pas vraiment avec le besoin de sécurité et le besoin de contenter le dominant (harmonie). On a jeté l’apprentissage systématique et progressif au panier du passéisme associationniste, bref on stresse nos jeunes dans des tâches qu'ils ne peuvent réussir. On laisse l’enfant défier son maître trop souvent sans le corriger. On nous les mets à 30 dans une classe. Qu’espère-t-on franchement?

- Sont fous ces humains, Levingston!
- Je ne te le fais pas dire, Jo!

2 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

J'ai une collègue dont la discipline en classe a pris de l'assurance quand elle a appris à dresser des chiens. Je sais, c'est un peu terrible à écrire, mais les élèves dérangeants sont devenus des agneaux.

Le concept me répugne, mais il est intéressant de creuser cette piste.

Jonathan Livingston a dit…

J'ai répondu à votre commentaire dans un texte qui pousse la réflexion plus loin! Merci pour cette stimulation. J'apprends beaucoup en écrivant, car je mets en relation mes connaissances antérieures entre elles et mon expérience pour accéder de nouvelles visions...