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dimanche 13 décembre 2009

L'anonymat du moment

Ai-je le courage de mes propos? Pour répondre au premier commentaire de Raéquien à ma salve contre leur réforme. Franchement, non! Allez sur la place publique m'opposer au système, non, je n'ai pas encore assez mûri ma réflexion et je n'ai pas aussi l'habitude des escrimes publiques. Le corps enseignant n'est pas encore mûr non plus pour l'opposition. Ça s'en vient.

Non, je fais mes classes, je suis sur le terrain, j'observe, je réfléchis, j'analyse, j'exprime le chaos d'idées contradictoires qui naît de la rencontre de leur idéologie dans mon quotidien et de son effet sur les apprenants et  des conceptions que je me fais de l'enseignement et de l'apprentissage.

Tranquillement, une contre-réforme mûrit dans ma pensée et dans mon expérience, un jour j'irai peut-être travailler à la nouvelle direction pédagogique à donner pour recadrer le monde de l'éducation. Pour le moment, je critique, j'oppose des arguments, je lance mes réflexions, je regarde les réactions et je reste anonyme.

On aimerait bien utiliser la force du groupe et des copains en place pour me bombarder sur la place publique.

Mais bon, je reste dans l'ombre. Si seulement, j'arrive à formuler avec d'autres un nouveau discours de contre-réforme et que des gens ici et là s'approprient cette pensée ou alimentent leur propre réflexion critique, déjà je considère mon action pertinente et justifiée.

Personnellement, j'en ai rien à taper des gens en particulier, je travaille contre une idéologie au pouvoir. Et une idéologie se démonte, dans un premier temps, sur le terrain des idées. Qu'on sache précisément qui je suis ne changera rien au débat.

Et pour le  moment, vu que j'ai un job à temps plein de terrain qui demande le gros de mes énergies et un combat idéologique à temps très partiel, je me ménage et me protège de ces messieurs en cravates qui tirent les ficelles.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Les meilleures réflexions que j'ai lues à l'égard de la réforme (et des stratégies pédagogiques en général) proviennent de votre bloque, et je fais circuler beaucoup de vos raisonnements dans mon milieu éducatif, mes collègues les plus «réformes» commencent d'ailleurs à revoir leur position.

Je pense d'ailleurs à ce texte qui corrigeait certains propos contre-réformes et qui réaffirmait la nécessité de comprendre les prémisses de ce projet et à votre commentaire qui déconstruisait lesdites prémisses les unes après les autres. C'était du grand art. Une version «grand public» de l'exercice me semble nécessaire.



Le « colloque » chez Missmath (avec une partie de vos réponses ici, pour éviter de déborder sur la page d'une autre) était d'ailleurs un très bel exercice.

Tout en respectant l'anonymat, je crois qu'il est plus que temps de sortir vos écrits du blogue, je pense à une série de 2 ou 3 textes dans le Devoir.

Avec le bon « timing », la série en question aurait le mérite d'attirer les intellectuels sur la question, car c'est là l'ennui, seuls les profs se sentent vraiment concernés par ce sujet, alors que l'éducation concerne toute la société.

Charles

Jonathan Livingston a dit…

Merci Charles,

Voilà mon projet: permettre à d'autres de tranquillement aussi penser par eux-mêmes dans les milieux. Malheureusement, je n'ai pas l'appareil d'un ministère avec ses colloques, ses formations et ses libérations et sa structure organisationnelle pour faire contre-poids.

Je me dis aussi à force de laisser des traces ici et là d'une réflexion, je rejoins doucement, tranquillement des décideurs aussi. Qui sait la Ministre m'a peut-être lue? Tout est possible dans cette modeste position publique que je prends.

Comme je le dis ailleurs, pour le moment il faut doucement déblayer dans les idées, continuer d'affiner le discours, une idéologie se combat par une contre-idéologie qui utilise les mêmes procédés: formules-chocs qui doivent être martelées...

C'est bête, mais c'est une réalité de communication que tout le monde des communications connait bien. Il faut bien posséder son sujet avant d'entrer dans l'arène politique, car c'est une arène et elle est sans pitié... je ne suis pas prêt à ce combat. Je n'ai pas la force de la gang, ni des conseillers habiles, je suis un homme seul avec sa tête et ses limites...

Et franchement, je ne suis pas encore sûr de vouloir aller jouer les héros... Le rôle de héros est grisant, mais il faut être prêt à mourir au combat aussi... Vaut mieux bien s'entrainer, faire ses classes avant de jouer les Jeanne D'arc.

Qu'on me trouve une place pour que je sois payé à faire cette lutte et croyez-moi, je vais probablement entrer dans le cirque... Pour le moment, j'ai besoin de mon job. Je ne suis pas planqué un minimum, c'est des réalités à tenir compte.

