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lundi 7 décembre 2009

Les essentiels oubliés...

Préambule

Dans une discussion faisant suite à l'introduction du livre de Normand Baillargeon, Contre la réforme, les contributions sont nombreuses. Je me suis permis ce long développement, que je mets ici aussi. Il fait suite à un constat que je posais dans cette discussion:

Vous ne réalisez pas une chose. Pour la première fois depuis la nuit des temps dans l'humanité, les enfants décident si leur éducation leur convient...

J'ai l'impression que la société moderne a opéré un glissement fort étrange.

J'aime bien ton histoire de gâteaux blancs Missmath, en même temps, si on laisse un enfant dans son raisonnement égocentrique dicter la direction pédagogique, on n'a pas fini de valser!

Pour moi, on a abandonné la transmission rigoureuse de nos valeurs et de nos méthodes. Nos enfants sont gavés de spectacles intéressants...

Regarde bien la déconstruction du monde occidental dans les décennies à venir. Nous serons témoin de ça...


Missmath nous fit remarquer:  Cher Jonathan, on n'a pas fini de valser, parce que, si les enfants décident de la danse, les parents les accompagnent en imposant le tempo.

Je passe sous silence les autres réflexions qui m'ont mené à développer ce que j'entends par transmission rigoureuse de nos valeurs et de nos méthodes. On n'a qu'à aller suivre le fil de discussion chez Missmath si besoin est!
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Pour moi,

La pression des enfants et des parents élude des ingrédients essentiels dans la formation de l'intellect: la répétition, la construction progressive des connaissances et des habiletés en élaguant les détails pour mieux saisir le pattern, la structure, la chose à retenir. Et malheureusement, trop d'éducateurs ont rejoint les rangs de ceux qui ne voient plus ces nécessités. Aussi, pour apporter un autre éclairage à cette discussion intéressante, je vais m'attarder à cet aspect.

L'éducation nécessite un petit côté nécessairement contraignant. Il faut amener l'enfant à l'effort pour développer son intellect et construire patiemment sa capacité d'apprendre, d'entrer en relation avec le savoir.

Il y avait classiquement pour cela des méthodes propres à chaque discipline. En maths, par exemple, on suivait une certaine logique, celle des séries toujours plus complexes. Tranquillement, on gravait le disque dur qui permet ensuite de gérer des opérations de plus en plus complexes. Au préalables, quelques répétitions clés avaient été 100  fois retravaillées ou mémorisées: les additions de base, les tables, certaines routines complexes dans les opérations, les multiples, les facteurs des nombres,etc.

En français, après les bases de lecture et d'écriture, on y allait progressivement avec des faits de langues et des apprentissages faisant appel à la capacité de mémoriser. Même dans les bases, de nos jours, on saute des étapes qui amorçaient la capacité d'analyse des détails en approchant la lecture par l'apprentissage visuel des mots (approche global), plutôt que de patiemment développer la lecture fine des lettres et des syllabes. C'est cute de les voir lire fin 1ère année, mais à quel prix?

Qui fait apprendre les verbes solidement comme autrefois? La connaissance de la grammaire du verbe est une denrée rare chez nos élèves du secondaire... Il y avait des routines pour cela, des façons d'exercer le rappel...

L'analyse grammaticale qui à l'époque y allait avec une structure fort simple sujet-verbe-complément,cent fois répétée, fixait patiemment des concepts nécessaires à la constitution d'un réseau de connaissances bien gravées dans le disque dur de la tête bien faite aussi. Elle continuait le regard analytique et la patiente mise en relation répétée des concepts à la base d'une maîtrise possible de la grammaire. En plus d'écrire des mots, de les copier, de les voir, de les entrer dans sa main et dans son œil patiemment. Tout cela pour éventuellement objectiver, réfléchir et corriger son orthographe, le tout progressivement.

De plus en plus, la pédagogie globalisante et un modèle unique pour toutes les matières tentent de nous faire avaler qu'on peut se passer de cette patiente et nécessaire construction ordonnée des connaissances de base et qu'on apprend en ayant des questions (émotion d'étonnement), ce qui motiveraient, à partir de situation complexe de la vie réelle: d'où la pédagogie de projet.

