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mercredi 18 novembre 2009

La clé des possibles

La mort de l'enfance et l'espoir d'y retourner des adultes



Ma conjointe fait de l'animation et de la suppléance depuis peu au secteur jeune du patelin où nous sommes.

On discute souvent de ces enfants quoi charmants par bout, mais aussi très souvent insolents, capables d'ignorer les directives d'un adulte, de faire à leurs têtes, incapables de se concentrer longtemps, toujours en train de se tirailler, de se parler entre eux avec un irrespect violent.

De l'autre côté, elle lit un bouquin qui se décrit comme un thriller spirituel qu'on lui a envoyé parce qu'elle fait des critiques de livres: La croisade des enfants. Ce roman, le troisième d'une trilogie que je n'ai pas lue, ni d'ailleurs celui-ci est très à la mode selon sa quatrième de couverture. En la lisant d'ailleurs, on comprend tout de suite que le roman qui joue dans des histoires éparpillées dans le temps se relient pour développer une thèse: les enfants ont une innocence, un secret de la vie que nous avons perdu.

Cette sorte d'idéalisation de l'enfance est assez courante dans toute une littérature, comme celle du bon sauvage aussi. L'idéalisation de l'enfance est courante chez bon nombre d'adultes, d'ailleurs toute une industrie de produits pour enfants aime bien qu'on les dorlotte dans l'idée qu'ils sont donc chanceux.

Or, si l'enfance comprend certes ces innocences savoureuses, selon ce que j'en observe, elle est loin d'être l'idéal qu'on prétend. Dans mon souvenir, les sociétés d'enfants sont souvent violentes, ils y règnent la loi du plus fort, du plus populaire, qui n'est pas nécessairement le plus intelligent et le plus juste. Si nous étions gouverné par des enfants, le monde ne serait à mon sens absolument pas meilleur qu'il ne l'est, bien au contraire. Les enfants sont souvent fort mal équipés pour gérer leurs conflits interpersonnelles. Dans la toute petite enfance, très souvent, les enfants n'ont que peu d'habiletés pour coopérer. Bref, l'enfant pour s'humaniser a beaucoup à apprendre. Le langage pour communiquer, la pensée pour trouver des solutions, l'abstraction pour comprendre la justice et s'organiser en groupe dans l'intérêt de tous et pour atteindre des buts de groupe.

Quand on s'efface ou on laisse le pouvoir à des enfants de s'organiser eux-mêmes, on observe rapidement un certain chaos. Sans l'habileté de quelques-uns de convaincre parfois de maintenir une certaine activité de groupe, il ne se passe pas grand chose. Ce sont des moments rares... Dans une classe, laissez le contrôle à certains jeunes et ça va se sauter dessus en peu de temps.

Laissez-les faire ce qu'ils veulent et ils vont rien faire de très significatifs dans cet environnement riche pourtant qu'est une école pour apprendre plein de choses.

Traditionnellement, on ne laissait pas le chaos enfantin intervenir et prendre autant de place dans la vie des adultes et il était clair que l'enfant avait à apprendre de l'adulte. D'ailleurs, je me souviens que, dans mon enfance, la plupart des enfants avaient une certaine crainte des adultes, car  ne pas les écouter avaient souvent des conséquences fâcheuses. J'ai personnellement craint mon père qui m'a montré deux trois fois qu'il était 6 fois plus gros que moi et donc respectable objectivement. Bref, quand il élevait la voix, je comprenais que c'était le temps de m'intéresser à ce qu'il disait dans mon propre intérêt.

J'ai gardé longtemps cette crainte... qui curieusement est devenu une écoute, un respect, une capacité d'empathie...

Dans cette place que j'occupais clair et finalement vraie de ma situation d'enfant, j'ai pu rêver de devenir aussi fort que lui pour un jour être un adulte avec toute cette force, cette dignité et ces habiletés de l'adulte. Bref, j'ai écouté les adultes, j'avais compris que pour grandir j'avais avantage à les écouter pour apprendre d'eux. Quand un adulte parlait, j'avais toujours une certaine oreille tendue. Je ne sais pas, je n'ai jamais trop trouvé dur d'étudier, car juste d'avoir écouté les cours me donnait 80 % de ce que je devais savoir pour satisfaire les exigences et bien au-delà.

Comme enfants, j'ai écouté avidement la télé pour comprendre le monde qui m'entourait, puis plus tard, j'ai beaucoup lu pour encore le maîtriser davantage, parce qu'en chemin j'ai croisé un adulte avec le talent de  la parole et très cultivé dans de nombreux domaines qui brassait l'adolescent naïf. Je suis devenu prof pour parfaire ce besoin de maîtriser davantage mon expression probablement un peu à  cause de tout ce contexte d'adultes à une époque où encore si on envoyait promener un adulte, on pouvait se prendre une giffle en pleine face!

On pourrait voir de nos jours tout cela comme une contrainte violente et abusive et, pourtant avec le recul, je comprends que cette crainte, cette écoute, cette volonté de devenir aussi fort, sinon plus fort que l'adulte, m'a finalement renforcé comme personne, m'a aidé à me construire.

Quand j'étais jeune, mes parents n'ont pas cherché à devenir mon ami, ne s'intéressait pas plus qu'il ne faut à mon cheminement, n'essayait pas de me comprendre, il m'encadrait, me parlait en adulte et quand je disais des innocences, il ne contredisait adroitement pour faire désouffler mes inflations, mes prétentions. Bref, il me mettait constamment au défi de devenir un adulte équipé, réfléchi  avec de la réparti et une pensée cohérente avant de m'accorder cette attention, ce droit de parole. Bref, ils m'ont ramené à l'ordre vrai des choses: l'enfant est innocent, a beaucoup à apprendre, n'a pas la maturité ni l'expérience pour donner son opinion sur tout et discuter de tout, tout le temps. Il a souvent bien de la route à faire avant de pouvoir comprendre un certain nombre de choses...