Je travaille dans l'ombre, l'heure des coming out n'est pas pour maintenant...

Soyons patients...

Anonyme a dit…

Patience et longueur de temps...

Je relis et j'y repense, peut-être faut-il effectivement laisser la pensée mûrir.

Le secret (qui n'en est pas un) de la pensée scientifique est cette absolue conscience d'avoir touché une vérité qui nous rend inébranlable lorsqu'on a décidé de tester une idée contre toutes les réfutations possibles.

On en sort avec une conviction trempée (je veux dire aussi solide qu'une lame qui l'aurait été mainte fois).

Cette résolution est probablement nécessaire pour gagner la population à la cause de l'éducation.


Le combat pour moi est là, quand une frange significative (peut-être même pas majoritaire, juste nombreuse) aura compris qu'il est nécessaire d'agir et de faire de l'éducation la pierre angulaire du tissu social, nous verrons un changement.

En ce sens, le régime pédagogique est moins important que la préoccupation sociale. On se préoccupe du prix de l'essence, mais on ne se préoccupe pas que la santé prenne une ponction supérieure au budget dévolu à l'éducation. On reconstruit nos routes, mais on ne fait pas de nouvelles piscines, de jardins ou de centres de loisirs.

Mais pendant que j'écris ceci (du rêve), ça prend des gens qui méditent aussi -patiemment- à propos des dérives épistémologiques des dites réformes auxquelles nous ne nous intéressons pas assez.

Prenez-donc votre temps... Les « oeufs philosophiques que vous nous pondez valent largement l'anonymat dans lequel ils sont conçus.

Charles

Jonathan Livingston a dit…

Merci encore pour vos encouragement Charles et votre patience!

La réalité du système d'éducation est complexe. On travaille tous avec notre bout de lorgnette. Nous avons nécessairement une vision toujours limitée de l'ensemble même si nous sommes tous sollicités par cette nouvelle philosophie d'éducation. Personne ne peut connaître aisément l'ensemble du dossier de l'éducation même à l'heure d'Internet. Y a la documentation officielle, mais les perceptions de terrains sont assez difficiles à avoir. Et les enseignants sont des gens assez occupés en général qui doivent assurer sur le terrain l'énergie de leaders constants et enthousiastes. On sait tous entre nous ce que ça demande comme énergie.

Bon, j'ai bougé souvent dans ma carrière, ce qui m'a fait rencontrer bien des gens et fait voir bien des situations. J'explore cette année encore une nouvelle réalité, celle de l'enseignement aux adultes... qui pour l'instant flotte depuis plusieurs années entre deux eaux au sujet de la réforme à ce que je viens d'apprendre. C'est assez intéressant...

J'attends l'ouvrage de Baillargeon, j'ai le goût de ressortir aussi quelques fondamentaux de ma formation en psychologie qu'il faut que je retrouve.

Mais bon, le cul-de-sac de la réforme est sa résultante. Dans les dernières années, j'ai vu des enseignants d'expérience se plaindre d'une détérioration significative dans le niveau d'acquis des cohortes montantes et ce partout même dans des milieux favorisés. Cette évaluation informelle correspond à une réalité objective, à mon sens, qu'on ne pourra pas cacher indéfiniment.

Il faut penser la suite du constat d'échec qu'on va de plus en plus faire qui est pour bientôt...

Après le renouveau, il y aura ce chaos général à gérer, probablement des états généraux. C'est à prévoir...

Chacun met sa pierre dans le processus qui ne peut pas ne pas être collectif!

J'essaie de sortir des débats sans issus entre les classiques qui nous parlent des grands auteurs et ceux nous parlent de leur pédagogie inapplicable mur à mur et l'impose sans discernement à toutes les situations d'enseignement et toutes les matières.

Il faut entrer dans le processus des choses. Arrêter d'agréer bêtement à des conneries du genre les enseignants manquent de formations...

Non, le problème est plus enraciné que cela: une mentalité d'encadrement des enfants qui ne peut pas permettre vraiment une scolarisation sérieuse, des programmes de plus en plus tournés vers un utilitarisme à courte vue emballée dans des idéaux irréalistes et abstraits, des outils modernes comme la grammaire nouvelle, qui est pensée par des gens qui ne côtoient pas les enfants, qui n'ont pas la sensibilité affutée pour voir le cul-de-sac pédagogique dans lequel ils nous mettent...

C'est cette conscience du processus en dessous de la surface des choses et des débats publiques que j'essaie de développer.

Il faut tenter de donner de la substance à notre chialage et à nos frustrations.

Il ne faut pas juste rejeter la réforme. En nous plaçant dans ces impossibilités et ce flous artistiques, elle nous permet en un sens peut-être de mieux connaître ce que nous faisons... On apprend de nos erreurs!