Entre le questionnement et la constitution de base qui requiert la patience, on ne maintiendra pas l'intérêt... Cette pédagogie ne tient pas la route.

Même lubie pour la pédagogie inductive où l'on découvrirait des règles par observation et manipulation et une fois découvertes, on les retiendrait comme par magie. Or, ça ne fonctionne pas. C'est des leurres que chacun est à même d'observer dans sa pratique... Comme si on pouvait se passer de la patiente répétition ou de l'habitude ou des routines qui seules marquent la mémoire pour longtemps quand il s'agit de petits détails... L'intellect pour se construire a besoin de ce temps et de ce patient travail.

L'émotion qui ferait nous rappeler  dans les cas de chocs traumatiques n'a pas vraiment d'application en éducation ou si peu comparé à la force de l'habitude de faire un certain chemin intellectuel. Le questionnement qui étonne au point de déclencher la mémoire est rare.

Le pire dans la situation, c'est qu'on n'a plus conscience de ces nécessités de l'apprentissage dans la constitution de l'intellect et donc, on ne se tient plus comme organisation éducative pour mettre cette pression nécessaire pour un patient développement des connaissances de base. On ne stimule plus guère ou fort insuffisamment la capacité de rappel. On ne fait plus faire la copie qui pourtant me fait apprendre rapidement un texte de chanson que je veux mémoriser, alors qu'en le lisant 100 fois, je n'y arrive pas.

Du déficit d'attention, ça se combat simplement en exigeant l'attention, en mettant en action d'attention. Et en ne laissant pas trop de choix... Quand on nous pousse à apprendre, on peut découvrir que ça entre... Quand je constate de plus en plus la pauvreté d'écoute pour tout ce qui demande un certain entrainement et un effort, je me dis que quelque part nous ne faisons plus cet entrainement intellectuel à la base de la démarche d'éducation et qu'on perd un temps fou dans des activités qui ne donnent rien en bout du compte.

Aujourd'hui, s'il est une chose essentielle qu'on nous a enlevée, c'est bien cette capacité d'exiger un travail. En mettant sur nous l'exigence d'intéresser, on a noyé toute possibilité de faire de l'éducation efficacement.

Oui, la gestion de classe est le nerf, et la nécessaire autorité aussi qui peut faire faire. Pas celle qui écrase, pas celle qui détruit, mais la nécessaire autorité qui régularise, qui rend possible l'œuvre...

Quand un enfant a la liberté de se soustraire sans problème de l'autorité qui le guide vers son développement,il ne voit pas qu'il s'ampute d'une possibilité pourtant importante pour accroître sa maîtrise du monde. Voilà la solidarité des adultes envers le projet éducatif que j'aimerais voir renaître: donner à l'enseignant la force nécessaire de s'imposer, de faire faire ce qui doit. A mon sens, sans cette prise de conscience importante, sans ce rappel de ces nécessités de l'apprentissage, on va errer encore longtemps dans notre tâche. Et nous, nous devons assumer ce rôle, arrêter de nous prendre pour des bouffons qui doivent intéresser la galerie...

Aujourd'hui, je suis assez d'accord avec Blag'cuicui, on attire l'attention de l'éducateur sur le dernier gadget qui marcherait pour stimuler un travail assez superficiel chez l'apprenant.

Or, la pédagogie nouvelle, au lieu de nous mystifier de ces artifices qui n'ont pas  prouvé leur efficacité, devrait mettre son ardeur à rendre stimulante les nécessaires répétitions. Jouer en répétant, chanter, dessiner, faire des jeux, et se répéter aussi joyeusement qu'on devient intelligent et capable de faire quelque chose parce qu'on l'a fait bien 100 fois.

Mon reproche envers la plupart des conseillers pédagogiques que j'ai croisés dans ma vie, c'est qu'ils sont aussi inconscients de ces faits essentiels. Ils devraient nous rappeler ces essentiels plutôt que de nous donner le dernier truc qui cogne qui s'avère 100 fois sur 10 inefficace ou inapplicable!

Et je n'ai parlé que des deux matières de base.

Voilà donc dans quel état j'hère!

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