Quand on regarde les enfants d'aujourd'hui dans une salle de classe, dans un gymnase et qu'on les voit absolument sans crainte, se prendre pour le nombril du monde et afficher des attitudes de je-sais-tout, se promener sur des quatres-roues à dix ans, avoir accès à tout, discuter stupidement de tout, se mettre dans une position de roi qu'on doit satisfaire, et , en même temps, les voir avec toutes ses lacunes tourner en rond, changer de jeu tous les dix minutes dans une hyperactivité sans intelligence, on se demande franchement s'il n'ont pas perdu quelque chose d'important qu'on avait: l'envie de devenir plus fort pour enfin être respecté par les adultes et donc d'être en quête, en recherche, en apprentissage, en écoute attentive et concentré des informations qui permettent de se développer. Non, aujourd'hui, dans le visage des enfants, on voit souvent l'évidence qu'ils n'ont rien à apprendre et dans leur bouche pour justifier leur incapacité réelle des excuses faciles. Ils sont pris dans leur illusion de grandeur.

Autour d'eux, des adultes les excusent. Ils ne sont que des enfants... Profitez-en! La vie d'adulte, c'est plein de responsabilités! Nos enfants, on les croit, on les écoute, on veut les intéresser, on veut s'en faire des amis... Mais les aide-t-on ainsi  vraiment à vouloir vraiment être grand? Surtout de nos jours, on ne sent plus aucune solidarité adulte face aux «innocences» des enfants pour les inciter à aller au-delà. Non, on nous incite à devenir leur animateur de service, leur chef scout à disposition des caprises, le pouvoyeur de bébelles qui empêche d'apprendre le désir et l'attente qui ouvre à la créativité. Pour ma part, je refuse ce rôle. Je ne le crois pas formateur.

Si l'adulte qui s'enferme dans des routes convenus d'habitudes et de croyances se sent un jour enfermé dans ses contradictions, ses responsabilités, ses multiples problèmes et regrette l'insouciance de l'enfance, il a oublié aussi le chaos de l'enfance, la violence des enfants, le côté formateur des contraintes qu'il avait à dépasser pour avoir un jour son statut d'adulte.

Évidemment, le retour en enfance, ou retrouver l'enfant en soi fait partie de beaucoup de thérapies, mais les gens et la culture populaire atteignent rarement la compréhension de ce processus: il s'agit de reprendre conscience de toute cette liberté qu'on a dans cette vie pour changer notre destin si on le veut. C'est la clé des possibles du film Grande Ourse que j'ai vu hier et qui, dans sa sorcellerie débridée, pose exactement sur un mode symbolique ce problème humain.. C'est un moment, une saison de retour à l'innocence pour aller au-delà: accepter nos choix et retrouver une certaine liberté devant cette illusion de contraintes que nous nous sommes doucement imposés pour des milliers de bonnes raisons. Dans le film: de nouvelle lunette permettent à Lapointe d'entrer dans un univers parallèle au péril de sa vie pour retrouver le porteur de la clé des possibles et la lui prendre. Dans cet univers aux couleurs dépareillés qui rappelle l'enfance et les années 60 et ses couleurs criardes, il doit trouver un guide qui ne sait même pas qu'elle peut être guide qui l'amène dans un musée où rien ne se passe juqu'au moment où un enfant fatigant et qu'on envoie jouer fait une fugue et conduit ainsi  les chercheurs de la clé des possibles dans un parc d'enfant, qui est juste à côté des portes de l'enfer ou des catacombes ou du Styx, ce cours d'eau qui mène au pays des morts: c'est l'endroit où l'on reverra les carrefours de sa vie et toutes les possibilités.

Là, on peut rester pris longtemps, nous montre le film, dans l'irréalité des mondes possibles. Jusqu'au moment où l'on doit tuer le porteur de clés qui est finalement soi-même et qu'on trouvera au cimetière là où l'on considère sa vie dans la grande aventure humaine en contemplant toutes ses vies terminées de nos prédécesseurs et le sens profond de notre passage dans cette vie. On découvre que la clé des possibles est pour devant soi, pas pour derrière. Pour ce qu'on peut faire et développer avec ce qu'on a en arrêtant de se plaindre de ce qu'on n'a pas pour rendre significatif  ce qui nous reste de ce passage sur terre. La conclusion est l'acceptation du destin et de son rôle actif désormais pour vivre plus significativement sa vie et un retour dans le réel.

La nostalgie est un moment du processus, le symbole de l'enfant, du dauphin jouet d'enfant, est là pour aller faire l'examen intérieur de sa vie passée, des rendez-vous manqués, pour comprendre ce qui nous a mené dans le cul de sac, pas pour y rester enfermé dans un univers d'illuminés...

Malheureusement, beaucoup restent pris dans cette étape dans une éternelle nostalgie de l'enfance qui ne débouchent pas sur la maturation auquel le processus devrait amener: être davantage soi-même et pourtant engagé pleinement dans ce monde.

Malheureusement, beaucoup de gens ont peur et reste pris dans leur vie tout en idéalisant l'innocence perdue. Refusant de grandir et d'assumer vraiment leur rôle pleinement, il agrée de laisser leur enfant devenir leur roi. Peut-être que cette posture perpétue leur marécage en fait... et la peur de vivre. Et en attendant, nous ne formons pas convenablement la génération qui nous suivra...

Image tirée de Cinéma Montréal, film: Grande Ourse: La clé des possibles

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